Doit-on avoir peur de l’avenir ?

Pourquoi le Tunisien a, de plus en plus, peur de l’avenir ? Avec le flux quotidien d’informations alarmistes auquel il est constamment soumis,  les polémiques entretenues à propos de tout et de rien et les crises à répétions provoquées par des acteurs politiques, obnubilés  par le jeu de positionnement,  et des partenaires sociaux qui ne parviennent plus à redonner au dialogue ses vertus, en poussant continuellement vers des bras de fer improductifs, peut-on s’attendre à de meilleurs sentiments ?
Dans cette atmosphère délétère, le doute a fini par s’installer, la peur aussi. Si tout le monde reconnaît la gravité de la crise que traverse le pays, notamment en matière de finances publiques, ce qui perturbe la sérénité du Tunisien et également sa confiance, ce sont les informations  catastrophistes distillées à intervalles régulières prédisant le pire. Dans le cas d’espèce, ce qui accentue ses craintes, ce sont tous les discours répétés, à satiété, sur l’incapacité de l’Etat à servir les salaires des fonctionnaires, des caisses de sécurité sociale les pensions et la CNAM à honorer ses engagements en matière de santé des citoyens.
Incontestablement, le malaise ambiant et le sentiment de peur  diffus qui est en train de gagner les Tunisiens trouvent leur origine dans l’absence de vision claire, dans une communication défaillante  qui ne leur permet pas de mieux cerner  les difficultés que rencontre le pays, de prendre conscience des risques,  d’entreprendre des actions efficaces et de consentir  des sacrifices.
Le débat public sur ces questions, au demeurant, vitales, se résume souvent dans des polémiques stériles et des échanges d’accusation que se lancent les partis politiques et les organisations nationales et la société civile à tout va. Rarement on ose faire preuve de pédagogie où on cherche à susciter une mobilisation citoyenne pour trouver des pistes de sortie de crise dans un esprit d’ouverture et de compromis.
L’absence  de dialogue serein et responsable  se fait cruellement sentir.  Alors que le pays est en train de descendre vers les  fonds, on se complait vaille que vaille à maintenir le statu quo ou à se livrer à  des surenchères assassines ou tout au moins on s’accommode à la politique de l’autruche,  oubliant  sciemment que “Ce qui noie quelqu’un, ce n’est pas le plongeon, mais le fait de rester sous l’eau.”
Le doute et l’immobilisme qui ne cessent de sévir, d’inquiéter et de tirer vers le bas un pays qui a perdu ses repères et, surtout, son leadership au Maghreb et en Afrique en matière de compétitivité  économique, d’investissement extérieur et des affaires, trouvent leur origine dans l’hésitation qui a gagné les hautes sphères du pouvoir. Cela est d’autant plus vrai que chez nous  le droit et la loi peinent à être imposés, certains acteurs politiques et sociaux ne cessent de remuer le couteau dans la plaie pour  bloquer tout changement et le gouvernement est constamment poussé à ses derniers retranchements par une contestation sans fin. Le dernier exemple en date se réfère au projet de loi de Finances 2017 qui a suscité une levée de boucliers et dont certaines dispositions ont été retirées avant même d’être soumises à l’Assemblée des Représentants du peuple pour adoption.
Il en est de même pour la résistance farouche contre tout changement, la montée inquiétante du sentiment corporatiste qui n’épargne plus aucun secteur ou aucune profession et le blocage des réformes mises sur la table parfois par des partenaires censés agir dans une parfaite convergence.
Enfin, la peur de l’avenir, le malaise qui a tendance à gagner du terrain et le manque de confiance se ressourcent dans le flou qui domine, dans l’incapacité de l’Etat à restaurer son autorité et dans une inconscience générale qui a tendance à s’installer. L’heure est grave mais ni les politiques,  ni les acteurs sociaux, ni l’élite et, encore moins, les  médias n’ont réussi à susciter  un véritable débat public, à assumer pleinement leur tôle pour stopper la descente du pays dans les  enfers des luttes intestines, des calculs politiciens et des revendications sociales qui ont provoqué plus de dégâts que  de vraies réponses.
En effet, la Tunisie offre aujourd’hui l’image d’un pays à l’abandon, devenant  une arène de tous les combats et luttes qui n’ont fait que compliquer la donne et rendre illusoire le recours à des thérapeutiques douces  pour le remettre sur les bons rails.

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