Fermeture d’établissements bancaires, queues devant les banques pour les citoyens qui veulent de l’argent, distributeurs bancaires fermés et transferts à l’étranger bloqués… ce sont les scènes classiques dans des pays qui font des défauts de paiement. En effet, cette situation n’est pas propre à la Grèce qui n’a pas remboursé la somme de 1,5 milliard d’euros au FMI à l’échéance du 30 juin 2015. Ces scènes pourraient se prolonger si le pays ne parvient pas à un accord avec ses créanciers et ne peut pas honorer sa prochaine échéance avant la fin du mois de juillet. Mais, ces scènes et les défauts de paiement ne sont pas exceptionnels et l’histoire est jalonnée par ces épisodes. Ce qui est nouveau avec la Grèce est qu’ils ne se limitent plus aux pays en développement mais qu’ils touchent un pays membre d’un groupe de pays développés.
La question qui se pose est de savoir qu’est-ce qu’un défaut de paiement et de comprendre les politiques à mettre en place pour les gérer et empêcher qu’ils ne se transforment en chaos économique.
Le défaut de paiement se définit du point de vue technique lorsqu’un pays se trouve dans l’incapacité d’honorer ses engagements financiers. Cette situation est le résultat d’une forte dégradation des finances publiques avec un déficit assez important qui met le pays dans l’impossibilité de régler ses dépenses.
Cette situation est courante dans l’histoire économique et les économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff en ont dressé une histoire dans leur best-seller «Cette fois, c’est différent». Cette lecture a montré que beaucoup de pays ont connu des épisodes de défaut de paiement notamment les pays européens au moment des guerres napoléoniennes. Ces épisodes étaient historiquement liés à des moments de conflits ou lorsque les pays décident d’entrer en guerre provoquant une explosion de leurs dépenses militaires. Ces dépenses sont d’une grande ampleur et se traduisent à terme par l’incapacité des finances publiques à financer l’effort de guerre.
Mais, à partir des années 1970, on va assister à un changement de zone géographique et des causes de défaut de paiement. En effet, dorénavant ce sont les pays en développement qui seront les plus exposés, avec depuis 1978, un groupe de 71 pays qui ont connu des défauts de paiement. Les pays d’Amérique latine et les pays africains tiennent la palme de ces épisodes. Et ce ne sont plus les causes politiques et les guerres qui sont à l’origine de ces défauts, mais plutôt les choix de politique économique et particulièrement des politiques d’investissement publiques peu efficaces et à la rentabilité contestée.
Le cas le plus proche dans ce domaine est celui de l’Argentine qui n’a pas pu obtenir en décembre 2001 le versement d’une dernière tranche de crédit du FMI et s’est trouvé dans l’obligation de déclarer son défaut de paiement. L’Argentine s’est trouvée avec un nouveau défaut en juillet 2014. Il faut dire qu’après son premier défaut, l’Argentine a été en mesure d’obtenir une restructuration de sa dette entre 2005 et 2010 avec 93% de ses créanciers qui ont accepté une décote de 70% de leurs créances. Or, les 7% de créanciers récalcitrants ont revendu leurs bons du trésor à des fonds vautours qui ont entamé une guérilla juridique contre le gouvernement argentin pour obtenir un paiement sans décote. Ces fonds ont obtenu gain de cause devant la justice américaine ce qui a obligé l’Argentine, qui refusait le règlement de ces créances, à déclarer un nouveau défaut de paiement.
Les défauts de paiement sont des moments difficiles et posent des défis majeurs au moins à quatre niveaux comme le montre le cas de la Grèce aujourd’hui et celui de l’Argentine et bien d’autres pays. Le premier défi est d’ordre financier et bancaire dans la mesure où l’annonce d’un défaut de paiement crée une grande panique auprès des citoyens qui vont chercher à récupérer leurs dépôts. Des comportements que les pouvoirs publics cherchent à prévenir en fermant les banques, en gelant les dépôts bancaires et les transferts à l’étranger. Mais, la crise bancaire va se transmettre rapidement au secteur réel avec une grande dépression économique. Les banques ne sont plus en mesure de financer les investissements qui vont se rétracter et doubler la crise bancaire par une crise du secteur réel et une forte dépression économique. Il faut également souligner une dimension monétaire de la crise avec une forte dépréciation de la monnaie ce qui aura pour effet de renchérir les importations et aura des effets importants sur l’inflation. Enfin, il faut noter un problème de paiement international avec l’incapacité des pays en défaut de paiement de pouvoir se faire financer en devises afin de régler leurs importations.
Ainsi, les défauts de paiements sont des situations économiques difficiles et complexes. Comme le montre aujourd’hui le cas de la Grèce et de l’Argentine, les défauts exigent la mise en place de politique spécifique à court terme pour éviter une aggravation de la crise. Le premier niveau d’action concerne le système bancaire et la nécessité pour les Etats de l’injection des ressources afin de permettre aux banques de poursuivre leurs activités et surtout de reprendre leurs concours à l’économie. Les gouvernements doivent aussi maintenir leurs investissements afin d’attirer dans leur sillages les investissements privés. La relance de la croissance pourrait bénéficier de la dépréciation de la monnaie et entamer un nouveau cycle vigoureux qui pourrait redonner confiance à l’économie. Les gouvernements sont aussi dans l’obligation de réduire leurs déficits notamment à travers une augmentation des recettes et une stabilisation des dépenses. Enfin, cette batterie d’action doit être renforcée par une véritable restructuration de la dette publique afin de favoriser un retour des pays sur les marchés internationaux.
Les défauts de paiement, comme le montre les cas de l’Argentine et de la Grèce, sont des épisodes d’une grande complexité et mettent les pays au cœur d’une grande incertitude politique et économique. Des périodes à éviter par des politiques qui, sans sacrifier la croissance, doivent surveiller au plus près les grands équilibres macroéconomiques et notamment les finances publiques.