Dialogue sociétal, politique contre société civile

 

Dans notre pays où la corruption règne en maître, et où les enquêtes relèvent du folklore, les gouvernements se suivent et s’accordent sur l’art moderne de la conversion : « le mentir vrai » ! Ceci concerne la retraite à financer, l’administration à moderniser et d’une façon générale le citoyen à consulter et à associer à la décision ! Nous nous enfermons dans le microcosme citadin et nous ignorons totalement la réalité des régions lointaines. Pourtant, s’il y a un sujet où l’esprit partisan doit impérativement s’effacer au bénéfice des régions délaissées, c’est bien la santé !
Retenez ces chiffres et ne croyez pas rêver, vous êtes bien dans le pays du printemps arabe qui a ému la planète : une ligne de 850 000 euros a été mise à la disposition de la Tunisie par l’union européenne pour organiser un dialogue sociétal pour un meilleur système de santé. La condition première était de faire participer des citoyens et faire monter la décision du bas vers le haut « buttom/up ». Nous sommes en octobre 2012, une équipe de volontaires s’est mobilisée pour se jeter dans les pires conditions d’hostilité et ce pendant deux longues années. 20 556 kilomètres de parcourus, des Focus Groups et des Ateliers ont été organisés, des rencontres régionales dans les 24 gouvernorats ont réuni près de 4000 personnes entre citoyens et professionnels, toujours encadrés par des experts nationaux et internationaux ! 120 heures d’enregistrements sono et vidéo, 96 jurys citoyens tirés au sort pour représenter toutes les régions se sont mis en conclave à kerkennah pendant 4 jours, également avec des experts nationaux et internationaux, pour établir le livre blanc de la santé avec des recommandations pratiques et réalistes ! Le 5 septembre 2014, la déclaration nationale a été faite devant Monsieur Mehdi JOMAA chef de gouvernement qui a salué la richesse de l’approche participative et inclusive, et qui a émis le souhait de généraliser cette approche dans les autres secteurs sensibles de l’économie.
Mais c’était sans compter sur les lobbies du ministère de la santé qui n’accepteront jamais un plan de développement contraire à leurs intérêts, même s’il sert ceux du pays ; cette caste de privilégiés qu’il serait aisé de brocarder en ces temps de crise, était la même qui n’avait jamais vu le Dialogue Sociétal d’un bon œil et ce dès son départ. Ces lobbies travaillent bien entendu dans une opacité délibéré depuis le 5 septembre 2014, la déclaration nationale a été mise en berne, les jurys citoyens ont exprimé plus que des craintes, mais du désarroi en apprenant que le nouveau ministre de la santé dont le parti qu’il représente ne compte que 39 % des sièges de l’ARP, n’a pas jugé utile de tenir compte des travaux de milliers de bénévoles du Dialogue Sociétal en affirmant au Président du comité technique qu’il était là pour faire de la politique et que la décision ne peut venir que d’en haut !
Pire, le bras droit du ministre fraîchement arrivée au cabinet, a déclarée que le livre blanc aurait pu être élaboré en cinq minutes dans n’importe quel bureau du ministère ! La logique voudrait que la société civile soit associée à toutes les décisions dans le domaine de la santé comme dans tous les autres domaines, que le citoyen soit considéré comme allié du politique ! L’OMS est bizarrement silencieuse, alors que les deniers dépensés, ou gaspillés devrais je dire, ont été gérés par ses soins. La société civile, messieurs les politiques exige que la prévention prenne le pas sur le traitement, et pour ce faire, il faut que la décision quitte la tour opaque du Ministère pour aller se diluer dans les régions comme le stipule notre nouvelle constitution. La société civile, messieurs les politiques, n’est plus un prénom, c’est désormais un nom de famille et il faudra faire avec !
Enfin, il est urgent de créer le Conseil Supérieur de la Santé, composé de 4 à 5 sages de la santé au dessus de tout soupçon, et qui présenteraient une fois par an un rapport au Chef de Gouvernement lui indiquant les grandes lignes à suivre en tenant compte des évolutions épidémiologiques et sociétales. Ceci protègerait le système de santé des interférences et des maladresses politiques !

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana