Élection présidentielle: Postures et impostures

Que l’on se souvienne des temps de la cohabitation, en France, qui mettait aux prises un Président de gauche face à un chef de gouvernement de droite, ou inversement !  Les avis étaient quasiment unanimes pour considérer ce cas de figure institutionnellement paralysant et économiquement nocif. Des réformes ont été alors introduites pour rendre difficile la reconduite d’un tel scénario et elles y sont parvenues.

Me reviennent, aujourd’hui, les échos des débats qui avaient accompagné ces changements en écoutant les arguments déployés dans la mêlée présidentielle agitant les risques d’hégémonie du parti sorti victorieux des dernières élections législatives, au cas où son président venait à emporter le scrutin présidentiel. Cette menace existe-t-elle sérieusement ? Est-elle fondée ? À bien y réfléchir, l’on ne peut que souscrire à l’opinion qui considère qu’une campagne électorale se présente souvent comme une « belle occasion de dire n’importe quoi ! »

Aussi bien dans le contexte français évoqué plus haut ou dans la configuration tunisienne du moment, la recherche d’harmonie et de convergence entre les deux têtes de l’exécutif ne peuvent en aucune manière être confondues avec un péril imminent d’instauration (ou de restauration) d’une dictature. D’aucuns objecteront en rejetant la comparaison entre un pays de vieille tradition démocratique et le nôtre qui fait ses premiers pas en la matière. Mais cette objection est irrecevable pour la même raison, dès lors qu’une démocratie naissante dotée d’institutions balbutiantes ne peut se permettre le luxe de  querelles interminables au sommet. Elle a davantage besoin que les autres de synergie et de cohérence entre ses différents pouvoirs pour fonder solidement ses assises.

Aussi, au vu des résultats sortis des urnes législatives, le parti arrivé en tête ne peut guère gouverner seul. Les alliances qu’il se trouve contraint de sceller pour y parvenir ne sont guère évidentes. Elles le mettent face à des entités politiques qui ne partagent, ni son programme, ni ses orientations, ni même, pour la plus importante d’entre elles, le même modèle de société.

Que les adversaires du parti majoritaire veuillent le vaincre aux présidentielles, rien n’est plus légitime. Mais encore faut-il, ne serait-ce que pour se donner les meilleures chances, utiliser de bons arguments.

Mais les bons arguments se font rares dans cette campagne et l’odeur de souffre qu’elle exhale parfois, fait craindre le pire pour les lendemains de proclamation de ses résultats. Lorsque les théoriquement défuntes et tristement célèbres Ligues de protection de la Révolution (LPR) s’en mêlent et mêlent leurs voix aux salafistes intégraux, tel que Hizb tahrir (qui réfute par principe la démocratie et les élections qui en découlent), il est permis de déplorer l’indignité des alliances et l’ignominie des arguments auxquels peuvent recourir certains candidats se rattachant curieusement à la filiation démocrate.

Populistes « identitaires », milliardaires, nostalgiques refoulés, « indépendants » embusqués, arrière-garde recyclée… sans oublier les rarissimes profils dignes d’intérêt, le marché des présidentielles regorge d’une multitude d’ «offres» bigarrées et conjugue postures et impostures.

Mais au-delà de cet encombrement électoral, il y a fort à parier que le scrutin présidentiel actuel est engagé sur la voie de la bipolarisation qui s’est déjà prononcée lors des législatives et qui n’est pas prête à se dédire en si peu de temps.

 

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