Discours de BCE : Nidaa Tounes théâtralise son engagement dans la bataille électorale

Lors du  meeting de Nidaa Tounes organisé vendredi  12 septembre 2014, un spot télévisé retraçant le parcours politique tunisien depuis le 14 janvier 2011 est diffusé sur les deux écrans géants placés sur la scène principale de la grande salle. La diffusion de ce court-métrage se déroule en grande partie en langue française, elle rassemble plusieurs petites séquences des événements ayant marqué ces trois années dites de transition démocratique dans un Palais de Congrès de Tunis qui se prépare pour l’allocution de Béji Caïd Essebsi (BCE).

Le public venu assister au discours de BCE

Cet espace était archicomble par des militants de Nidaa Tounes et d’anciens vétérans de la politique ayant connu Bourguiba venant des quatre coins du pays. Le point captivant de ce petit film était entre autres le comédien franco-tunisien Michel Boujenah. Ce comédien de confession juive était en pleurs, en prime time, sur le plateau du Grand Journal, une émission d’une chaine française privée le 17 janvier 2011, soit 4 jours après la chute du président Ben Ali.

Message de tolérance à l’égard des juifs tunisiens    

Dans la lignée de ce qui a été diffusé avant son entrée, BCE rassure la communauté juive de Tunisie en ces mots : «Notre islam à nous est contre la violence. Point de contrainte en religion. Nous sommes musulmans depuis 14 siècles, notre islam accepte la diversité quelle qu’elle soit et accepte la cohabitation entre religions différentes. En Tunisie, nous avons nos concitoyens de confession juive ; et alors ? Ça fait 25 siècles qu’ils préservent leur tradition et religion et sont bel et bien installés à Djerba. Ils sont les bienvenus. L’Islam réel est capable de vivre avec toutes les autres religions et en respectant la liberté de conscience. L’État tel que nous le concevons préservera la religion de toute tentative de récupération par des charlatans et des prédicateurs qui font plus du commerce qu’autre chose et qui veulent changer les fondements de la société tunisienne en prêchant l’excision des femmes».

BCE, la jeune génération tunisienne et la démocratie

L’idée de la transmission du pouvoir entre ancienne et jeune génération a été également l’objet de discours de BCE qui fait entendre que la jeune génération a encore besoin de formation et d’expérience politique en matière de démocratie pour pouvoir par la suite prendre le flambeau.  Dans cette perspective, il rappelle que la Tunisie de l’après 14 janvier 2011 doit estomper l’idéologie du parti unique en œuvrant à l’équilibre entre les forces politiques afin de préparer un espace politique où il serait possible d’alterner le pouvoir. «Je ne pense pas que le patriotisme est l’apanage d’un camp au dépend d’un autre. C’est un tronc commun entre tous. Le Tunisien aura la première fois dans l’histoire la possibilité de décider le destin de son pays» dit-il.

BCE indique sous cet angle que les professionnels de la politique sont en perte de vitesse car l’entrée et la sortie à cette sphère ne sont plus régulées. Mettant l’accent sur la multiplication des candidats dont le nombre atteint les 50 candidats, le leader du parti Nidaa Tounes signale que ce phénomène «ne se produit même pas au sein d’une grande nation telle que la Chine» lequel est source de déstabilisation du corps électoral ainsi que de son éparpillement.

Critique de la stratégie du président consensuel

Essebsi fustige, au milieu d’une foule en liesse et en approbation absolue, la stratégie du président consensuel que propose Ennahdha. Pour lui, cela n’a pas de sens. « La proposition d’un président de la République consensuel est une atteinte à la démocratie et à ses fondements. L’établissement d’un régime démocratique passe impérativement par la mise en place d’un paysage politique équilibré à l’abri du système du parti unique », a-t-il affirmé

Le rôle donc essentiel d’un mouvement politique, selon BCE est d’être capable de proposer des leaders politiques éligibles et ayant la force de proposer des solutions pour le pays. Le président provisoire actuel Moncef Marzouki, aux dires de BCE est déjà consensuel et la Tunisie voit les inconvénients de cette façon de désigner les leaders du pays. Pour lui, les déclarations de Marzouki à propos du fait qu’il soit le premier président élu démocratiquement sont erronées. La réalité selon BCE est que c’est un président consensuel qui a été choisi par les partis ayant gagné la majorité des sièges lors des élections de l’Assemblée nationale constituante (ANC) du 23 octobre 2011. Par conséquent,  il  n’est donc pas passé par le suffrage universel et a plutôt été désigné par cooptation entre gagnants.

