Les agressions perpétrées à l’encontre du corps enseignant se sont multipliées, ces dernières années, en Tunisie. Un triste constat qui s’est confirmé avec deux nouvelles affaires : l’affaire de l’éducatrice poignardée par son élève dans un centre de formation professionnelle à Siliana et celle de l’agression d’un enseignant de couleur à Médenine par des parents d’élèves.
Qu’est-ce qui explique cette montée spectaculaire de la violence dans les institutions éducatives en Tunisie. Contacté par Réalités Online, le sociologue Abdessattar Sahbani affirme qu’il ne s’agit pas d’une nouveauté. « C’est un phénomène qui a pris de l’ampleur. C’est un problème de fond, car notre modèle éducatif est en crise, pas uniquement depuis l’ère de Ben Ali, mais aussi depuis la période Bourguiba. Même après la Révolution, rien n’a été fait pour améliorer la situation : pas de changement de manuels scolaires, encore moins des campagnes de sensibilisation sur l’éducation », a-t-il déclaré.
Décalage entre l’éducatif et le social
« 100 000 élèves quittent l’école chaque année », rappelle Abdessatar Sahbani, qui a souligné, également, l’ampleur du chômage des jeunes diplômés. « C’est une catastrophe nationale pour un état qui a investi énormément dans l’éducation », a-t-il encore ajouté.
Selon le sociologue, la montée des violences dans les établissements scolaires s’explique par cette crise qui a secoué le secteur. « Il faut prendre en considération le temps de travail des élèves et surtout leur entourage, notamment les dealers qui leur tournent autour. Il est important de mettre à leur disposition des salles de permanence afin de limiter leurs sorties des écoles pendant les heures creuses », a-t-il souligné.
Dans ce contexte, le sociologue estime qu’il existe un décalage entre les institutions éducatives et l’évolution sociale. Cette évolution, selon lui, a été bouleversée par l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication. « Aujourd’hui, un élève plonge dans l’univers d’Internet. Il fait en sorte d’écouter ses parents, certes. Seulement, il se venge, comme nous avons pu le voir dans certains cas, sur tous ce qui est cassables et même sur les professeurs », a déclaré Abdessattar Sahbani, qui est revenu sur les conditions des années 70, où les élèves retardataires, à titre d’exemple, étaient sanctionnés.
« Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’un problème de discipline. C’est une autre culture qui est en train de se développer. La société est en crise. L’État à lui seul ne parviendra pas à résoudre cette crise. Il est vital que les parents enseignent les bonnes manières à leurs enfants, telle que la préservation des biens de l’école », a conclu le sociologue.
M.F.K