L’élection présidentielle en Mauritanie aura lieu le 21 juin prochain et fait d’ores et déjà polémique. Même si la campagne s’est ouverte officiellement le 6 juin (pour se terminer aujourd’hui, 19 juin), pour beaucoup les résultats de ces élections sont connus d’avance. Pour autant, le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, doit faire face à la contestation dans son pays et ne fait plus l’unanimité. L’occasion de faire le point sur un président chahuté.
Les dés ne sont même pas encore lancés que les résultats semblent être déjà connus de tous. M. Ould Abdel Aziz, porté au pouvoir en 2008 grâce à un coup d’État, tente encore d’obtenir une certaine légitimité, très contestée, tout en consolidant son pouvoir. Équation difficile. Ancien officier, il a renversé l’ancien président mauritanien Ould Taya en 2005 avant d’être élu président de la République en 2009, lors d’une élection qui n’a pas fait l’unanimité, mais a donné un semblant d’appui légal à son pouvoir, sans pour autant recueillir la reconnaissance de l’opposition. À ce sujet, Bah Ould Saleck, journaliste et directeur général de Tv Sahel, explique à Réalités que «le rapport des forces politiques dans cette élection présidentielle est très largement en faveur du candidat-Président sortant. Il est plus que probable que Mohamed Ould Abdel Aziz soit victorieux dès le premier tour, avec un score qui devrait dépasser les 70% des voix exprimées. Le boycott de cette élection de la part des principaux challengers et opposants irréductibles au président sortant nous permet de faire cette assertion, sans risque de nous tromper. Les quatre autres candidats — dont une femme qui ne possède ni expérience, ni appareil politique — qui sont en lice face au président sortant, ne sont pas à même de le mettre en ballotage et encore moins de le vaincre.»
Une opposition grandissante
Des milliers de personnes ont participé mercredi 4 juin à la marche du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU). Ce forum réunit dix-sept partis de l’opposition, dont la mouvance islamiste, qui refusent la tenue de la prochaine présidentielle et contestent le régime en place. Cependant son émergence récente ne permet pas encore de pouvoir se faire une opinion à l’heure actuelle sur sa viabilité à long terme. Mais ces contestations ont-elles réellement une chance d’aboutir ? Pour Bah Ould Saleck, la réponse est plutôt négative «les mouvements de contestation que l’on observe en Mauritanie n’ont pas la consistance nécessaire ou suffisante à la déstabilisation d’un pouvoir fort du soutien de l’armée et des forces tribales qui, pour le moment, trouvent leur compte dans une alliance avec ce régime. La stratégie d’Ould Abdel Aziz a été réorientée depuis la seconde moitié de son quinquennat finissant dans le sens de la préservation des faveurs acquises aux chefferies tribales et de la distribution de sinécures publiques pour leurs représentants les plus notoires. Le mouvement de contestation “islamiste”, qui est la force politique la mieux organisée et la plus déterminée dans la déstabilisation du régime, est relativement affaiblie après les revers qu’ont connu les printemps arabes. Ce renversement géopolitique a joué en faveur du régime d’Ould Abdel Aziz qui était sous la menace de ce mouvement arabo-musulman.»
Afin d’assurer des élections libres, l’Union africaine a décidé de nommer les Tunisiens Béji Caïd Essebsi et Ridha Belhadj à la délégation de contrôle de l’Union africaine des élections en Mauritanie. Ce choix ne doit rien au hasard puisque Caïd Essebsi a su mener à bien les élections tunisiennes de 2011. Et, justement, la Mauritanie officielle a bel et bien besoin d’observateurs internationaux afin de s’assurer un semblant de transparence et d’impartialité.
Des élections sous forme de farce ?
La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) se voit accusée de servir les intérêts du Président au détriment des autres candidats. En effet, la CENI a été créée sur la base de propositions faites par les différents pôles politiques qui ont décidé de mettre en place un dialogue national et de signer divers accords pour sortir le pays de la crise institutionnelle dans laquelle il se trouve. Pour Bah Ould Saleck, «rien ne pouvait laisser croire que la CENI deviendrait un instrument entre les mains du président ou des autres parties au Dialogue, tant les personnalités qui composent ses instances dirigeantes sont réputées pour leur probité morale. Mais la CENI fait appel aux ressources budgétaires qui sont entre les mains de l’État pour fonctionner et pour remplir sa mission. La confusion des genres viendrait de cette interdépendance entre une institution ‘indépendante’ qui a recours au financement public ; d’où la suspicion de sa soumission au camp du président». Qui plus est, le fichier électoral est également mis en cause puisqu’il écarterait de manière délibérée des citoyens étant considérés comme étant opposés au pouvoir. Face à Ould Abdel Aziz, Boidiel Ould Houmeid, ancien ministre d’Ould Taya et chef du parti El Wiam, et Biram Ould Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie, tenteront de briguer la tête de l’État. À leur côté, Mariem Moulay Idriss, proche du parti au pouvoir, sera la seule femme à se présenter à ces élections et pour finir, Ibrahima Moctar Sarr, militant des droits des Négro-Mauritaniens qui avait recueilli 5% des voix en 2009, tente à nouveau sa chance en 2014. Le 19 juin, la campagne électorale se terminera, après quatorze jours de campagne intense où se sont succédé débats télévisés et autres meetings entre les différents candidats avant de découvrir les résultats le 21 juin.
I.A.