Héritier du courant réformiste tunisien du XIXe siècle

Le mouvement Nidaa Tounes, aux dires de Mohsen Marzouk, après le meeting, s’insère dans les divers processus réformistes ayant marqué l’histoire politique de la Tunisie. De ce fait, ce mouvement retrouve la lignée de  Kheireddine Pacha, d’Ali Bach Hamba, de Mohamed Bach Hamba, d’Abdelaziz Thâalbi, de Farhat Hached et de Habib Bourguiba. Ce dernier est le dernier chainon ayant donné naissance à l’identité du mouvement Nidaa Tounes.

Bourguiba selon les dirigeants de Nidaa Tounes a parié chemin faisant sur la matière grise de ses  concitoyens tout en évitant de militariser le pays par des armes qui ne font que faire couler le budget de l’État.

Nidaa Tounes œuvre désormais selon ses dirigeants à bâtir l’État du XXIe siècle. Au sein de cet État les citoyens devront profiter des acquis construits depuis l’Indépendance en matière de liberté des femmes, de l’éducation gratuite pour tous et le rejet de la violence par le biais de la promotion de la fraternité entre les confessions et les peuples. Cet État moderne devra donc achever le projet d’intégration de la Tunisie au rang des pays développés économiquement, culturellement et politiquement et ancrer le pays dans la démocratie en favorisant les libertés individuelles.

Les alliés de Nidâa Tounes

Dans une interview à Réalités, Sélim Azzabi, Directeur exécutif de la campagne électorale présidentielle de Nidaa Tounes, indique que ce meeting s’adresse à tous les Tunisiens et non seulement aux partisans de Nidaa Tounes. Nous avons voulu ce meeting, dit-il, comme une invitation personnalisée aux hommes de culture et d’art, aux hommes d’affaires, aux gens des médias, aux partis politiques proches pour qu’ils viennent s’inscrire dans le projet moderniste et progressiste de Nidaa Tounes. Nous avons œuvré ainsi à mettre le drapeau tunisien au lieu du logo de notre mouvement pour signifier la dimension nationale de notre candidat ainsi que le démarrage effectif de notre campagne électorale pour les échéances présidentielles et législatives, poursuit-il.

En outre, avec certains partis nous collaborons non seulement sur le volet législatif mais aussi au niveau du volet présidentiel. En ce qui concerne le volet législatif,  même si on n’a pas réussi à mettre en place des listes communes, le mouvement Nidaa Tounes comporte plusieurs indépendants, des syndicalistes, des hommes de culture et un certain nombre de leaders régionaux. Nous avons fait lors des prochaines élections législatives que le parti soit ouvert aux forces vives du pays. Aussi notre mouvement n’est pas dogmatique et structuré de manière classique, c’est un mouvement qui accepte les démissions, les hérésies et qui est en perpétuel évolution, insiste-t-il.

En ce qui concerne maintenant la campagne présidentielle, nous entretenons d’excellentes relations avec certains partis proches de Nidaa Tounes, comme l’Union pour la Tunisie (UPT) et Afek Tounes. Le plus important dans cette perspective est de se mettre d’accord sur le projet sociétal pour pouvoir travailler dans le cadre d’une plate-forme commune tout en préservant l’identité de chaque parti. 

Aussi ,nous sommes focalisés tout autant sur les élections législatives que présidentielles. D’ailleurs, on est passé par des périodes de turbulences pour la constitution des listes qui ont pris la part du lion pendant les quatre dernières semaines. En même temps, la campagne présidentielle est très importante pour Nidaa Tounes. Notre stratégie est donc fondée sur l’engagement de BCE dans le soutien des listes électorales notamment dans les 27 circonscriptions. Il apportera son soutien pour les candidats se présentant aux législatives.         

M.A.E

Related posts

Affaire du complot contre la sûreté de l’État : Unimed réagit au jugement contre Ridha Charfeddine

Rencontre avec le metteur en scène Moez Gdiri :  « L’adaptation du théâtre européen nous a éloignés de notre réalité tunisienne »

Charles-Nicolle : première kératoplastie endothéliale ultra-mince en Tunisie