En marge de l’Aïd el-Idhâa : Un gros mouton, c’est important

Du précepte religieux, au souci de perpétuer la tradition en passant par l’harcèlement des enfants qui veulent absolument un mouton pour le jour de l’Aïd, chacun a ses raisons que la raison n’ignore pas … le porte-monnaie non plus !

Qui a le plus gros ?

C’est dans un quartier populaire aux environs de Borj Louzir au milieu des maisons anarchiques, des travaux, du béton, des taudis et des poubelles que l’on peut entendre des moutons dans les cours … Dans la rue, au milieu de la piste, ce sont des garçons qui jouent au ballon et des filles qui regardent. Un seul sujet à la bouche de ces enfants, le mouton …

« Le mien a des cornes … », « papa l’a ramené hier » crient les enfants … « Le nôtre a des tâches marron et l’autre est tout blanc  » se vante Hichem … C’est au bout de cette piste, que l’on rencontre la mère de Hichem, vivant chez ses parents, divorcée et mère de deux enfants, qui se plaint de n’avoir pas assez d’argent pour acheter le reste des fournitures scolaires à son fils. Elle travaille dans une usine et sa mère Nabiha, est femme de ménage. Le père de famille travaille sur les chantiers et les deux frères sont chômeurs. Ils ont tous conjugué leurs efforts pour acheter deux moutons l’un à 700 dinars, l’autre à 600. « C’est important d’avoir un mouton, et pas un chat … Même par rapport aux voisins, il faut avoir un gros mouton … c’est important » répète sans cesse Nabiha.

Crédit mouton

Cette urgence, cet absolu, ces efforts pour acheter le mouton comme si notre vie en dépendait … Pourquoi ? Comment ?

« J’ai mis de l’’argent de côté depuis des mois, c’est comme ça, je ne conçois pas une année sans mouton »,  témoigne Nabiha.

« Oui, c’est nécessaire pour les enfants. Il faut qu’ils connaissent leurs traditions, et s’imprègnent de l’identité arabo-musulmane. »  nous confie un chauffeur de taxi qui a acheté un mouton à huit cents dinars. « J’ai acheté le mouton à huit cent dinars car c’est le prix cette année. Je n’ai pas trouvé un mouton qui répond aux critères religieux, qui soit moins cher…  Un mouton moyen … plutôt gros … un mouton de chez nous, c’est son prix. Ça fait trois mois que je m’efforce à laisser deux cents dinars de côté pour le mouton et avec ça, ma femme a dû se procurer encore 400 dinars de chez son père. 200 pour compléter la somme et acheter le mouton et 200 pour les courses, le persil, etc. » 

Le mouton en chiffre !

Selon les chiffres officiels, elles sont 900. 000 familles tunisiennes à sacrifier le mouton chaque année. D’après le ministère du Commerce, il y a sur le marché suffisamment de bêtes à sacrifier. Un million de bêtes sont disponibles sur le marché local. Si certains s’inquiètent de la forte présence de familles libyennes cette année, et bien, sachez que 6 000 moutons ont été importés. Des chiffres qui auraient dû faire baisser les prix et pourtant ! Le prix reste toujours aussi élevé… Le prix d’un mouton de taille moyenne est de 700 dinars environ.

Les agriculteurs dénoncent les spéculateurs qui, selon eux, sont responsables de la hausse des prix.

Quand on parle à l’un d’entre eux, il nous répond « Moi, je ne gagne que 20 dinars au plus dans cette affaire ! Comptez le prix du transport de ce mouton, de nourriture pour une semaine, d’une semaine à surveiller ces bêtes … C’est normal qu’on demande 100 à 150 dinars de plus … on ne va pas s’enrichir avec ça mais on essaie de vivre comme on peut !»

Si le prix du kilogramme avant l’abattage est estimé à seulement 10 dinars, rares sont ceux qui respectent ce prix… et vendent le mouton au poids !

Le président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche, (UTAP) Abdelmajid Zar, a dit que ceux qui prétendent que le mouton est vendu à 800 et 900 dinars ne font que répandre des rumeurs… Des « rumeurs » que la réalité des prix peine à démentir !

Yasmine Hajri

 

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