De’’ Ifriqiya’’ à Afrique, le lien qui unit la Tunisie et l’Afrique subsaharienne remonte à l’époque coloniale. Un héritage longtemps soutenu et entretenu après l’indépendance par ses pères dont son leader et premier président Habib Bourguiba.
Avant l’extension du mot ‘’Afrique’’ à tout le continent, ce terme désignait uniquement la Tunisie. Plus tard, il va progressivement gagner le reste du continent par les mouvements de conquête des peuples. Après les indépendances, ses leaders dont son célèbre président Habib Bourguiba dans un élan d’union va œuvrer pour l’unité entre d’une part son pays et, d’autre part les pays d’Afrique subsaharienne.
L’essentiel de son action en faveur du rassemblement de ‘’Pays frères’’ était beaucoup plus axé sur la création des organismes panafricains comme l'Organisation de l'union africaine (OUA) en 1963 à Addis-Abeba. À plusieurs reprises, Il va d’ailleurs proposer sa capitale comme siège des conférences interafricaines et multiplier les invitations des leaders africains à venir séjourner en Tunisie. Plusieurs viendront d’ailleurs à Tunis dans ce cadre. C’est le cas de Mamadou Dia homme politique sénégalais qui fut le Président du Conseil du Sénégal de 1957 à 1962.
Pragmatique, il a entrepris plusieurs voyages dans bon nombre de pays d’Afrique noire. Notamment en Côte d'Ivoire en janvier 1966. Bien avant sa tournée, plusieurs de ses ministres avaient déjà rendu visite aux nouvelles nations noires. Les amitiés fortes tissées dans ce cadre avec les présidents Léopold Sédar Senghor (Sénégal), Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), Kwame Nkrumah (Ghana) et Amani Diori (Niger), lui ont permis d’accroître son influence en Afrique de l'Ouest francophone.
Hormis sa participation active et sa politique de présence il s’intéressera également aux problèmes qui minent ce côté du continent et prendra parti dans les querelles internes et avec l’extérieur. C’est par exemple le cas en ce qui concerne la mise en place des relations apaisées entre bon nombre de ces pays avec les anciennes puissances coloniales.
Au début des relations entre les deux blocs, tel un visionnaire Habib Ben Ali Bourguiba de son vrai nom était déjà conscient de l’adversité quant à l’unicité de la Tunisie et l’Afrique subsaharienne. Au lendemain des indépendances, dans une citation tirée de son allocution devant une cinquantaine d'étudiants représentants plus de vingt associations, rapportée dans un article du journal « Le Monde » publié le 04 août 1959 et titré « M. Bourguiba trace les limites de la politique africaine de la Tunisie », Bourguiba a voulu modérer l’enthousiasme des étudiants suite au discours de Tahar Belkhodja, secrétaire général des étudiants tunisiens à l’époque qui avait terminé son discours sur le slogan " Vive l'Afrique indépendante et unie". Le chef de l’Etat tunisien a tenu à parler en ainé soulignant qu’" iI faut s'armer de réalisme, la raison doit l'emporter sur la passion… L'unité des peuples africains est une œuvre très difficile à réaliser dans l'immédiat. Ce sera un excellent résultat que de parvenir à établir entre ces peuples une meilleure compréhension, un rapprochement. " .
Fervent militant pour l’union avec les pays d’Afrique noire et même du Maghreb, la position qu’il adopte est fondée sur une expérience qui a montré que le chemin de l'unité entre " Pays frères " était souvent parsemé d'embûches. À titre d’exemple, il parlait toujours dans le même article des "résolutions" arrêtées entre des représentants du Néo-Destour (Tunisie), de l'Istiqlâl (Maroc) et du Front de libération nationale (Algérie) réunis en conférence le 30 avril 1958 à Tanger pour, entre autres, la résolution du conflit en Algérie et donner quelque substance au vieux rêve d'unité du Maghreb proclamée avec enthousiasme et tombée dans l'oubli.
Il faut souligner, toutefois, que l’engagement africain de la Tunisie a été quelque peu remis en question suite aux propos polémiques de Kaïs Saïed tenus le 21 février et qui ont semé le doute et nourri un sentiment de rejet manifeste de certains tunisiens envers les ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne.. Sauf que la géographie, l’histoire, la culture et les valeurs de ce pays disent le contraire, et sans aucune équivoque, son africanité.
En ces jours où l’on commémore le 23e anniversaire de sa disparition, (6 avril 2000), l’on est en droit de se souvenir d’un visionnaire jaloux de ses racines qui a marqué son temps en militant pour l’unicité et le progrès de l’Afrique.
(Source :https://www.lemonde.fr/archives/article/1959/08/04/m-bourguiba-trace-les-limites-de-la-politique-africaine-de-la-tunisie_2145701_1819218.html ,
https://fresques.ina.fr/independances/fiche-media/Indepe00170/la-conference-de-tanger.html, )
MNN
(Stagiaire)