Économie et démocratie : Les vertus de la mondialisation

Par Nouri zorgati

Dans un 20e siècle marqué par deux guerres mondiales, par la grande dépression des années trente et par la lutte des pays pour leur libération nationale, l’émergence dans la douleur de la mondialisation représente la seule éclaircie et l’unique lueur d’espoir pour l’économie mondiale.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, les pays alliés se sont attelés à la reconstruction de leurs économies meurtries, appuyés par le plan Marshall mis en place par les États-Unis. Retenant les leçons des années trente, des dispositions prudentielles sont décidées tant au niveau national qu’international. Une période de coopération internationale s’ouvre alors. Les pays alliés conviennent de mettre en place des mesures de régulation au niveau international dans le cadre des accords de Bretton Woods en 1944 pour remettre de l’ordre dans la finance internationale. Ces accords ont porté sur la création du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BIRD), ainsi que l’instauration d’un régime de change fixe dans lequel chaque monnaie a une parité fixe par rapport au dollar. Les États-Unis s’engagent à échanger les dollars contre de l’or à raison de 35 dollars l’once. Le dollar devient ainsi la monnaie de réserve internationale. Par ailleurs sont mises en place au niveau national des dispositions de garantie des dépôts bancaires afin de prévenir les paniques bancaires ainsi que des mesures de contrôle des mouvements de capitaux pour éviter la volatilité des changes. Un accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) est signé en 1947. Cet accord a pour objet de favoriser les échanges, de veiller au respect des règles du commerce international tels que la clause de la nation la plus favorisée, la clause de non-discrimination, l’interdiction du dumping, l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires et l’aider au règlement des différends entre les pays. Appliqué d’une façon informelle, l’accord du GATT a été pris en charge ultérieurement par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) créée en 1995.

En 1951, des pays européens engagent leur réconciliation par la signature d’un premier accord sur la Communauté du charbon et de l’acier (CECA) qui met en commun la gestion de ces ressources. Il est suivi par la signature du Traité de Rome en 1957 portant création d’une zone de libre-échange. Ce traité a été progressivement étendu aux différents secteurs d’activité et élargi à différents pays européens.

Les pays avancés connurent alors et pendant près d’une trentaine d’années une période faste avec un taux de croissance moyen de 5% par an et la réalisation du plein-emploi. Des avantages importants en matière de gratuité de l’enseignement, de sécurité sociale et d’assurance vieillesse ont été instaurés.

L’élimination des freins à la croissance

Cependant la guerre du Vietnam (1954-1975) menée dans le cadre de la guerre froide entre le bloc communiste et le bloc anticommuniste, a conduit à une accumulation des déficits budgétaires et des déficits de la balance des payements courants des États-Unis. Il en a résulté un gonflement des réserves en dollars des pays tiers sans commune mesure avec l’or détenu par la FED, la banque centrale des États-Unis. En 1971 les États-Unis ont alors décidé de rompre avec la convertibilité du dollar en or et d’opter pour un régime de change flottant. Ils se libèrent ainsi de l’obligation prévue par les accords de Bretton Woods d’échanger les dollars contre de l’or. La dépréciation du dollar qui en a résulté a provoqué la hausse des prix. 

Les chocs pétroliers provoqués par le quadruplement du prix du pétrole en 1973, à la suite de la quatrième guerre du Moyen-Orient, puis leur doublement en 1978 consécutif à la révolution iranienne, marquent la fin des années fastes. La ponction effectuée sur le pouvoir d’achat des pays avancés réduit leur compétitivité et fait baisser leur croissance. Les avantages sociaux généreusement accordés au cours des années fastes pèsent désormais lourdement sur les comptes des entreprises et des finances publiques dont les recettes se trouvent malmenées par la baisse de la croissance. Les économies des pays avancés entrent dans une période de stagflation caractérisée par une inflation élevée, une croissance nulle ou faible et une hausse du chômage. Pour lutter contre l’inflation, la FED décide en 1982 la réduction drastique de l’offre de monnaie. L’envolée mondiale des taux d’intérêt à des niveaux historiques provoque des crises de la dette souveraine des pays du tiers-monde. L’inflation est  jugulée en 1984, mais elle laisse derrière elle une sévère récession mondiale. 

Pour desserrer l’étau de la récession, les pays avancés, sous la houlette de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux USA, décident au cours des années 1980 de «débrider» la croissance en adoptant une politique de désengagement, de déréglementation et de désintermédiation. Les mesures de désengagement ont concerné l’abandon par l’État des opérations de production et leurs retours aux promoteurs et aux entrepreneurs. La déréglementation marque la suppression des dispositions législatives et réglementaires qui entravent la production. La désintermédiation consacre la suppression de l’intermédiation bancaire en élargissant l’accès aux marchés financiers.

Les chocs pétroliers des années 1970 ont généré une énorme épargne en pétrodollars détenus par  les pays pétroliers. Pour capter cette épargne, les pays avancés ont entrepris de moderniser leurs places financières en supprimant le contrôle des changes et les rigidités dans le fonctionnement des marchés financiers. Ces mesures ont ouvert la voie à l’explosion des innovations de l’ingénierie financière par la création et le développement des produits financiers tels que la titrisation et autres produits dérivés financiers.

