Le dialogue national est resté bloqué toute la semaine. La seule décision ferme a été celle du Quartet d’éliminer définitivement de la compétition les noms d’Ahmed Mestiri et de Mohamed Ennaceur, sources de trop d’opposition d’un côté comme de l’autre. Les membres du dialogue national (DN) sont priés de préparer d’autres propositions à présenter à la reprise, prévue pour la semaine du lundi 18 novembre. En attendant, l’ANC travaille au ralenti, essayant de régler avec les chefs des groupes parlementaires l’obstacle des amendements à son règlement intérieur, refusés par la Troïka, et notamment par Tayar El Mahabba. L’affaire de l’ISIE est aussi en panne après le refus du tribunal administratif et Mustapha Ben Jaafar se démène pour préparer la réunion promise de la Commission parlementaire de tri, non encore convoquée.
Et c’est au milieu de ce marasme qu’Ennahdha met en chantier, en urgence absolue, un projet de loi prévoyant la restauration du régime des habous (“waqf”), aboli en 1957 par Ahmed Mestiri sous le régime de Bourguiba — après la Turquie en 1928, le Liban en 1947, la Syrie en 1949 et l’Égypte en 1952— et qui consiste à geler une bonne partie des capitaux, des biens de production et des richesses au profit d’association” (La Presse du 13 novembre)… et l’on devine déjà le profil de ces associations “de bienfaisance” ! Ce projet a été critiqué par l’ancien ministre des Finances Hassine Dimassi, qui a déclaré “On jette les bases de l’État religieux avant de passer à son édification”, tandis que le doyen Fadhel Moussa déclarait que “Ce projet coûtera beaucoup d’argent à la collectivité publique, car il exigera une nouvelle organisation administrative et un nouvel ordre juridique”. Est-ce bien le moment de mettre sur la table des négociations un projet déjà présenté en vain au Conseil des ministres le 1er mars 2013 (gouvernement Jebali) et revu le 13 septembre avant d’être refusé par Ettakatol et les ministres indépendants ? Le voilà à nouveau à l’étude avant le départ de l’équipe d’Ali Laarayedh parce qu’il s’agit d’accélérer l’islamisation de la Tunisie… de crainte qu’elle ne tombe dans des mains impies !
Au cours de la semaine, de nombreuses rencontres bilatérales ont eu lieu en relation avec la situation politique en Tunisie : Rached Ghannouchi/Bouteflika à Alger, R. Ghannouchi et l’ambassadeur de France, Béji Caïd Essbssi/ambassadeur d’Algérie, Moncef Marzouki/Abassi, et Béji Caïed Essebsi/Bouteflika.
* Des visas, SVP ? Un quotidien local relève les problèmes qui se posent à la frontière tuniso-libyenne, plus précisément à Ras Jdir, où les jeunes tunisiens protestent quand on refuse de les laisser sortir du pays, sachant que la plupart du temps le séjour sur le sol de ce pays frère et ami “n’est que le prélude au départ vers l’Italie (par Lampedusa) ou, pis encore, vers le djihad en Syrie, pour rejoindre les mercenaires islamistes. On cite le cas d’un jeune adulte, marié, père de deux enfants, qui proteste parce qu’on lui demande une autorisation paternelle alors que “son passeport est en règle”. Mais on comprend les autorités tunisiennes qui limitent le passage en Libye, quand on lit dans Réalités l’article sur le “Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux” (n°1454) qui s’intéresse — et on l’en félicite — au sort de nos milliers de concitoyen(ne)s disparu(e)s. Pourquoi en ajouter d’autres ?
Je pense que ce serait rendre service à ces familles éplorées — présentes et futures surtout — que d’empêcher leurs enfants de disparaître (quelle que soit la cause de cette disparition : djihad, noyade en Méditerranée, disparition volontaire…). Dans ce sens, le rétablissement d’un visa pour aller en Libye s’impose, sauf cas particuliers (contrat de travail confirmé). Par la même occasion, par réciprocité, on exigerait un visa pour tout Libyen désirant entrer en Tunisie et on tarirait ainsi le flot des armes, explosifs, djihadistes, qui pénètrent en Tunisie pour attenter à notre sécurité. La Tunisie a donné suffisamment de preuves de son aide au peuple libyen pour qu’il comprenne qu’il s’agit seulement d’une mesure de salubrité publique.
* Une figure pittoresque jette l’éponge : Élu le 23 octobre 2011 sur la liste d’Al Aridha Chaabia de la circonscription de Kebili, le député Ibrahim Gassas, en désaccord profond avec son groupe et inscrit à Nidaa Tounes en septembre 2012, a finalement démissionné et redevient un électron libre. Haut en couleurs, le verbe puissant, souvent coiffé d’un chèche noir. I. Gassas s’est fait connaître par ses interventions bruyantes et son bon sens. Il a déclaré à Shems FM qu’il se retirait de la vie politique, car “simple chauffeur je me suis retrouvé dans un enjeu qui me dépassait (…) le siège de mon taxi rural est bien meilleur que celui de l’ANC”… Mais il a précisé qu’il irait jusqu’au bout de son mandant. Sans doute le retrouvera-t-on dans les futurs combats, aux côtés du peuple.
Raouf Bahri