Elire le meilleur ou le pire

Avec l’accès au pouvoir des nahdhaouis, lors de la noire décennie, le pire fut abattu sur le pays.
Aujourd’hui, l’enseignement légué par ce passé abhorré instruit les électeurs échaudés par le terrorisme parvenu au sommet de l’autorité.
De nos jours, deux atouts essentiels motivent les électeurs éventuels : le combat engagé contre la corruption et l’intégrité présidentielle. Interviewé le 20 août, Dhaou Akremi, pratiquant, émet cette appréciation : « Ghannouchi n’est pas croyant, il utilise la religion ».
Interviewé le 21 août, Nabil Dabboussi dit : « Farine, sucre, œufs, lait, café, beurre, huile, rien n’échappe aux accapareurs cachés derrière les pénuries. Les contrebandiers ne sont pas les seuls à pourchasser. Tous trichent, tous volent. Il faut un pouvoir fort pour sévir partout ». Outre leur allure irrégulière, ces pratiques frauduleuses laminent l’éthique sous-jacente à l’économie de marché. En effet, celle-ci, fondée sur l’offre et la demande, présuppose des agents sociaux initiés à l’arbitrage d’intérêts opposés. L’acheteur cherche à débourser la somme peu élevée, le vendeur espère le contraire.
Or, l’implosion des infractions dévoile un monde social malaisé à réguler. Ce procès où la jungle menace l’état civil outrepasse le domaine économique et englobe le champ politique.
Ainsi, les multiples postulants à la prochaine élection présidentielle donnent à voir une galerie de portraits où ne manquent ni les mouchards, ni les bavards, ni les roublards, ni les vantards, ni les revanchards.
Ces recalés pour la forme ou le fond de leur dossier pipé remettent en question la réglementation tout comme le contrebandier tend à réfuter la norme opposée à ses méfaits.
Dans ces conditions paradoxales où l’irrégulier tâche de contourner le codifié, une liberté de l’offre et de la demande économique ou politique ne serait guère à dégager, en tant que telle, mais il s’agirait, plutôt, de juguler l’atteinte portée à la citoyenneté. Celle-ci colporte une correspondance avec le sens de l’appartenance.
« Qui nous trompe n’est pas des nôtres », prescrit l’adage des hommes réunis. Jadis, lorsque Habib Ahriz, l’un de mes anciens élèves au lycée mixte de Bizerte, gérait les « Affaire politiques » au ministère de l’Intérieur, je lui exposai l’une de mes recherches menées sur la pêche illicite au Golfe de Gabès. Les tenants du chalutage irrégulier tâchaient de corrompre les contrôleurs intéressés. Indigné, Habib Ahriz me dit : « Que faire s’il faut placer un contrôleur derrière le contrôleur ?» Cette question, redoutable, n’a jamais cessé de me hanter. Que faire ? Comment répondre à l’interrogation ?
L’actuelle compétition pour l’élection présidentielle suggère une solution.
L’arrivée au sommet de la hiérarchie de l’incorruptible avéré rejaillit sur l’édifice collectif tout entier. Il n’est plus question de remonter les paliers de l’autorité avec l’assurance de croiser les complicités aptes à préserver l’impunité.
Juges et douaniers se voient conviés, jour et nuit, à troquer, sans tergiverser, l’ancien protégé contre des responsables maintenant incarcérés. Une fois neutralisés, Ghannouchi, Bouchlaka et compagnie ne parviennent plus à aider les contrevenants repérés. Hélas ! Comment franchir des frontières mieux surveillées ?
A l’aéroport et à Ras Jedir, le contrôle redouble d’acuité au vu des marchandises et des sommes, énormes, interceptées. Ce contrôle social a partie liée avec l’ambiant électoral. Détrôner les nahdhaouis et incarner l’intégrité définissent l’esquisse du profil difficile à devancer. En outre, les positions pro-palestiniennes adoptées à la barbe de l’hégémonie américaine attestent l’insoumission de la Tunisie souveraine.
Qui dit mieux ? Maintenant éveillé, le peuple sait comment voter. Pour le prévoir, l’investigation n’a besoin ni de mages, ni de sondages. Il suffit d’observer l’accueil réservé au Carthaginois partout où il va.
L’Avenue Bourguiba ou la campagne avec ses paysannes marginalisées reçoivent un rayon de soleil là où le chef de l’Etat marche à pied sans trop de garde rapprochée. Ennahdha aux abois et le farfelu Front du salut échouent à contrer la popularité du Président partout ovationné. « Ainsi prospère la bien rare symbiose établie entre le pouvoir politique et la puissance populaire».  dit Antonio Négri. g

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