Début novembre, la joueuse de tennis Peng Shuai a accusé un haut responsable politique chinois d’agression sexuelle. Depuis cette révélation, la sportive se terre dans le silence. Son mutisme inquiète fortement le patron de la WTA, gérant du circuit professionnel féminin, qui met en doute à la fois sa sécurité et les informations propagées par la Chine, dites officielles.
L’ONU a demandé vendredi des preuves que la championne de tennis chinoise Peng Shuai va bien. « Il serait important d’avoir des preuves sur le lieu où elle se trouve et de savoir si elle va bien. Et nous demandons instamment qu’une enquête soit menée en toute transparence sur ses allégations d’agression sexuelle », a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Liz Throssell, lors d’un point de presse à Genève. De son côté, la France est « préoccupée » par le sort réservé à la joueuse, a déclaré vendredi le ministère des Affaires étrangères. « Nous sommes préoccupés par l’absence d’informations sur la situation de la joueuse de tennis Peng Shuai, qui inquiète la communauté internationale et les milieux sportifs », a précisé le Quai d’Orsay dans un communiqué.
Le monde du tennis se montre également choqué de cette dipsarition. « Honnêtement, c’est choquant qu’elle ait disparu » a déclaré à la presse le numéro un mondial Novak Djokovic, tandis que l’Américaine Serena Williams s’est dite « bouleversée et choquée » ajoutant que « ça doit faire l’objet d’une enquête et nous ne devons pas rester silencieux ». « J’espère qu’elle sera bientôt retrouvée, parce que l’on ne parle pas ici d’un match de tennis ou d’une compétition, mais on parle de vie humaine », a pour sa part déclaré l’Allemand Alexander Zverev.
*Un mail suspect qui inquiète
La chaîne d’État chinoise CGTN a dévoilé, mercredi soir, sur Twitter la capture d’écran d’un courriel attribué à Peng Shuai que la joueuse chinoise aurait envoyé à la direction de la WTA, sans que l’authenticité du message puisse être confirmée. « Le communiqué publié aujourd’hui [mercredi] par les médias officiels chinois concernant Peng Shuai ne fait qu’augmenter mon inquiétude quant à sa sécurité et sa localisation », écrit Steve Simon dans un communiqué publié mercredi soir. « J’ai du mal à croire que Peng Shuai ait effectivement écrit l’e-mail que nous avons reçu et qu’elle puisse penser les mots qui lui sont attribués », ajoute-t-il.
Les propos tenus dans ce message à l’origine suspecte vont à l’encontre des déclarations de Peng Shuai, qui avait accusé un ancien vice-Premier ministre de l’avoir contrainte à un rapport sexuel il y a trois ans. « Les informations, notamment concernant l’accusation d’agression sexuelle, sont fausses », affirmerait la joueuse dans ce message. « Je ne suis ni disparue ni en danger. J’étais juste au repos chez moi, tout va bien. Merci encore d’avoir pris de mes nouvelles. »
*Aveux forcés
Le contenu de ce message a soulevé des doutes quant à son authenticité : des utilisateurs de Twitter ont relevé qu’un curseur était visible sur le message diffusé par CGTN, un phénomène inexplicable pour une capture d’écran. Par le passé, le régime communiste a été accusé de diffuser des aveux forcés de suspects sur les médias publics. La même chaîne CGTN s’est vu retirer sa licence au Royaume-Uni en début d’année pour avoir diffusé des « aveux » attribués à un citoyen britannique arrêté en Chine.
« Les dernières déclarations de Peng Shuai, publiées par un média public, ne doivent pas être prises pour argent comptant », a déclaré William Nee, de l’association Défenseurs des droits de l’homme en Chine. « Le gouvernement chinois a une longue expérience consistant à détenir arbitrairement des gens impliqués des affaires controversées, à les empêcher de parler librement et à les contraindre à des déclarations publiques », a-t-il estimé dans un communiqué. « C’est au gouvernement chinois de prouver qu’elle n’est pas en détention. »
*« Incroyable courage »
Le chef de l’organisation internationale du tennis féminin a observé que Peng Shuai avait « fait preuve d’un incroyable courage en décrivant des violences sexuelles dont elle dit avoir été victime de la part d’un ancien haut dirigeant chinois ». Il réclame par ailleurs une « preuve indépendante et vérifiable » que la joueuse est en sécurité. « J’ai tenté à plusieurs reprises de la joindre par différents moyens de communication, en vain », souligne-t-il, en réclamant que Peng Shuai « soit autorisée à s’exprimer librement, sans coercition ni intimidation d’aucune sorte ».
L’ancienne numéro un mondiale en double, âgée de 35 ans, a accusé sur les réseaux sociaux l’ancien vice-Premier ministre Zhang Gaoli, qui a été de 2013 à 2018 l’un des sept hommes politiques les plus puissants de Chine, de l’avoir contrainte à une relation sexuelle avant d’en faire sa maîtresse. Cette accusation avait été brièvement postée le 2 novembre sur le compte officiel Weibo (un équivalent chinois de Twitter) de la joueuse. La Chine avait très vite bloqué toute référence à ce message, dont l’Agence France-Presse n’a pas été en mesure de confirmer s’il avait bien été écrit par elle.
Depuis, la joueuse n’a pas communiqué ou fait d’apparition publique et Zhang Gaoli n’a jamais réagi publiquement à ces accusations. Interrogés à plusieurs reprises, les porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères ont dit tout ignorer de cette affaire et se sont refusés à tout commentaire en arguant qu’il ne s’agissait pas d’un dossier diplomatique. Toute référence à cette affaire reste censurée sur l’Internet chinois.
(AFP)