Écosystème des Startups tunisiennes Entre classements internationaux et réalités locales

Dans l’ébullition mondiale des start-ups, la Tunisie s’est retrouvée sous les feux des projecteurs avec les différentes publications. Cependant, derrière les classements et les performances ponctuelles, se dessine une réalité complexe pour l’écosystème tunisien, dévoilant des défis persistants et des opportunités à saisir.

En 2023, le classement mondial des écosystèmes de start-ups a placé la Tunisie au 91ᵉ rang, une position qui a soulevé des questions et des réflexions sur la véritable santé de l’innovation dans le pays.

En effet, depuis l’avènement du Startup Act en 2018, le pays a vu émerger près de 900 start-ups, mais l’indice mondial souligne une certaine stagnation… De la réservation de 10% des achats publics innovants au profit des start-ups à la nécessité de renforcer les liens entre ces jeunes entreprises et les acteurs établis, les défis sont multiples et complexes. Et derrière les succès individuels éclatants et les mentions flatteuses dans les classements internationaux, plane l’ombre d’une question cruciale : quelle est la réelle dynamique de l’écosystème des start-ups tunisiennes ? Et n’est-il pas temps de s’interroger sur les ajustements nécessaires pour catalyser une croissance soutenue, inclusive et pérenne.

Des signes de stagnation inquiétants

Avec la publication du « Global Startup Ecosystem Index 2023 » de StartupBlink, la Tunisie, fortement impliquée dans la scène entrepreneuriale mondiale, s’est retrouvée au cœur du débat. Ce rapport, dévoilé en mai 2023, a classé la Tunisie à la 10ᵉ place en Afrique et à la 91ᵉ place à l’échelle mondiale parmi les 100 meilleurs écosystèmes de start-up. Une position qui a suscité des interrogations, car elle marque un déclin par rapport aux classements antérieurs de l’index, plaçant la Tunisie à la 83ᵉ place en 2022, à la 82ᵉ en 2021, et à la 77ᵉ en 2020.

Le Startup Act, instauré en 2018, a été une initiative phare visant à dynamiser l’innovation et à attirer des investissements dans le pays. Près de 900 start-ups tunisiennes ont été labellisées depuis le lancement de cette loi, mais les signes de stagnation dans l’écosystème sont inquiétants. L’Index global de l’écosystème des startups, qui évalue la viabilité des initiatives, a rétrogradé la Tunisie en 2023, faisant émerger des préoccupations quant à la santé globale de ces entreprises émergentes.

Malgré les performances notables de certaines start-ups tunisiennes, l’absence d’une dynamique générale positive est soulignée par des observateurs. En effet, les classements internationaux mettent en lumière des succès ponctuels, mais ils ne semblent pas refléter la réalité de l’écosystème technologique dans son ensemble. Certains analystes et commentateurs qualifient ces performances exceptionnelles de « feu de paille », soulignant ainsi la nécessité d’une évaluation plus approfondie.

Rym Akremi Ben Dhiaf, Business Coach & Senior Business Consultant, a récemment soulevé des préoccupations dans une tribune publiée sur le site électronique Tunisie Haut débit (THD.tn). Elle interroge le statut actuel des start-ups labellisées par le programme Startup Act et met en avant les questions cruciales qui demeurent sans réponse : combien de ces start-ups existent encore ? Combien sont en phase de liquidation, et quelles sont les raisons de leur non-réussite ?

L’accès au marché, l’autre paire de manches

L’accès au marché, à la fois national et international, est identifié comme l’un des principaux obstacles pour les start-ups tunisiennes. Malgré les incitations fiscales et les programmes d’incubation, l’experte souligne que les entreprises publiques et privées ne tirent pas pleinement parti de l’innovation et de la créativité des start-ups. Elle appelle à une application plus rigoureuse des dispositions réglementaires, notamment la réservation de 10% des achats publics innovants au profit des start-ups, une mesure présente dans la loi sur les startups de 2018 et reprise par la loi de finances de 2023.

L’enquête mentionnée par Ben Dhiaf indique aussi que 70% des entreprises tunisiennes n’entretiennent pas de relations d’affaires avec les start-ups, soulignant ainsi un besoin crucial de collaboration pour assurer leur croissance. Elle critique également les critères financiers stricts appliqués par les entreprises publiques et privées, appelant à une prise de conscience de la responsabilité sociale des entreprises envers le développement des start-ups tunisiennes.

Cependant, au milieu de ces défis, des lueurs d’espoir persistent. Des start-ups tunisiennes, comme nextProtein, ont réussi à s’imposer sur la scène internationale. En mai 2023, cette entreprise a obtenu l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, marquant un jalon significatif dans l’exportation de produits innovants. Ces réussites individuelles soulignent le potentiel du pays, mais elles demeurent des exceptions.

Ajuster la trajectoire

L’analyse indirecte de l’impact du Startup Act depuis son instauration en 2018 révèle des transformations substantielles dans le paysage entrepreneurial. L’enthousiasme croissant pour l’entrepreneuriat, illustré par le nombre croissant de start-ups, est un signe positif. Les investissements nationaux et étrangers témoignent également d’un changement de perception envers le potentiel économique de la Tunisie.

Cependant, derrière ces succès apparents, des défis persistent. Les méandres administratifs associés au Startup Act découragent parfois les entrepreneurs potentiels, soulignant la nécessité d’ajuster les procédures pour les rendre plus accessibles. L’accès au financement, bien que stimulé par le Startup Act, demeure un défi, particulièrement pour les start-ups en phase de démarrage. Une adaptation des mécanismes de financement pourrait être impérative pour soutenir pleinement ces initiatives.

L’éducation entrepreneuriale, souvent négligée, devrait occuper une place centrale dans l’évaluation indirecte de l’impact du Startup Act. Une sensibilisation accrue et une formation spécialisée pourraient renforcer la compréhension des avantages offerts par cette initiative. Les disparités régionales révèlent également des nuances dans la façon dont le Startup Act influence différentes parties du pays, soulignant l’importance d’une adaptation pour atténuer ces inégalités géographiques.

Donc, bien que les retombées positives du Startup Act soient manifestes, les observations indirectes révèlent des faiblesses nécessitant une adaptation continue. L’avenir de l’écosystème entrepreneurial en Tunisie repose sur la capacité à ajuster la trajectoire, à aborder ces défis et à favoriser une croissance inclusive. Un engagement renforcé des acteurs publics et privés, une application rigoureuse des mesures incitatives et une collaboration accrue entre les différentes parties prenantes sont essentiels pour propulser la Tunisie vers de nouveaux sommets sur la scène mondiale des start-ups.

Par ailleurs, malgré les avancées notables depuis l’instauration du Startup Act en 2018, la rétrogradation dans le classement mondial interpelle sur la nécessité d’une introspection approfondie, car les succès individuels ne devraient pas masquer les lacunes systémiques qui entravent la pleine éclosion de l’innovation.

À cet égard, la question pressante qui se pose est la suivante : comment la Tunisie peut-elle transformer cette critique en un catalyseur pour un nouveau chapitre d’épanouissement entrepreneurial ? Plutôt que de se contenter de remettre en question les classements internationaux, la Tunisie pourrait canaliser cette énergie pour mettre en œuvre des réformes ciblées.

M.BB

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