Entretien conduit par Dr.Souhir Lahiani
Dr. Sami Ayari, est Président et fondateur de RECONNECTT et le Coordinateur général du « Tunisian AI Society » (Tais) en France. Il est expert en Data et organisation IT chez BNP Paribas, a partagé avec nous ses perspectives sur l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les entreprises.
Le président de l’Association Reconnectt, opérant depuis la France, rassemble les talents tunisiens à travers le monde, notamment les élites actives dans des secteurs de pointe tels que l’expertise en IT, l’intelligence artificielle, les finances, etc. Sami Ayari, par son initiative, organise des événements majeurs autour des fintechs et de l’intelligence artificielle. Il a lancé un appel aux autorités pour établir une cartographie précise et à jour des Tunisiens résidant à l’étranger, dont le profil a considérablement évolué au cours des dernières décennies. En outre, Ayari a instauré un prestigieux prix pour honorer les femmes tunisiennes ayant excellé à l’échelle internationale dans les domaines de la science, de la technologie et de l’ingénierie financière.
Reconnectt : mobiliser les Talents Tunisiens du Monde
Sami Ayari précise que l’association « Reconnectt » a pour mission de connecter les talents tunisiens dispersés dans le monde entier avec l’écosystème de la Tunisie. Ces talents, formés dans les écoles et universités publiques tunisiennes, ont ensuite poursuivi leurs études à l’étranger. Certains ont connu un grand succès à l’international, créant des entreprises florissantes. Ayari insiste sur le fait qu’il est crucial de les réunir autour de la Tunisie, de les honorer et de mettre à profit leurs compétences. Ces professionnels peuvent jouer un rôle clé en encadrant et en conseillant la jeunesse tunisienne, en les parrainant, en établissant des filiales en Tunisie et en soutenant le pays à travers divers projets ambitieux. Cette association rassemble les experts tunisiens afin de promouvoir les talents nationaux et d’encourager la participation active des femmes dans les sciences.
Il souligne la nécessité d’une action proactive pour devenir acteur du changement, notamment grâce à l’intelligence artificielle. Il insiste sur l’importance de l’inclusivité et de la création de communautés de jeunes chercheurs tunisiens. À ses yeux, il est essentiel de promouvoir et d’encourager les jeunes talents, en créant des opportunités de recherche et en soutenant le développement des start-ups.
L’intégration de l’IA dans les entreprises
L’objectif principal de l’intelligence artificielle (IA) est de réduire les coûts afin de rendre les entreprises plus compétitives. C’est une amélioration de la productivité. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de se concentrer d’abord sur la diminution des dépenses. Grâce à la technologie, nous pouvons automatiser des tâches répétitives et ennuyeuses, ce qui libère du temps pour des activités plus stratégiques, se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Par exemple, un assistant virtuel peut gérer les emails ou répondre aux questions courantes, allégeant ainsi la charge de travail du personnel.
Il existe deux approches principales pour intégrer l’IA dans une entreprise : faire appel à une société spécialisée ou former les employés en interne. En automatisant certaines fonctions, nous pouvons remplacer des tâches répétitives par des solutions technologiques, permettant de redéployer les employés vers des rôles plus créatifs et productifs. Cette transition ne signifie pas la suppression d’emplois, mais plutôt une réorganisation des fonctions et la création de nouvelles opportunités.
Pour rester compétitifs, il est crucial d’investir dans la formation continue des salariés, de personnaliser les services offerts aux clients et de s’adapter aux évolutions du marché. L’IA peut aider à fidéliser les clients en offrant des produits et services sur mesure, ce qui est essentiel dans un contexte économique difficile.
Les entreprises doivent adopter les nouvelles technologies pour rester pertinentes et compétitives. Bien que l’investissement initial puisse sembler important, les bénéfices à long terme en valent la peine. Les compétences en IA deviennent de plus en plus indispensables, et les entreprises doivent se préparer à cette transformation en développant des solutions technologiques en interne ou en partenariat avec des start-ups.
Dr. Sami Ayari résume, « l’IA est un levier puissant pour optimiser les coûts, améliorer la productivité et offrir des services personnalisés ». Selon lui, les entreprises doivent exploiter cette technologie pour se différencier et répondre aux attentes croissantes des consommateurs.
Institut supérieur tunisien de l’Intelligence artificielle
Selon notre expert, la création de l’institut a tardé, l’institut devrait ouvrir ses portes en septembre. En contrepartie, Sami Ayari demande la création d’un institut tunisien spécialisé dans la cybersécurité. Selon lui, il est crucial de ne pas laisser la formation et la diplomation en intelligence artificielle aux seuls instituts privés ou aux universités privées. Il faut un institut spécialisé pour garantir une formation de haut niveau. Les étudiants, préparés avec des modules en mathématiques de haut niveau, se prépareront aux exigences élevées de l’intelligence artificielle.
Intelligence Artificielle Classique vs Générative
Selon Dr. Sami Ayari, toute interaction homme-machine implique l’utilisation de technologies permettant de gérer des réponses algorithmiques. Il explique que l’intelligence artificielle classique permet de développer des modèles d’algorithmes capables de détecter des défauts grâce à l’apprentissage automatique (machine learning) et au deep learning. La modélisation des neurones, inspirée du cerveau humain, est en constante évolution. Malgré la puissance de calcul actuelle, il note qu’il reste encore des défis à relever, notamment avec l’arrivée des ordinateurs quantiques, qui promettent de transformer radicalement le domaine de l’IA.
