Du producteur au consommateur… oui, mais après ?

Le 12 mai, fête de l’agriculture a été une belle opportunité pour l’UTAP d’organiser sur l’avenue Bourguiba à Tunis, un marché de produits agricoles du producteur au consommateur qui a été apprécié globalement par les consommateurs aussi bien pour la fraîcheur et la qualité des produits que par la modicité des prix.

Une méthode radicale pour prouver, si besoin est à tous, que ce sont les intermédiaires : grossistes, détaillants, courtiers, spéculateurs,… qui sont responsables de l’inflation galopante des prix des denrées agricoles et alimentaires dans les grandes villes. Une expérience pilote qui ne peut être permanente malheureusement.

Conclusion : il est urgent d’assainir les circuits de commercialisation des produits agricoles car 60% seulement des produits agricoles transitent par le marché de gros de Tunis. Les 40% restants vont directement du producteur au détaillant. Ce qui fausse le processus de fixation des prix qui est la résultante du rapport entre offre et demande.

Il en résulte  une inflation galopante des prix des fruits et légumes, outre l’intervention des spéculateurs qui stockent les produits agricoles dans des chambres froides pour déclencher des pénuries ponctuelles et faire monter les enchères.

Le marché de gros de Bir Kassaa, doté d’un rayonnement national, se trouve dépassé et saturé à la fois car il n’a pas évolué depuis quatre ans sur le plan technique, physique ou économique.

Il n’y a aucune traçabilité, ni conditionnement des produits, pas d’affichage des prix non plus. Il règne dans ce marché une grande anarchie qui convient à tous les acteurs du marché. Le seul aspect positif c’est le paiement des impôts sur place, factures à l’appui. Les mandataires (des producteurs) font la pluie et le beau temps : ils fixent les prix en fonction de leurs intérêts car ils agissent en fait pour leur propre compte et sont payés au pourcentage en fonction des  transactions réalisées. Tout le processus en cours dans ce marché mérite d’être réformé.

Quant aux marchés municipaux, ce sont des maillons essentiels du circuit de distribution. Ils doivent être maintenus et préservés pour plusieurs raisons : c’est une infrastructure située au centre de la ville, du village ou du quartier, dotée de toutes les viabilités pour sauvegarder les normes d’hygiène et favoriser toutes les opérations de contrôle des prix et des instruments de pesée. Outre leur rôle économique, ces marchés jouent un rôle social irremplaçable de proximité entre commerçant et consommateur.

Cependant les commerces anarchiques des alentours ont provoqué la mort lente des marchés municipaux et créé une forme de concurrence déloyale qui a fait que certains marchés sont désertés à concurrence de 30% de leur capacité.

La vente du producteur au consommateur mérite cependant de servir de référence. Les producteurs agricoles ne peuvent quitter leurs exploitations agricoles pour s’improviser commerçants : d’ailleurs ils n’ont ni les qualifications, ni les équipements, ni les moyens financiers, ni les points de vente. Ils doivent s’organiser pour créer leurs propres sociétés pour prendre  en charge la commercialisation de leurs produits dans des conditions correctes.

Ces sociétés doivent se doter de moyens de transport, de points de vente et d’entrepôts,… pour défendre les intérêts des paysans. Ils doivent, également, approvisionner les paysans en fourrages, engrais, semences et matières premières.

Les Grandes surfaces se développent lentement car leur expansion implique des investissements massifs et nécessitent de grandes superficies, rares et chères en centre ville ou dans les sites stratégiques, pour leur implantation.

Cependant les grandes surfaces qui concentrent seulement 15% du commerce de détail font une percée dans le secteur des fruits et légumes, viandes rouges et blanches, grâce au self-service, à la transparence des prix et à la qualité des produits.

Il ne s’agit pas non plus de condamner à la disparition les marchands de fruits et légumes dont de larges franges demeurent honnêtes et respectent la réglementation en vigueur.

Ils disposent souvent de compétences et d’un savoir-faire en la matière.

Il faudrait procéder à une réconciliation entre commerçants et consommateurs qui passe par la moralisation du secteur commercial. La difficulté consiste pour le ministère du Commerce de recourir à un système qui obligerait les détaillants des fruits et légumes à s’approvisionner de façon exclusive dans le marché de gros, ce qui contraindrait tous les grossistes et intermédiaires à commercialiser leurs produits dans ces espaces.

Il est grand temps de mettre en chantier le projet ultramoderne du nouveau marché de gros du grand Tunis dont l’implantation est prévue entre Tunis et Zaghouan, l’étude est prête depuis six ans. Ce sera un marché du 21e siècle qui est conforme aux normes d’hygiène de l’UE et prêt à l’exportation des produits.

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