Élections- Les réactions internationales : La Tunisie saluée à l’unanimité

 

Les élections tunisiennes ont suscité beaucoup de réactions à l’échelle internationale. D’abord, car depuis le déclenchement du « printemps arabe », la Tunisie a été le seul pays arabe à s’en sortir, même précairement et que l’équilibre était très fragile. La Tunisie a aussi été le premier pays arabe à avoir changé de régime pacifiquement. Depuis la chute de Ben Ali, ensuite la démission de la Troïka et aujourd’hui, opter pour un parti nationaliste progressiste après avoir opté en 2011 pour les islamistes, seules quelques manifestations restées sans grandes pertes ont pu bouleverser les choses. Là où les islamistes, en Égypte, ont été destitués par un coup d’État militaire, en Libye ils livrent une guerre civile et en Turquie ils ont été réélus, malgré les scandales financiers, en Tunisie, ils ont d’abord démissionné, ensuite ils ont perdu le pouvoir au sein du parlement par les urnes.

 


Les assassinats politiques de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, le lynchage jusqu’à mort s’en suivent de Lotfi Naguedh, les attentats terroristes à l’encontre de soldats et les débordements salafistes et des Ligues de la protection de la Révolution, ont fortement inquiété sur le plan national et international. Jusqu’ici, l’issue de la Révolution tunisienne était restée incertaine, pouvant déborder d’un côté ou d’un autre, finir dans un gouffre ou reprendre le droit chemin. A la précarité sécuritaire, s’ajoutaient une crise économique et un véritable effondrement de certaines classes sociales. Ainsi, aujourd’hui, et au lendemain des élections législatives, on pourrait presque parler du « miracle tunisien », toujours avec réserve en attendant la présidentielle et les 100 premiers jours du gouvernement.

 

La Tunisie saluée par les chefs d’États

«Au nom de tous les Américains, je félicite le peuple de Tunisie pour l’élection démocratique d’un nouveau Parlement, une étape importante dans la transition politique historique de la Tunisie» s’est exprimé Barack Obama dans un communiqué de presse. L’Algérie s’est aussi réjouie du bon déroulement des élections tunisiennes.

Le président du Parlement européen Martin Schulz s’est exprimé au sujet des élections législatives tunisiennes, en précisant :

«Je souhaite féliciter tout le peuple tunisien qui s’est pleinement mobilisé pour ce nouveau rendez-vous démocratique. Je salue le travail des autorités tunisiennes qui ont permis le déroulement serein de ces premières élections législatives tunisiennes libres depuis la fin du régime de Ben Ali. 

Je salue l’implication exceptionnelle de la société civile au cours de ces trois dernières années. Lors de ma visite en décembre 2012, j’avais été frappé par le niveau d’engagement et de responsabilité de tous ses acteurs. Aujourd’hui, par-delà les frontières, la société civile tunisienne démontre à tous que cette implication est primordiale pour tout pays en transition démocratique. Qu’il me soit permis de saluer ici la mémoire de tous ceux, hommes politiques ou citoyens, qui sont tombés sur le chemin de la liberté et de la démocratie. Leurs compatriotes n’oublieront jamais ce sacrifice.

Le peuple tunisien peut être fier d’ouvrir aujourd’hui un nouveau chapitre de son histoire millénaire. Il appartient à présent aux nouveaux élus de préserver cet esprit de compromis et de responsabilité qui a prévalu jusqu’à présent afin de répondre aux fortes aspirations de justice sociale, de liberté et de prospérité de tous les Tunisiens et Tunisiennes.

Dans cette phase décisive de consolidation des acquis de la Révolution et de la transition, nos voisins tunisiens savent qu’ils pourront toujours compter sur le soutien indéfectible de l’Union européenne et du Parlement européen pour relever ensemble, et dans le respect mutuel, les grands défis régionaux.

Enfin, je salue le travail remarquable de la mission d’observation de l’Union européenne qui a déployé plus de 120 observateurs dont mes collègues membres du Parlement européen.»

De même la Russie a félicité la Tunisie, soulignant dans un communiqué publié le 28 octobre le climat sain et serein du déroulement des élections législatives.
Le ministère des Affaires étrangères russe a insisté sur l’importance de cette échéance la qualifiant d’étape cruciale dans le parcours démocratique entamé par la Tunisie depuis l’avènement de sa Révolution.

Le communiqué glorifie aussi la maturité politique et les solutions consensuelles ayant été trouvées par les différentes parties politiques tunisiennes aux questions nationales à caractère urgent.

