C’est en grandes pompes que le coup d’envoi de la conférence nationale sur l’environnement a été donné ce jeudi 5 avril 2018. Pendant deux jours, les 300 participants – de décideurs politiques, panélistes et experts – vont débattre de l’accélération de la mise en place des programmes d’efficacité énergétique en Tunisie. La séance d’ouverture a eu lieu en présence du Chef du gouvernement, Youssef Chahed, de Khaled Kaddour, ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, et de Diego Zorilla, représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et coordinateur résident des Nations Unies en Tunisie.
« Cette conférence s’inscrit dans le cadre des initiatives du gouvernement d’union nationale visant à stimuler la croissance, l’emploi, l’investissement et le développement régional », a déclaré Youssef Chahed devant les 300 participants. Malgré les progrès réalisés par la Tunisie en matière de maîtrise de l’énergie, il existe un réel déficit selon Youssef Chahed, notamment au niveau de la consommation du pétrole. « La Tunisie couvre seulement 50% des besoins nationaux, avec un déficit de 4,7 millions de tonnes enregistrés en 2017 pour les hydrocarbures. Par conséquent, le volume des subventions a augmenté dans le cadre du budget 2018, atteignant les 1500 millions de dinars », a-t-il expliqué.
La stratégie tunisienne en matière d’énergie, poursuit le Chef du gouvernement, est axée sur deux principaux volets, à savoir l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique. Ce choix a été adopté depuis les années 80 et il a valu à la Tunisie une reconnaissance internationale, notamment à travers son classement à la 20ème position sur 111 pays par la Banque Mondiale (BM) en 2016 en matière d’efficacité énergétique.
Une panoplie de projets au programme
Pour souligner l’engagement de la Tunisie pour l’environnement, le Chef du gouvernement est revenu sur les projets qui ont été réalisés. L’objectif est, tout d’abord, de réduire la consommation énergétique de la Tunisie de 30% à l’horizon 2030, tout en augmentant le recours aux énergies renouvelables. En septembre 2018, un plan d’action sera lancé pour les 350 municipalités en Tunisie. Ces dernières, selon Youssef Chahed, feront l’objet d’un audit énergétique, et ce afin de les amener à investir dans l’efficacité énergétique.
Dans ce même contexte, l’Exécutif, d’après le Chef du gouvernement, s’est fixé pour objectif de stimuler l’économie digitale et les énergies renouvelables. « Dans le cadre de la production d’électricité à partir des énergies vertes, 10 entreprises privées ont été sélectionnées pour réaliser un investissement de 200 millions de dinars. On compte 6 projets basés sur l’énergie solaire (10 millions de dinars) et 4 autres petits projets, également basés sur l’énergie solaire destinés aux régions intérieures à l’instar de Tataouine, Gafsa et Kairouan », a-t-il expliqué.
Un appel d’offres pour la production de 800 mégawatts à partir des énergies renouvelables
Autre annonce de Youssef Chahed : le 27 avril 2018, un appel d’offres sera lancé pour la production d’électricité à partir des énergies renouvelables pour une puissance totale estimée à 800 mégawatts. Le tout pour un investissement de 2000 millions de dinars. Ces 800 mégawatts, d’après le Chef du gouvernement, seront répartis sur les régions cibles : 300 mégawatts à Gafsa, 100 mégawatts à Tataouine et Sidi Bouzid, 300 mégawatts à partir des éoliennes à Nabeul et Kébili.
Les énergies renouvelables constituent un choix important pour la Tunisie et une solution pour venir en aide aux familles tunisiennes énergétiquement marginalisées. De ce fait, le Chef du gouvernement a annoncé un plan d’action pour prendre en charge près de 1 millions de familles nécessiteuses dans une situation énergétique précaire. Ce projet ambitieux, d’après Youssef Chahed, les équipera de panneaux photovoltaïques et les aidera à changer leurs équipements électroménagers.

Khaled Kaddour
Une économie basée sur les énergies renouvelables d’ici 2050
De son côté, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, Khaled Kaddour, a réaffirmé que l’énergie s’inscrit dans l’optique d’une vision globale et d’une démarche collective. « Investir dans l’énergie nécessite un financement colossal. Un projet dans l’économie verte nécessite entre 4 et 5 années pour être concrétisé », a-t-il déclaré lors d’un point presse organisé en marge de l’ouverture de la conférence nationale sur l’environnement.
Il ne peut y avoir de développement sans énergies, selon Khaled Kaddour, qui considère qu’il est essentiel de réduire le recours aux énergies fossiles au profit des énergies renouvelables. La stratégie du gouvernement, poursuit-il, est axée sur 3 volets : la sécurité énergétique, la parité énergétique et la bonne gouvernance, et le développement durable. « Il y aura de nouvelles lois et dans ce cadre, la possibilité de la création d’une instance pour réguler les prix, étant donné que le secteur privé va entrer en jeu », a-t-il précisé, ajoutant que le but est de bâtir l’économie sur les énergies renouvelables à l’horizon 2050.
