Education : Comment intégrer l’IA générative de manière positive ?

Par Dr Souhir Lahiani

Par Souhir Lahiani*

L’intelligence artificielle (IA) n’est plus un concept réservé aux experts en technologie. Elle est désormais une force incontournable qui redéfinit de nombreux aspects de notre quotidien, y compris le domaine de l’éducation. Pour que cette révolution numérique soit bénéfique, il est impératif que les enseignants apprennent à intégrer l’IA générative de manière positive dans leurs pratiques pédagogiques. Cette intégration peut transformer non seulement la façon dont les enseignants transmettent le savoir, mais aussi celle dont les élèves interagissent avec le contenu éducatif.

L’un des plus grands atouts de l’IA réside dans sa capacité à personnaliser l’apprentissage. Les enseignants peuvent utiliser ces outils pour adapter les contenus pédagogiques en fonction des besoins spécifiques de chaque élève. En générant des textes, des exercices ou même des supports visuels qui correspondent aux différents niveaux de compétence des élèves, l’IA permet de créer un environnement d’apprentissage plus inclusif et plus efficace. Cette capacité à différencier l’enseignement est essentielle pour répondre aux défis de l’éducation moderne, où les classes sont de plus en plus hétérogènes.
Par ailleurs, l’IA peut jouer un rôle crucial dans l’amélioration de la qualité des retours pédagogiques. En utilisant des outils d’analyse automatisée, les enseignants peuvent fournir des retours plus précis et constructifs sur les travaux des élèves. Par exemple, des logiciels d’IA peuvent analyser les rédactions et suggérer des améliorations, non seulement en termes de grammaire, mais aussi sur la structure, la cohérence et la richesse du contenu. Cette aide précieuse permet aux enseignants de consacrer plus de temps à l’accompagnement personnalisé des élèves, tout en assurant un suivi rigoureux de leur progression.

Un défi urgent pour les établissements d’enseignement
Une enquête mondiale récente menée par l’UNESCO auprès de plus de 450 écoles et universités a révélé que moins de 10% d’entre elles disposent de politiques institutionnelles ou de directives officielles concernant l’utilisation des applications d’intelligence artificielle générative. Ces résultats mettent en évidence les défis auxquels les établissements d’enseignement sont confrontés pour s’adapter rapidement à l’émergence soudaine de ces puissants outils d’IA, capables de générer des créations écrites et visuelles.
L’enquête souligne également le rôle crucial des enseignants en tant que facilitateurs de l’apprentissage dans cette nouvelle ère. Cependant, pour relever ces défis, ils ont besoin d’une orientation claire et d’une formation adéquate.
L’intégration de l’IA dans la création de supports pédagogiques ouvre également de nouvelles perspectives pour rendre les leçons plus attractives. Des plateformes comme Canva, boostées par des fonctionnalités d’IA générative, permettent de concevoir des supports de cours enrichis visuellement et textuellement. Les enseignants peuvent ainsi transformer des cours théoriques en expériences d’apprentissage interactives et engageantes. Cette transformation est particulièrement utile pour capter l’attention des élèves et pour faciliter la compréhension de concepts complexes.

Une intégration responsable
L’utilisation de l’IA ne doit cependant pas se limiter à l’optimisation des tâches pédagogiques. Elle doit aussi servir à encourager la réflexion critique chez les élèves. En exposant les élèves à des contenus générés par des algorithmes, les enseignants peuvent les inciter à questionner la véracité, la fiabilité et les éventuels biais de ces informations. Cette démarche est essentielle pour former des citoyens capables d’évaluer et de critiquer les sources d’information dans un monde où les contenus numériques se multiplient.
Pour que l’intégration de l’IA soit réellement bénéfique, il est primordial que les enseignants eux-mêmes soient bien formés. La technologie évolue rapidement, et il est crucial que les professionnels de l’éducation soient constamment à jour concernant les dernières avancées et les meilleures pratiques d’utilisation des outils d’IA. Cette formation continue est la clé pour maximiser les bénéfices de l’IA tout en évitant les écueils potentiels, tels que la dépendance excessive aux outils technologiques ou l’utilisation non critique des contenus générés.
L’intégration de l’IA générative dans le système éducatif, notamment au niveau secondaire, suscite autant d’enthousiasme que de réserves. D’un côté, ces technologies promettent d’enrichir l’enseignement en introduisant des méthodes innovantes pour aborder des sujets complexes, en rendant l’apprentissage plus dynamique et plus interactif. Elles permettent également de préparer les élèves à un avenir où la maîtrise des outils numériques sera indispensable, tout en renforçant des compétences transversales essentielles comme la créativité et la résolution de problèmes. En personnalisant l’enseignement en fonction des besoins individuels des élèves, l’IA contribue à rendre l’apprentissage plus pertinent et plus adapté à chacun.
Cependant, cette intégration doit se faire avec prudence. Une dépendance excessive aux outils d’IA pourrait affaiblir le développement de compétences fondamentales, telles que l’écriture, la recherche ou le raisonnement critique. De plus, les contenus générés par l’IA ne sont pas infaillibles ; ils peuvent contenir des erreurs ou des biais, et il est crucial que les élèves apprennent à les identifier et à les questionner. Les enjeux éthiques ne doivent pas non plus être négligés. L’utilisation de l’IA dans un cadre éducatif soulève des questions de plagiat, de triche et de respect de l’intégrité académique.