Dans le même temps, les actionnaires des sociétés reprennent la main en mettant fin à l’ère de la suprématie managériale inaugurant  l’ère de la création de valeur pour les actionnaires. Ils associent les dirigeants de leurs sociétés à leurs objectifs en liant leurs rémunérations à l’évolution de la valeur de leurs actions en bourse par l’octroi de stock-options, opération par laquelle les actionnaires mettent à la disposition des dirigeants un paquet d’actions dont ils peuvent toucher la plus-value boursière. La préoccupation majeure des managers des sociétés cotées devient alors la hausse de la valeur des actions de la société pour s’assurer le maximum de gain sur leurs stock-options.

Pour améliorer leur rentabilité, les entreprises s’orientent vers la réorganisation de leurs activités et se recentrent sur leur cœur de métier en optant pour l’externalisation des tâches annexes tels que la restauration pour les employés, le gardiennage et le nettoyage des locaux, la comptabilité, le traitement informatique. Par ailleurs, retenant les leçons de la crise des années trente, on constate un recul du protectionnisme  qui, en maintenant des activités non viable, retarde les vraies solutions. Le protectionnisme tue les échanges, aggrave les récessions et condamne la compétitivité indispensable au progrès. En exportant les biens ou les services qu’il produit d’une manière plus efficace et en important les biens ou les services qu’il produit d’une manière moins efficace, chaque pays fait valoir ses avantages comparatifs. Les échanges engendrent ainsi un gain mutuel, une économie d’échelle pour l’un des pays et une économie de ressources pour l’autre permettant d’augmenter sa capacité de production. Plus encore, les pays s’échangent même des produits similaires, que ce soit du prêt-à-porter, des meubles, des voitures. Ces biens correspondent pourtant aux mêmes besoins, mais ils sont échangés pour des raisons de diversification ou de goût. Les échanges sont à l’origine d’augmentation de la croissance et de l’emploi.

L’émergence de la mondialisation

Bénéficiant de la baisse des barrières aux échanges, de la diversification des modes de transport et de la baisse de leurs coûts, du développement des techniques d’information et de communication, le commerce international a pris des dimensions importantes, atteignant 30% du PIB mondial. La structure du commerce international a nettement évolué. Les produits  primaires qui constituaient l’essentiel des échanges des biens et des services n’en représentent plus que 14%. Ils sont largement dépassés par les produits manufacturés qui en représentent 59%. Les services qui progressent rapidement grâce à l’essor de nouveaux types de services en relation avec internet et les centres d’appel téléphoniques montent à 20%. Les échanges des produits agricoles ne représentent pas plus que 7% malgré leur importance dans la hiérarchie des besoins.

Dans ce contexte d’ouverture et de coopération internationale, la mondialisation favorise l’essor de l’économie mondiale. Elle connaît alors une croissance soutenue à un rythme de 4,5% par an. Le commerce international progresse de 8,5% par an. La majorité des pays développés retrouvent le plein-emploi. L’Afrique réalise une croissance de plus de 6% par an, l’Asie de 8,5% par an. Cette période enregistre l’émergence de nombreux pays. Ainsi la Chine avec ses produits industriels devient l’«usine du monde», contribuant par ses prix bas à contenir l’inflation mondiale. L’Inde devient un partenaire international incontournable dans le domaine des services. Le Brésil et les pays de l’Amérique du Sud, par leurs performances agricoles, se hissent au niveau de «greniers» du monde.  La mondialisation s’est enrichie par la multiplication des productions éclatées utilisant des intrants provenant de plusieurs pays et qui méritent le label de «made in World». C’est le cas par exemple de la fabrication des véhicules dans un pays à partir de composants fabriqués dans divers autres pays.  Malgré ces performances, il est fréquent de mettre sur le dos de la mondialisation les dégâts qui sont pourtant le fait du laisser-faire et du laisser-aller du libéralisme. Les protestataires demandent plus d’intervention de l’État.

Repenser l’administration de l’économie

Cependant l’interventionnisme intempestif de l’État instaure un climat d’incertitude et un horizon sans visibilité pour le développement économique et social. Il en est ainsi lorsqu’il n’est pas possible d’entreprendre la moindre initiative sans affronter une jungle de procédures administratives et sans passer par une multitude d’organismes publics pour la connexion à l’eau, au gaz, à l’électricité ou pour obtenir un terrain ou une terre agricole, avec tout ce que cela implique comme obstacles, lenteurs et corruption. Il est grand temps de donner un grand coup de balai sur les  formalités administratives pour libérer la croissance et l’emploi. À cet effet il est urgent de remplacer les autorisations administratives préalables par la mise en place de cahiers des charges.

La situation se complique davantage lorsque les promoteurs se trouvent confrontés au blocage et à l’incertitude sur le régime des prix. Aucune activité économique ne peut fonctionner normalement sans la liberté des prix. Il n’est certes pas question de supprimer la compensation. La liberté des prix n’empêche pas l’octroi des subventions aux produits. Cela permet dans un premier temps de stabiliser la compensation dans le budget de l’État et de la réduire progressivement et d’une manière sélective dans un deuxième temps.

 

nzorgati@gmail.com

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