Il n’existe dans le concert des nations qu’un trio consacré à l’oûd, le luth arabe : celui des frères Joubran de Nazareth, en Galilée, au nord d’Israël. En tout cas, eux n’ont pas connaissance de rivaux dans ce domaine. En l’absence de l’aîné, Samir, Wissam, 29 ans, et Adnan, 27 ans, s’expriment en français, car ils résident ici depuis plusieurs années.
Le père réalisait des oûds et fabriqua aussi un violon de ses mains, sans aucune aide. Mais il ne parvint pas à se perfectionner en Allemagne, comme il le souhaitait. Le fils réalisera le rêve de voyage du père : «Je suis allé étudier en Italie, à Crémone, et je pense être le premier Arabe diplômé en lutherie de l’Institut Stradivari.»
Avant le trio Joubran, il y eut le duo, découvert en 2002 aux Nuits atypiques de Langon, en Gironde. Par le biais de son label Daqui, le festival produit leur premier CD, Tamaas, qui éblouit les initiés. Adnan commence à travailler avec ses frères en 2003.
Le succès mondial du trio a placé sur le devant de la scène un instrument méconnu. «Dans la tradition arabe, l’oûd accompagne la voix, explique Wissam. Il joue en solo le taksim (introduction), soit cinq minutes pour une chanson d’une heure.» Le virtuose irakien Mounir Bachir fut le premier à proposer des récitals de luth d’Orient en solo, au début des années 70. Il est bien sûr une référence pour la fratrie de Nazareth, mais pas la seule : «Le Guitar Trio, soit John Mc Laughlin, Al Di Meola et Paco de Lucia, nous a beaucoup inspirés, avoue Adnan. Même si eux, jouent de trois guitares différentes, alors que nous avons le même instrument et la même accordature.» Son frère ajoute: «Nous retenons d’eux l’énergie et le modèle à suivre. Pourquoi l’oûd ne pourrait-il pas séduire comme l’a fait la guitare, dont il est l’ancêtre ? Ses possibilités sonores sont riches, et réunir trois sensibilités différentes, capables d’improviser, ouvre beaucoup d’horizons.»
Cela fait maintenant dix ans que les trois frères palestiniens Joubran (Samir, Wissam et Adnan) originaires de Nazareth, tournent dans le monde entier pour populariser leur culture. Fils d’un célèbre luthier, les trois frères sont joueurs d’oûd et leur musique où la virtuosité ne prend jamais le pas sur l’émotion est le plus beau des discours sans paroles.
Pour fêter le dixième anniversaire de leurs débuts discographiques, leur label leur a fait un joli cadeau : un coffret de cinq CD et d’un DVD bonus intitulés The First 10 Years. L’écrin est noir, sobre comme leur musique. Les onze photos en noir et blanc peuvent aussi servir de carte postale. On retrouve ici tels quels les cinq albums du trio : Randana, Majaz, À l’ombre des mots (où ils accompagnent le poète palestinien Mahmoud Darwish), Le dernier vol (avec le trio Chkrrr) et Asfar (avec la voix de Dhafer Youssef). Le DVD de 21 minutes est le “live” de trois titres du Trio Joubran qui n’a pas son pareil pour nous emporter vers un monde meilleur, qui transcende les frontières et la ligne du temps. À chacun, sur cette bande-son (qui a déjà servi des films comme Adieu Gary ou Le dernier vol), d’imaginer ses propres Contes des Mille et une Nuits.
F.B.
*Coffret CD : «The First 10 Years» (World Village).