Si l’on veut résumer la conjoncture actuelle, on dira flambée inégalée du coût de la vie, taux de chômage élevé, taux de change du dinar en chute libre, approfondissement du déficit du commerce extérieur, réserves en devises en baisse constante et déficit croissant du budget. Mais aussi, taux de croissance économique fragile et précaire, climat de l’investissement morose et taux d’épargne en berne. Outre des tensions sociales régionales et sectorielles permanentes, des liquidités bancaires rares et des entreprises économiques en difficulté. Sans oublier que la corruption se développe en parallèle avec la contrebande et l’économie informelle. Cela signifie que les ministres en charge des portefeuilles économiques et financiers et qui, en principe, exécutent la politique du gouvernement, sont incompétents et incapables de redresser un tant soit peu la situation socio-économique, puisqu’ils sont là depuis deux ans au moins et bénéficient du soutien financier du FMI et des bailleurs de fonds internationaux.
Malgré tout cela, le remaniement ministériel ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité de l’action gouvernementale ne porte sur aucun portefeuille à caractère économique et financier. Parmi les ministres intouchables, figure en bonne place le titulaire du ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale. Excusez du peu.
Lors d’une récente séance de questions-réponses à l’ARP, un député pertinent avait osé lui reprocher de ne s’être jamais déplacé dans une région à développement prioritaire pour se rendre compte de la situation, des obstacles que rencontrent les projets et trouver les solutions adéquates.
Un autre député inquiet à propos de la situation difficile que connaît sa région, lui avait demandé pourquoi les crédits réservés à son gouvernorat d’origine au titre de l’année 2018 n’ont pas été virés au conseil de développement de sa région alors que l’année touche à sa fin.
Acculé dans ses derniers retranchements, le ministre avait fait des révélations surprenantes, jetant la pierre dans le jardin de son collègue des Finances. C’est en fait le ministère des Finances qui vire les crédits aux conseils de développement régionaux, « Comme les entreprises de travaux publics titulaires des marchés publics n’ont pas été payées depuis des mois, la priorité leur a été donnée pour le virement des fonds ». Un bel exemple de “bonnes pratiques budgétaires”, l’amalgame entre projets régionaux et fonds budgétaires réservés aux projets nationaux. A qui faut-il reprocher la mauvaise gestion des finances publiques ?
Nous avons des objectifs ambitieux et nobles, mais les moyens mis en œuvre pour les atteindre ne sont ni efficaces, ni suffisants, c’est pourquoi ils ne sont pas réalisés.
Par exemple, la croissance économique projetée par le plan de développement 2016-2020 a pour but d’atteindre 4,5% en 2020, or elle ne sera que de 2,6% en 2018 et 3,1% en 2019, et ne pourra pas dépasser les 3,5% en 2020 dans le meilleur des cas, car nous n’avons pas conçu, ni mis en œuvre des politiques publiques susceptibles de promouvoir l’investissement public-privé national et privé extérieur comme il se doit.
En effet, nous avons mis cinq ans pour adopter le Code de l’investissement en 2017, ce qui est trop long.
Mais il a fallu attendre 8 mois pour la promulgation des trois décrets d’application qui, en fait, recèlent les ingrédients attractifs attendus avec impatience par les acteurs économiques. Pire, les nouvelles mesures de facilitation préconisées par le nouveau code ne sont pas encore entrées en application à ce jour à cause de la nonchalance de l’Administration : on prépare des locaux luxueux pour les nouvelles instances, on achète de nouveaux ordinateurs, on conçoit de nouveaux logiciels, on échafaude des organigrammes…on se hâte lentement.
Il y a donc un décalage profond entre les objectifs assignés par le plan et les politiques à mettre en œuvre par des ministres sans aucune emprise sur une Administration démobilisée frappée par l’inertie et la paresse.
Les discordances et les contradictions sont flagrantes entre les objectifs du plan de développement et les contenus qualitatif et quantitatif des lois de Finances successives qui sont censées converger en principe vers les objectifs assignés par le plan.
En somme, le ministère des Finances est uniquement préoccupé d’équilibrer les dépenses du budget, en faisant des prélèvements là où il peut, c’est-à-dire n’importe où. Peu importe l’impact économique ou social que cela provoque sur le développement de tel ou tel secteur d’activité, même s’il y a contradiction avec les objectifs du plan mis au point par le département du développement et de l’investissement, exemple instaurer une T.V.A de 13% sur la promotion immobilière.
Il n’y a pas de concordance entre le plan de développement global et les politiques publiques à concrétiser à travers les mesures prises par la loi de Finances chaque année, alors que le budget économique doit décliner le plan global sous forme de plan d’action annuel.
Sous prétexte de lutter contre l’inflation, la BCT a relevé plusieurs fois le taux d’intérêt directeur pour le positionner à 6,75%, ce qui a renchérit les taux d’intérêts bancaires pour les entreprises économiques et refroidi les promoteurs pour ce qui est de la promotion de l’investissement.
Alors que le gouvernement cherche par tous les moyens à impulser l’investissement.
Il y a une discordance néfaste entre la politique de la BCT et le comportement du gouvernement.
Afin de préserver l’efficacité de notre processus de croissance et de bonne gouvernance de notre économie, nous avons besoin d’un super-ministère pour coordonner l’activité des différents départements (Commerce, Industrie, Agriculture, Investissement extérieur, Coopération internationale, Energie, Transport et Tourisme), mettre un peu de cohérence et éviter la cacophonie actuelle.