Dimanche 24 décembre, les Tunisiens sont attendus aux bureaux de vote pour élire pour la première fois 279 Conseils locaux. Une étape déterminante dans le projet politique de Kaïs Saïed, qui prône la démocratie de proximité devant mener à l’élection du Conseil national des districts et des régions, la deuxième chambre du parlement. Mais, encore une fois, la crainte est là, celle de voir se reproduire le scénario manqué des rendez-vous électoraux et participatifs précédents, à savoir la faible participation, qui traduit un désintérêt général.
La consultation sur le projet de constitution et le référendum (2022), les élections législatives (2022) et la consultation en cours sur la réforme du système éducatif, n’ont démontré aucun enthousiasme des Tunisiens, ni une réelle volonté de les faire réussir. Il ne faut pas se leurrer, pour les Tunisiens, c’est le ras-le-bol. Elire qui ? Et pourquoi ?
Si dans le cas des élections locales, les candidats sont connus, au moins dans leur localité, la plupart des Tunisiens doutent, cependant, de ce qu’ils sont capables de réaliser en termes de développement local économique, social, culturel, sportif, tandis que les attentes sont très grandes et que la Tunisie traverse, dans la durée, sa plus grave crise économique avec une quasi totale absence des investissements publics et privés. La perception populaire penche aujourd’hui pour une nouvelle désillusion et de l’agacement face à des élus incapables d’apporter le changement tant attendu et qu’ils promettent lors des campagnes électorales. Les Tunisiens ont appris à ne plus y prêter l’oreille. Car les attentes demeurent entières et nombreuses, depuis treize ans, depuis que les Tunisiens se sont révoltés pour plus de liberté et plus d’essor politique et économique. Et le climat général qui plombe la vie politique, économique, sociale et culturelle, favorise la démotivation. Tous les espoirs portés sur le coup de force du 25 juillet 2021 se sont évanouis ou, du moins, amoindris. Tous les projets et les bonnes intentions de Kaïs Saïed d’assainir la Tunisie des corrompus, des comploteurs, des spéculateurs, des saboteurs, des escrocs et autres voleurs, sont bloqués, ils n’aboutissent à rien.
Les affaires liées aux complots contre la sûreté de l’Etat, ou aux crimes commis contre le peuple tunisien lors de la décennie noire islamiste, traînent dans les tribunaux ; les pénuries se suivent, se succèdent et s’étendent sans raison officielle, ni apparente ; la récupération des biens spoliés reste une chimère et la réconciliation pénale avec des hommes d’affaires destinée à récupérer les deniers publics tourne au drame économique et social.
En ayant opté pour gouverner seul, sans associer les forces vives du pays, le président Saïed se retrouve seul face à ses projets, à ses espoirs et à ses vœux, ne trouvant pas ou peu de soutien pour mener à terme ses ambitions pour la Tunisie. En s’enfermant seul dans sa fonction présidentielle, Kaïs Saïed pensait protéger l’Etat et ses institutions des opportunistes, des profiteurs et des sangsues. Finalement, il s’est enfermé dans un cadre privé sans relais indispensables pour concrétiser ses idées et le choix de ne communiquer que par des monologues ne cesse de susciter des polémiques et des inquiétudes.
Les Conseils nationaux vont être élus, le Conseil national des districts et des régions va voir le jour d’ici au mois de mars 2024 et Kaïs Saïed aura, ainsi, terminé la mise en place de son modèle politique avant la prochaine Présidentielle qui devrait avoir lieu en novembre 2024. Mais quel avenir est pressenti pour ce modèle politique si Kaïs Saïed n’est pas réélu ou s’il ne présente pas sa candidature ? Cette question devra attendre avant de trouver une réponse.
En attendant, les cœurs et les esprits des Tunisiens sont plus préoccupés par la situation à Gaza et la barbarie de l’entité sioniste pour terroriser les Palestiniens et spolier leurs terres. Lundi 18 décembre, la Tunisie recevait la deuxième vague de blessés palestiniens, rapatriés pour être soignés dans les hôpitaux et les cliniques et pris en charge par des médecins tunisiens. Sur la question palestinienne, tous les Tunisiens sont sur la même longueur d’onde et sont heureux de pouvoir apporter de l’aide aux Palestiniens en ces moments difficiles, qu’ils partagent avec eux dans la tourmente et dans la colère contre l’injustice et l’inhumanité des dirigeants de ce monde. Les Tunisiens savent de quoi ils parlent pour avoir été, par trois fois, victimes de la sauvagerie des Israéliens. Les Tunisiens n’ont pas oublié les intrusions du Mossad pour assassiner tour à tour Abou Jihad (Sidi Bou Saïd, 1988), Mohamed Zouari (Sfax, 2016) sans oublier l’attaque barbare de Hammam Chatt (banlieue sud de Tunis) contre les leaders de l’OLP (1985) avec à leur tête Yasser Arafat. Non, les Tunisiens n’oublient pas, comme ils n’oublieront pas les crimes de guerre et contre l’humanité commis par les sionistes contre les civils palestiniens désarmés, affamés, assoiffés, torturés, humiliés… Comme tous les musulmans, ils n’oublieront pas les soldats israéliens qui piétinent le sacré pour les musulmans, notamment en bombardant des mosquées ou en effectuant des prières talmudiques dans une mosquée (14 décembre 2023, à Jénine, Cisjordanie occupée). Ils n’oublieront pas non plus, comme le reste du monde, que les pays occidentaux, qui se vantent d’être le monde libre, ont des « valeurs » à géométrie variable, qu’ils se permettent de sanctionner des pays pour non-respect de droits de l’homme alors qu’ils s’en moquent et les piétinent quand il s’agit des Palestiniens et que le barbare est Israël.
Les Tunisiens ont beaucoup de soucis à gérer au quotidien mais cela ne les a pas empêchés de suivre au jour le jour, heure par heure, l’évolution de la guerre à Gaza, de condamner les crimes sionistes infâmes et d’être tristes pour les milliers de morts et les souffrances des Gazaouis. Les Tunisiens ne cesseront jamais de soutenir la solution à deux Etats, de souhaiter la victoire aux Palestiniens et la paix dans la région.
En attendant, ils prendront soin de ceux qui ont pu quitter Gaza pour venir trouver en Tunisie des soins et du réconfort. Avant de retourner à leurs terres d’origine. A leur Mère-Patrie.
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