La presse étrangère parle de l’exception tunisienne

La CNN a rendu un hommage presque émouvant à la Tunisie, parlant de l’exception arabe. La chaîne a cité les échecs de la Syrie, l’Égypte et la Libye en se demandant ce qu’aurait fait la Tunisie de « juste ». Dans un court reportage, la chaîne est revenue sur le déclenchement de la Révolution, mais avant cela, sur les mesures historiques tunisiennes devançant toujours les autres pays. En évoquant les spécificités de la société tunisienne ayant permis un minimum d’équilibre tel le pourcentage de 98% de sunnites. Le reportage a aussi évoqué que la Tunisie était le premier pays arabe à établir un pacte de Droits de l’Homme et une constitution en 1861. Les atouts de la Tunisie selon la chaîne étaient l’armée qui est restée neutre, les choix des islamistes tunisiens de quitter le pouvoir, la constitution d’un gouvernement de technocrates, une constitution consensuelle établissant des droits égaux entre hommes et femmes. Les concessions ont permis un bon fonctionnement de la démocratie en Tunisie, toujours selon la CNN.

Le journal de Montréal a titré « La leçon tunisienne », en commençant  l’article par : « voici que l’espoir renait de nouveau au terme d’un scrutin historique en Tunisie »

Plusieurs journalistes étrangers s’exprimant sur les ondes de Jawhara FM, ont aussi rendu hommage à la Tunisie, ainsi a-t-on pu entendre Racha Kandile, journaliste et présentatrice d’information à la chaine BBC,  considérant que la Tunisie est depuis toujours le « berceau de la démocratie ». Elle a indiqué dans ce sens que tous les journalistes du monde devaient suivre et couvrir cet important évènement, vu sa grande importance. « Ce qui est impressionnant c’est que la peuple tunisien a exprimé sa vision de la Tunisie à travers les urnes, sans qu’il y ait de violence », a-t-elle ajouté, signalant que le journal anglais «The Guardian » a vu dans les résultats des élections « une punition pour le courant des frères musulmans », les privant de la première position».
Taoufik Mjaied, journaliste et présentateur du journal en arabe de France 24, détaillant la vision française des élections législatives en Tunisie.

Il a souligné dans ce sens que « les Tunisiens ont voulu punir des partis politiques qui ont reflété une image différente de la Tunisie, par rapport aux attentes du peuple ».

Salam Zahran, directeur de Media Focal Center (Liban), indiquant que le Liban attendait avec impatience les résultats des législatives en Tunisie. Il a précisé par ailleurs que « la femme libanaise a toujours considéré la femme tunisienne comme un exemple à suivre. Le rédacteur en chef du journal algérien Al Fajr, Hadda Hazzem, révéle, que les mouvements islamistes en Algérie avaient accepté les résultats des élections tunisiennes avec une certaine apathie. Elle a signalé par ailleurs, que tous les journaux algériens ont considéré, ce mardi 28 octobre 2014, que la Tunisie a donné l’exemple et montré le chemin aux pays arabes, vers une réelle démocratie.

Les réactions des observateurs

La mission de la Francophonie salue la bonne tenue des élections législatives en Tunisie le 26 octobre 2014, qui confirme la rigueur et le professionnalisme des acteurs tunisiens impliqués dans le processus électoral, déjà observés par la Francophonie lors des premières élections démocratiques de 2011.

C’est en premier lieu au peuple tunisien lui-même que la mission de la Francophonie veut rendre un hommage appuyé. Aux électrices et électeurs, d’abord, qui ont participé à ces élections, manifestant par leur attitude citoyenne un sens élevé de la responsabilité et contribuant au calme et à la sérénité dans lesquels se sont tenus ces scrutins. Ensuite, aux représentants de la société civile, et en particulier aux observateurs nationaux, qui ont déployé un nombre important de délégués motivés et rigoureux, contribuant de manière décisive, individuellement et collectivement, à la transparence et à l’intégrité de ces élections.

Ces élections législatives, qui seront suivies par le scrutin présidentiel dans les prochaines semaines, marquent une étape majeure du processus de transition engagé depuis 2011 ; elles doivent permettre, suite à l’adoption de la Constitution du 26 janvier 2014, la mise en place de nouvelles institutions démocratiques pérennes, essentielles à l’enracinement d’une vie politique pluraliste et apaisée.

La mission de la Francophonie invite aujourd’hui tous les acteurs politiques à attendre, dans le calme, la proclamation des résultats. Elle appelle tous les candidats à recourir exclusivement aux voies légales prévues par les textes relatifs au contentieux électoral.