La maîtrise de l’énergie, poursuit le ministre, est essentielle dans la mesure où le déficit énergétique tunisien augmente pour les énergies fossiles. « Notre budget 2018 a été conçu sur la base d’un baril de pétrole à 54 dollars américains. Aujourd’hui, ce dernier a atteint 64 dollars », a-t-il ajouté. D’autre part, plusieurs entreprises tunisiennes, selon Khaled Kaddour, sont devenues des modèles en matière de maîtrise énergétique. Agil, à titre d’exemple, est en train de concevoir un carburant avec des additifs qui permettent d’améliorer l’efficacité du moteur. Il sera lancé d’ici le second semestre de l’année.
Des municipalités éco-responsables
L’autre projet phare sur lequel Khaled Kaddour est revenu porte sur l’audit des municipalités, évoqués par le Chef du gouvernement Youssef Chahed. Il concernera, rappelle-t-il, les 350 municipalités de Tunisie. Une expérience notable a été réalisée à Nabeul, où une station photovoltaïque a été construite au parking de la municipalité. Elle a permis de réaliser une économie de 40% de la consommation. « Nous comptons généraliser cette expérience », a-t-il dit.
Le gouvernorat de Tozeur, d’un autre côté, est également dans la ligne de mire de l’Exécutif. Un grand projet sera lancé dans le gouvernorat destiné aux familles nécessiteuses. Tozeur deviendra, selon le ministre, une ville éco-responsable. La STEG, en effet, travaille actuellement sur la construction d’une station photovoltaïque de 10 mégawatts. « Une autre station d’une capacité de 10 mégawatts sera bâtie, suivie d’une autre de 50 mégawatts. Tozeur sera un modèle et deviendra une destination touristique et éco-responsable. Ces 70 mégawatts alimenteront largement les foyers des 10 000 habitants de la régions », a-t-il expliqué.
Tout sera mis en œuvre, assure encore le ministre, pour concrétiser les projets du gouvernement en matière d’environnement. Il est question de sensibiliser l’opinion publique sur les enjeux du domaine, et ce sont les médias, selon lui, qui rempliront ce rôle. L’État sera, par ailleurs, présent pour accompagner les entreprises et les particuliers souhaitant se lancer dans les énergies renouvelables. « Des subventions sont accordées aux entreprises. Les particuliers, de leur côté, peuvent profiter d’un prêt accordé par la banque Attijari pour installer des équipements écologiques dans leurs domiciles », a-t-il encore assuré.

Diego Zorilla
La Tunisie, premier pays arabe en matière de maîtrise de l’énergie
Diego Zorilla, représentant résident du PNUD en Tunisie, a salué, de son côté, les progrès de la Tunisie en matière d’environnement. « Les gouvernements, à travers la signature de l’accord de Paris de 2016 (COP 21) ont confirmé leur engagement pour l’instauration d’une politique axée sur le développement durable. L’énergie est un moteur d’une croissance économique responsable », a-t-il déclaré devant l’assistance, soulignant que l’Agence Internationale de l’Environnement recommande la mise en place de politiques renforcées pour l’environnement, à travers la généralisation des véhicules électriques et la digitalisation du système énergétique.
La Tunisie, selon le représentant du PNUD, a mis en place des mécanismes d’investissement dans l’énergie. « Plus de 50% des objectifs climatiques de la Tunisie ont été atteints », a-t-il dit pour saluer les efforts du pays, rappelant le classement de notre pays par la BM en matière de maîtrise énergétique, et ajoutant qu’il est à la tête des pays arabes. « Tant d’efforts à saluer. C’est un privilège pour le PNUD d’accompagner la Tunisie dans ces efforts », a-t-il conclu.
Du pain sur la planche
Des débats, des discussions et des ateliers sont au programme de cette conférence nationale sur l’environnement. Des pas non négligeables ont été franchis par la Tunisie en matière de maîtrise énergétique, comme l’ont souligné les responsables présents, mais il reste encore du pain sur la planche, notamment en ce qui concerne l’accompagnement des entreprises qui souhaitent se lancer dans l’économie verte et qui subissent, selon plusieurs experts, le poids d’une administration rigide. Les démarches administratives tendent à être allégées, selon les décideurs politiques. Il faudra, également, travailler sur la sensibilisation des citoyens et des industriels. Ces derniers, rappelons-le, figurent parmi les plus gros pollueurs. Et là encore, les débats s’annoncent vifs.