 Pour une intégration réfléchie de l’IA dans l’éducation
Face à ces défis, une approche équilibrée s’impose. Plutôt que d’interdire ou d’encourager sans réserve l’utilisation des outils d’IA, il serait judicieux de mettre en place des règles claires et de fournir une formation adéquate aux enseignants et aux élèves. Cette démarche permettrait de maximiser les bénéfices de l’IA tout en minimisant les risques associés.
Dans ce contexte, la réflexion de la diaspora tunisienne à l’étranger est particulièrement pertinente. Par exemple, Dr Ayari Sami, président de l’association Tunisian AI Society, préconise une initiation précoce à la technologie (IA, Big Data, Cybersécurité, etc.) dans quelques lycées ou collèges répartis sur différentes régions de la Tunisie. L’idée selon lui, serait de lancer un projet pilote avec un cursus adapté, une connectivité optimale et des moyens technologiques adéquats, tels que l’accès au cloud et la possibilité de tester des applications et des outils d’IA. Ce projet inclurait également une initiation professionnelle avec des stages courts, permettant aux élèves de s’immerger dans ces nouvelles technologies.
Ce projet pilote pourrait aussi explorer et tester l’utilisation de l’IA comme assistant pédagogique pour les élèves, par exemple en utilisant des outils comme ChatGPT pour favoriser l’autonomisation dans les apprentissages. De plus, l’IA pourrait servir d’assistant pédagogique pour les enseignants, en améliorant leur productivité et leur créativité grâce à des outils dédiés à l’éducation qui transforment des supports de cours statiques en contenus interactifs. Enfin, cette initiative serait l’occasion de former les enseignants, leur offrant ainsi les compétences nécessaires pour intégrer ces technologies de manière efficace et réfléchie dans leur enseignement.
Ainsi, l’intégration de l’IA générative dans l’éducation représente une opportunité sans précédent de renouveler et d’enrichir les pratiques pédagogiques, à condition que cette technologie soit utilisée de manière réfléchie et encadrée. Les enseignants, en première ligne de cette transformation, ont un rôle crucial à jouer pour garantir que l’IA serve les intérêts de l’apprentissage et du développement des compétences des élèves, tout en préservant les valeurs fondamentales de l’éducation.

L’exemple de la France
Il est crucial de ne pas négliger le rôle des parents dans la gestion des usages numériques de leurs enfants. Pour les accompagner efficacement, il est essentiel de les aider à faire la distinction entre l’utilisation addictive des réseaux sociaux et les activités pédagogiques qui utilisent les outils edtech (ce terme englobe les startups qui conjuguent technologies numériques et éducation). De nombreux parents, souvent déconcertés, peinent à différencier ces usages et craignent que le temps passé devant les écrans à la maison ne s’intensifie à l’école. Il devient donc urgent de les former et de les soutenir, en collaboration avec les établissements et les associations de parents d’élèves, pour qu’ils puissent mieux comprendre et encadrer les usages numériques de leurs enfants tout en reconnaissant la valeur éducative des outils numériques.
En France par exemple, plusieurs startups de l’Edtech ont été créées, ayant comme objectif de faciliter l’enseignement et l’apprentissage en mettant la technologie au service de l’éducation et en démocratisant l’accès à la technologie. Leur essor s’illustre par l’apparition d’événements comme l’Edtech day et de blogs. Ces startups utilisent des technologies innovantes pour révolutionner le monde de l’éducation et de la formation : Mooc (Massive open online course, soit formation en ligne ouverte à tous), supports pédagogiques, marketplaces de professeurs particuliers, formations spécialisées, applications pédagogiques et ludiques…
L’Edtech, Ed Tech, Edutech ou Education technologies (en anglais Educational technology) regroupe les entreprises et startups spécialisées dans les innovations technologiques liées à l’éducation. Le terme est apparu au cours des années 2010 dans les pays anglosaxons, avant de faire son arrivée en France au cours de ces dernières années. Selon une étude EY publiée en 2022, le marché de l’Edtech en France a connu une croissance significative ces dernières années avec un chiffre d’affaires estimé à 1,3 milliard d’euros en 2021. Une autre étude, de Future Market Insights, révèle que les revenus du marché mondial de l’Edtech devraient dépasser 288,4 milliards de dollars d’ici 2031.

Références : https://bigmedia.bpifrance.fr/ 

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