La mission de la Francophonie remercie les responsables de l’ISIE et de l’ensemble des centres et bureaux de votes pour la qualité de leur accueil et du dialogue qui s’est établi avec eux. De manière générale, les instances en charge de la gestion du processus électoral ont, malgré un calendrier extrêmement contraint, su garantir, pour l’essentiel, la mise en œuvre transparente et efficace du cadre électoral.

La délégation d’observateurs japonais présidée par S.E Monsieur Kazuyuki Nakane, vice ministre des Affaires étrangères a exprimé sa satisfaction d’avoir assisté aux élections en tant qu’observateur et a déclaré que durant sa mission, il a remarqué un bon déroulement  de scrutin.

 

L’association ATIDE relève des dysfonctionnements et des infractions

En effet, tout n’a pas été parfait durant les élections législatives, ainsi l’association ATIDE a publié un communiqué résumant l’ensemble des infractions et dysfonctionnements ayant eu lieu le jour du scrutin

« Dans un communiqué rendu public, lundi 27 octobre, l’Association tunisienne pour l’integrité et la démocratie des élections ATIDE a relevé plusieurs infractions et dysfonctionnements sur plusieurs niveaux :

– Au niveau de l’organisation du scrutin : retards d’ouverture de nombreux bureaux de vote (Cité Al Habib Medina AL Jadida , Cité Arriadh Sousse), liste d’électeurs non affichées dans 31 % pour bureaux, matériel électoral non disponible ou pas en adéquation avec la loi électorale : absence de tampons (Cité Arriadh Sousse) , utilisation de crayon noir (Ecole Aviation 1), registre des signatures rédigés à la main (Oued Zarga, Beja), manque de personnel dans plusieurs bureaux de vote, absence de l’encre marquant le geste électoral (Siliana, Kairouan, Ben Arous), plusieurs membres des bureaux de vote ne portent pas de badges…

– Au niveau de l’opération électorale : dans 6% des bureaux de vote, les urnes n’ont pas été ouvertes devant les observateurs pour leur montrer qu’elles étaient vides avant l’entrée des électeurs, l’emplacement de l’urne à côté d’une fenêtre (Douar Hicher), les bulletins de vote non comptés dans plusieurs bureaux de vote, non-conformité entre les registres de signatures et les listes électorales : dans certains cas, ceci était du à une erreur d’envoi  de registres (cas de l’école Bouhaira de Sijoumi), l’absence des noms de certains électeurs malgré qu’ils ont présenté un justificatif d’inscription, ce qui les a empêché de voter (Remada, Rue de l’Inde Lafayette Tunis, Marsa Ouest, Ezzahra, Chott Meriem), le bulletin de vote non tamponné sur les 4 coins (Marsa, Manar, Aouina, Ariana, Bizerte), ce qui pourrait générer l’annulation de ces bulletins de vote, l’accompagnement des illettrés dans l’isoloir malgré que la loi l’interdit, l’ajout de noms d’électeurs à la main sur les listes électorales (Siliana, Msaken) en leur permettant de voter , malgré l’absence d’une décision de l’ISIE à ce sujet, la photographie du bulletin de vote à l’aide d’un téléphone portable pour la montrer par la suite aux électeurs présents dans le centre de vote (Menzel Bouzayane, Sidi Bou Bouzid)

-Au niveau de la non neutralité et infiltration politique dans les bureaux de vote : les membres de plusieurs centres et bureaux de vote n’étaient pas neutres politiquement (Ettadhaman, Kasserine, Djerba, Ben Arous, Sidi Bouzid, Sousse). À Béja, la présidente d’un bureau de vote était elle-même candidate sur une liste. L’ATIDE a fait constater officiellement cette infraction par un huissier. L’ISIE l’a alors exclue du bureau de vote (à16h), des membres de bureaux de vote à Hammat Gabès ont influencé le choix des électeurs. Le président de l’IRIE Gabès a été alors invité pour constater l’infraction. Ce dernier s’est limité à avertir les concernés.

– Au niveau de la propagande électorale au sein des bureaux de vote qui a représenté un quart des infractions observées : exploitation des enfants dans des campagnes devant les centres de vote (Sijoumi, Mallassine, Ariana), distribution de listes à des personnes âgées (Kasserine), appel au vote pour une liste  (Le Kef), transport d’électeurs par le biais d’une voiture appartenant à une liste politique bien précise (Le Kef), inscription du numéro d’une liste sur les mains de certaines personnes agées (Menzel Bouzaienne), distribution du sigle d’un parti « candidat aux élections » aux personnes faisant la queue (Sidi Makhlouf)

Au niveau de l’achat des voix des électeurs : ceci a été observé dans plusieurs régions : Douar Hicher, Oued Elli, Kasserine, Zarzis, Sidi Bouzid. »

 

Hajer Ajroudi

 

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