Dr. Ayari souligne que l’IA générative est un sous-ensemble de l’IA classique, se distinguant par sa capacité à générer des vidéos, du texte et d’autres contenus interactifs. Les modèles d’IA générative nécessitent plus de puissance de calcul et de vastes bases de données pour leur apprentissage. Il mentionne que grâce à l’IA générative, les entreprises peuvent développer leurs propres modules et bases de connaissances, améliorant ainsi leurs fonctionnalités et offrant des expériences utilisateur plus riches et personnalisées.
Il insiste sur le rôle crucial des assistants virtuels, des chatbots et des startups spécialisées en IA dans cette évolution technologique. Pour lui, il est essentiel de continuer à organiser des événements et des conférences pour partager des connaissances, favoriser les collaborations et militer pour des causes communes. Dr. Ayari rappelle que depuis 2008, malgré les défis, il s’engage activement dans des associations humanitaires, illustrant son dévouement à la communauté et son désir de voir l’IA utilisée pour le bien commun.
Enfin, Dr. Ayari distingue l’IA classique de l’IA générative pour mieux comprendre les avancées actuelles et les perspectives futures. Il explique que l’IA classique se concentre sur l’analyse de données et la prise de décision automatisée, tandis que l’IA générative ouvre des horizons nouveaux en matière de créativité numérique et d’interaction humaine. Il estime que la complémentarité de ces deux approches permet d’envisager un avenir où l’intelligence artificielle pourra répondre à des besoins toujours plus diversifiés et complexes, tout en restant au service de l’humain.
Hommage mémorable aux femmes en sciences des données
L’association Reconnectt, en partenariat avec l’organisation mondiale Women in Data Science (WiDS) de l’Université Stanford, a organisé une cérémonie de l’édition 2024 de l’événement régional WiDS. Cette troisième édition, dédiée aux femmes dans le secteur des hautes technologies, s’est déroulée le vendredi 28 juin, en marge de la manifestation BIGTECH. Cet événement représente un point de convergence pour la technologie, l’écosystème des startups, le digital, les médias, le gaming, l’e-sport et le divertissement, confirmant ainsi la position de la Tunisie comme catalyseur de l’innovation sur le continent africain.
Pour la première fois, des femmes venues des États-Unis ont assisté à cet événement, créant une ambiance conviviale et familiale, avec des moments de grande émotion et de chaleur humaine. Cette rencontre a représenté une reconnaissance et une gratitude dont les Tunisiennes ont besoin. Les trophées décernés à 17 femmes, inspirés par la figure de « Tanit », symbole de la féminité, de la croissance et de l’épanouissement de la vie, et source d’amour parmi les Carthaginois, ont été réalisés par l’artiste peintre tunisienne Houda Ajili. Ces trophées ont été remis à chaque lauréate par Ussama Fayyad. Des vidéos diffusées sur écran rendaient hommage à leurs parcours exceptionnels au fil des années.
Le but essentiel de Reconnectt cette année est de mettre en avant ces femmes compétentes, qu’elles soient à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. Les lauréates de cette édition incluent : Senda Ajroud, Professeure à Chicago, aux États-Unis ; Olfa Khélia Boubaker, Professeure à l’Institut national des sciences appliquées et des technologies (INSAT) et dirigeante d’un laboratoire de recherches dans l’énergie, la robotique, le contrôle et l’optimisation (ERCO). Elle est également membre de l’Unité de l’UNESCO « Organisation des femmes et des sciences pour le monde en développement » ; Rym Zalila-Wenkstern, Professeure d’informatique à l’Erik Jonsson School of Engineering and Computer Science ; Zohra Lili Chabaane, Professeure en télédétection, SIG et gestion des ressources en eau à l’INAT (Université de Carthage) ; Ines Fenni, chercheure scientifique à la NASA au Jet Propulsion Laboratory (JPL) depuis 2015 ; Yosr Khlif, ingénieure financière et docteure en mathématiques appliquées ; Ikram Guizani, cheffe du laboratoire de recherche en épidémiologie moléculaire et pathologie expérimentale appliquée aux maladies infectieuses, désignée parmi les six femmes tunisiennes lauréates en technologie pour l’année 2022 ; Olfa Maaloui, experte en gestion des risques de défaut, de liquidité et de crédit dans l’industrie des services financiers, maîtrisant Python, R, Github, SQL, SAS et Latex ; Dorra Mezze Hmaied, Professeure de finance à l’IHEC de Carthage ; Basma Majerbi, professeure associée de finance à la Gustavson School of Business, University of Victoria ; Wissem Ajili Ben Youssef, professeure associée en finance ayant rejoint l’EM Normandie en 2023, titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris Dauphine ; Marjène Rabah Gana, Professeure des universités en finance ; Feriel Chabrak, directrice générale de la Banque de Tunisie et des Emirats (BTE) ; et Salma Jamoussi, co-fondatrice de Tais et enseignante en intelligence artificielle à l’ISIMS, Université de Sfax, lauréate du prix Tunisian Women in Tech 2022 et membre de Reconnect.
Selon Dr.Ayari, cet hommage mémorable met en lumière la contribution significative des femmes tunisiennes dans les domaines des sciences des données et des hautes technologies, tout en inspirant les futures générations à poursuivre leurs rêves et à exceller dans leurs domaines respectifs. Pour booster leur participation, il est crucial de les encourager et de ne pas reculer malgré les crises économiques. Des webinaires ont été organisés en partenariat avec l’Université de Stanford pour promouvoir les femmes dans le domaine de la data science.