Kamala Harris ou Donald Trump, les Américains vont choisir entre deux Amériques, le 5 novembre prochain. L’une promet la démocratie, la liberté. L’autre, le pouvoir de tout changer. Comme les Américains, le monde est partagé. « L’Europe serait terrifiée par le retour de Trump », selon Joe Biden. Pour la Tunisie, Harris ou Trump, c’est bonnet blanc, blanc bonnet.
Au coude-à-coude dans les sondages, la démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump s’affrontent dans une campagne électorale à couteaux tirés où tous les coups sont permis. Les joutes, chauffées à blanc, galvanisent les foules dans les deux camps. La tension est si vive aux Etats-Unis d’Amérique à quelques jours du scrutin présidentiel du 5 novembre que la crainte d’une guerre civile, menace brandie par des radicalisés du camp Trump, plane sur le scrutin qui n’a pu dégager aucun candidat favori.
Des partisans de Trump ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas les résultats du scrutin si Harris gagnait les élections. L’ombre de la prise du Capitole en 2020 et la tentative de manipulation des résultats de l’élection présidentielle contre Joe Biden sont encore présentes dans les esprits. Trump est même accusé de menacer la vieille démocratie américaine.
C’est la campagne électorale la plus onéreuse et la plus dangereuse, selon les médias américains. L’enjeu est déterminant pour l’avenir des Etats-Unis, avec Kamala Harris ou avec Donald Trump et par conséquent, celui du reste du monde. Le pays de l’Oncle Sam sous la présidence de Joe Biden est engagé de plain-pied dans la guerre en Ukraine à laquelle s’oppose Donald Trump depuis le début et qui promet de l’arrêter dès le premier jour de son mandat s’il est élu, par un coup de téléphone à Poutine. Il y va également de l’avenir de l’Europe enlisée dans cette guerre et dans sa lourde ardoise en termes de livraisons d’armes à Kiev, d’aides financières et de retombées des sanctions infligées à la Russie sur les économies des pays européens.
Les Etats-Unis mènent simultanément une autre guerre au Proche-Orient, derrière et aux côtés de l’entité sioniste. Un soutien inconditionnel en armements, financier, diplomatique et politique à Benyamin Netanyahu et à son gouvernement d’extrême-droite jusqu’à tolérer un génocide reconnu par la CIJ contre les civils palestiniens qui refusent de céder leurs terres et leurs origines. Un soutien qui menace d’embraser l’ensemble de la région moyen-orientale et de faire perdre à la candidate démocrate le vote des Arabo-Américains, traditionnellement démocrate dans certains Etats, tel le Michigan, un des sept « swing states » (où le choix des électeurs est incertain).
Le retour de Trump à la Maison-Blanche ne sera pas sans risques pour la paix dans le monde. Il pourrait provoquer d’autres conflits ou reprendre ceux qu’il a laissés en suspens, notamment avec l’Iran, la Chine, l’Arabie Saoudite et d’autres pays de la région arabe qui n’ont pas encore adhéré aux « Accords d’Abraham », fruit de son « deal du siècle », concocté unilatéralement en 2020.
L’Amérique a bien changé
« Les dirigeants du monde entier sont terrifiés à l’idée du retour de Trump », déclarait récemment le président Joe Biden qui compte sur l’élection de Kamala Harris pour poursuivre ce qu’il a commencé en Ukraine et au Proche-Orient. Le premier mandat de Trump à la Maison-Blanche a, en effet, bien marqué les esprits. Il avait, notamment, retiré les Etats-Unis de plusieurs accords internationaux, dont celui sur le nucléaire iranien ou le Protocole de Paris sur le changement climatique.
Tout compte fait, Harris ou Trump, démocrate ou républicain, c’est bonnet blanc, blanc bonnet, ce sont des guerres, toujours plus de guerres. La démocratie américaine est devenue celle des confrontations, des conflits, dans le but de préserver l’hégémonie des Etats-Unis sur le monde. « L’axe du mal », c’est toujours les autres. Le massacre en cours des civils de Gaza, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ont mis à nu une Amérique sans morale, pour laquelle il n’y a pas d’égalité entre les peuples, pas de droits humains pour tous, pas de protection pour les Palestiniens spoliés de leurs terres et de leurs vies. Le monde a découvert une Amérique qui laisse Israël bafouer et saboter l’ordre international, fondé sur le droit international et sur le droit international humanitaire, ainsi que le système international centré sur l’Organisation des Nations unies. Dans l’impunité.
A la question de savoir quel impact aura sur la Tunisie l’élection de Harris ou de Trump, l’on est tenté de répondre, aucun. La politique étrangère américaine ne change pas en fonction du président élu et de son parti. Il n’en demeure pas moins que Donald Trump reste le président le plus imprévu de tous, comme l’a déclaré une fois le président russe Poutine. Le candidat à l’élection présidentielle de 2024, Trump, s’est présenté comme l’ennemi des guerres, il a promis de stopper net celle qui se déroule depuis 2022 en Ukraine. Mais c’est lui qui a allumé la mèche contre la Chine en 2020 et c’est toujours lui qui a déclaré récemment que “le territoire israélien est top petit et qu’il faudra l’agrandir”. Donc, rien ne va changer, que les Etats-Unis restent démocrates ou balancent dans le camp républicain.
La Tunisie a de tout temps adopté une politique étrangère basée sur le respect mutuel et sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. Après le 25 juillet 2021, et considérant les nouveaux bouleversements régionaux et internationaux, cette politique étrangère est devenue carrément anti-ingérence étrangère, anti-arrogance ; elle est franchement souverainiste, jalousement attachée à l’indépendance de la décision nationale et irréversiblement du côté du peuple palestinien et de son droit à son Etat palestinien libre et indépendant.
Entre la Tunisie et les Etats-Unis d’Amérique, c’est une amitié de plus de deux cents ans. En dents de scie. Contextes politiques et géopolitiques obligent. Dans le contexte actuel favorable à des conflits armés dans les quatre coins de la planète terre, voire à une troisième guerre mondiale qui pourrait éclater en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie, aux regroupements régionaux économiques et à la montée de l’islamophobie, la Tunisie se doit de renforcer son immunité nationale en élargissant son cercle d’amis, y compris parmi ceux qui ne font pas partie du cercle des alliés des USA, tout en préservant ses rapports privilégiés avec ses partenaires traditionnels.