Dialogue économique national : Quel consensus pour les dossiers chauds ?

Organisations nationales, partis politiques, société civile et gouvernement se réunissent actuellement sous forme de commissions pour débattre des principales problématiques du moment afin de parvenir à des consensus. L’échéance étant le 28 mai pour rendre publiques les conclusions auxquelles auraient abouti les débats relatifs aux défis majeurs qui doivent être relevés par la nation en ce moment crucial de la transition politique et économique. De quoi s’agit-il ? Où se situent les dissensions ? Quels sont les enjeux ?

Cela implique pour le gouvernement de faire des choix qui engagent le pays pour longtemps et donc des consensus entre toutes les forces vives du pays. D’où le recours au dialogue économique national.Il  y a lieu de reconnaître que le gouvernement de Mehdi Jomâa a fait le choix difficile de faire face aux urgences de l’heure et aux difficultés conjoncturelles du pays tout en mettant en place les jalons nécessaires pour entreprendre les réformes structurelles de base à long terme.

 

Quelles solutions pour le déficit chronique des entreprises publiques ?

Le déficit chronique et structurel des entreprises publiques est croissant et a atteint une ampleur insoutenable par le Budget de l’État. C’est ainsi que pour les 27 entreprises publiques les plus importantes le déficit a atteint 3.000 millions de dinars. Il faut dire que les effectifs de personnel des entreprises publiques ont atteint 380.000 salariés.

Parmi les solutions préconisées pour résoudre le problème figurent en bonne place le licenciement d’une partie du personnel, la recapitalisation de ces entreprises et le renforcement de leur potentiel de production, sinon leur dissolution, ou encore leur privatisation totale ou partielle. Un large éventail de solutions à utiliser avec modération.

Il est clair que la position du gouvernement sur ce thème ne sera pas partagée par l’UGTT et les partis de gauche d’où la nécessité de négociations difficiles et d’âpres débats avant de parvenir à des compromis instables.

Cependant nous croyons savoir que certains principes feront l’objet d’un consensus.

Les entreprises publiques qui assument un rôle stratégique ne feront pas l’objet d’un changement de statut côté privatisation, mais seront assainies avec une recapitalisation, un rééchelonnement des dettes bancaires avec allègement de l’endettement et une modernisation de l’appareil de production.

Ce sera le cas pour El Fouladh, Société nationale de cellulose, STIP, STIR, STEG, SONEDE, TUNISAIR, SNCFT, CTN, SNTRI…

Toutes ces entreprises connaissent un sureffectif et feront l’objet de licenciements portant sur le personnel improductif, ou proche de la retraite, ou encore recruté hors des procédés légaux, sans compétences ni qualifications particulières.

Il y aura des dédommagements suite à des négociations très dures avec les syndicats. 

Il s’agit d’alléger la lourde charge qui pèse sur le budget de l’État.

 

L’équation impossible

Il est incontestable que parmi les retombées néfastes, mais non voulues de la Révolution, figure en bonne place la dégradation sensible du pouvoir d’achat. Celle-ci est estimée au minimum entre 30% et 40% par les experts, sinon plus.

Cette baisse sensible touche au premier plan les classes populaires et moyennes de la population, car elle découle d’une inflation qui a concerné surtout les denrées alimentaires et les produits agricoles qui constituent une proportion dominante du budget des catégories modestes et défavorisées de la population. Le taux d’inflation officiel est de l’ordre de 6% par an, ce qui fait près de 20% en trois ans. Ce chiffre est nettement sous-estimé, car le panier de la ménagère de l’INS accuse deux décennies de retard sur la consommation actuelle du Tunisien moyen. Cette inflation découle essentiellement de la faiblesse de l’Administration à lutter contre la contrebande et les spéculateurs qui sévissent sur le marché national et à travers les frontières.

Les services de contrôle et les douanes n’arrivent pas à faire face aux groupes de contrebandiers, de fraudeurs et aux commerçants qui spéculent sur les principaux produits de grande consommation aux dépens des producteurs et des consommateurs en même temps.

Cela nous amène à traiter de la question épineuse de la revalorisation des salaires, cheval de bataille de l’UGTT. Or, si le gouvernement a donné son accord pour une révision du SMIG et donc du SMAG, pour le reste des salariés la réponse reste en suspens. Il y a deux cas de figure différents pour la question des salaires. Il y a la fonction publique et il y a le secteur privé où l’UTICA est partie prenante.

Le gouvernement est opposé à toute augmentation des salaires pour les fonctionnaires, car la masse salariale dans la fonction publique a déjà augmenté de 80% en deux ans avec les recrutements massifs et les augmentations.

Pour le secteur privé, l’UGTT et l’UTICA trouveront un compromis autour de 5% après négociation.

 

Quels mécanismes pour rationaliser la compensation ?

Parmi les réformes prioritaires à engager par le gouvernement figure ce qu’il est convenu d’appeler la “rationalisation de la compensation”. Le budget de la  compensation atteindrait en 2014, 7 milliards de dinars s’il y avait poursuite du régime actuel, ce qui dépasse largement le Budget réservé au développement. Ce volume est anormal et insupportable alors que le déficit du budget de l’État correspond à 8% du PIB, Trop lourd à supporter par la collectivité nationale.

En outre, il y a injustice en ce sens que seulement 12% du budget de la Caisse de compensation bénéficie réellement aux classes démunies de la population : bouteilles de gaz GPL, gros pain, huiles de graine…

Ce sont en fait les gros consommateurs de carburant pour voitures et d’électricité domestique qui profitent de cette compensation. UGTT, société civile et partis politiques sont d’accord sur le principe, mais insistent auprès du gouvernement sur la nécessité de mettre en place de mécanismes financiers efficaces au profit des catégories populaires qui en ont besoin pour combler le manque à gagner.

Il pourrait y avoir un consensus pour une application en plusieurs étapes de la suppression de la compensation afin d’éviter les scenarii et les réactions brutales.

Il faut dire qu’il règne autour de la mise à exécution du système de la “vérité des prix” touchant les denrées alimentaires de base un parfum d’émeutes sanglantes et de soulèvements populaires, comme le confirment différentes expériences à travers l’histoire des peuples que ce soit en Tunisie, dans les pays du Maghreb, en Égypte et ailleurs.

C’est pourquoi le débat sera chaud et animé entre les différents partenaires.

Avec des risques de fraudes, de fuites, de risques à toutes les étapes du processus à choisir. Le réajustement des prix des carburants et donc également la répercussion sur le tarif de l’électricité pose plusieurs problèmes. Il y a tout d’abord le fait que toute augmentation du prix des carburants se répercute sur le prix de revient du transport des personnes, mais aussi des marchandises. Cela concerne aussi bien les agriculteurs, les pêcheurs, les produits manufacturés ainsi que le transport public ou privé de voyageurs.

Une révision du prix des transports va soulever un tollé général : celui des professionnels du secteur des transports, mais aussi celui des consommateurs et des utilisateurs.  Cela va se traduire par une relance de l’inflation, qui est déjà trop élevée. Le débat promet d’être âpre et contradictoire entre gouvernement d’une part, partis politiques, UTICA et UGTT d’autre part.

Ridha Lahmar 

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