En marge du 111e anniversaire de la naissance de bourguiba, déconstruire le récit officiel

C'est à l’hôtel Monastir center que s’est tenu un colloque intitulé «Bourguiba, le retour ?». Cette manifestation scientifique était une façon de célébrer la date anniversaire du fondateur de l’État tunisien moderne.

Pour l’ancien ministre de l’Intérieur et compagnon de route, Tahar Belkodja,  Bourguiba, dont on a voulu dénaturer aussi bien le nom, la politique que le passé, revient en force maintenant. C’est le fondateur de la République qui a pour principe fondamental l’article 1 que Bourguiba a fait accepter en 1959 et qui a prévalu dans la Constitution de 2013 et la jeune génération doit préserver cet acquis. Il faut maintenant dépasser les politiques opportunistes disait-il. L’héritage de Bourguiba est un héritage patriotique. Selon Belkodja, Bourguiba doit être l’une des références pour la poursuite de la construction du cheminement de la Tunisie vers la modernité. 

Dans cette perspective, Ritha Chennoufi, philosophe, dans une interview à Réalités, indique que l’apport de Bourguiba est non seulement dans l’article 1 de la Constitution, mais aussi au niveau de la question de l’identité tunisienne qui s’est invitée dans le débat politique aussitôt après la fuite de Ben Ali. L’identité est donc pour lui une attente de la part des citoyens qui ont reçu un message clair de Bourguiba.

Un peu plus loin  Chennoufi, déclare que le retour au bourguibisme tel qu’il est n’est pas possible et qu’il faudrait s’approprier cet héritage de manière critique. Maintenant il s’agit de trouver à Bourguiba une ossature, dit-il, en mettant l’accent sur sa  tentative de produire une communication qui demeure toutefois brouillée par sa pratique autoritaire du pouvoir.

À y regarder de plus près, ce colloque veut déconstruire le récit officiel qui a pénétré la mémoire collective. Sur cette question, Habib Kazdaghli, doyen de la faculté de la Manouba, dans un entretien exclusif à Réalités, ne manque pas de dire que «la signification de ce colloque, c’est de mettre le doigt sur le fait que Bourguiba représente une solution tunisienne. Pour nous, Bourguiba est un monument immatériel. L’idée est de chercher dans ce patrimoine des éléments qui nous permettent de poursuivre le projet de construction de l’État moderne. Bourguiba a réussi et c’est le seul dans l’histoire contemporaine, à mettre en route une synthèse entre les exigences du progrès et les spécificités de la tradition tunisienne». C’est, sous cet angle, le seul réformateur en Tunisie qui a eu le temps d’appliquer ses idées, contrairement à Thâalbi ou même à Kheir-Eddine Bacha. L’expérience de Bourguiba, aux dires de Kazdaghli, permet au camp démocrate de gagner les prochaines échéances électorales face au projet islamiste, aussi modéré soit-il. «Notre colloque propose des idées qui permettent, en revenant à Bourguiba, de dépasser, voire de sortir enfin du joug des sociétés conservatrices que nous vivons depuis des siècles» martèle-t-il. L’idée de ce colloque c’est aussi de montrer que l’université peut sortir de ses lieux classiques pour aller réfléchir sur les problématiques auxquelles notre société est confrontée, insiste-t-il. 

Dans la même lignée, Hamadi Redissi affirme  qu’il y a un nouveau Bourguiba qui resurgit, le Bourguiba de l’allégeance à la patrie, éclairé, l’homme d’État, l’homme de l’ordre. Il n’en demeure pas moins qu’au parcours de Bourguiba il manquait le maillon de la démocratie. 

À l’encontre des défenseurs de Bourguiba, ses détracteurs le considèrent comme   bradeur de l’identité, coupable de tous les maux de la Tunisie indépendante. En ce sens, ces derniers mettent en avant son exercice autoritaire du pouvoir et la répression de toutes les oppositions et dissidences politiques et syndicales à son époque. Ainsi, selon cette frange qui représente une partie de la société tunisienne, Bourguiba n’a pas réussi, voire n’a pas voulu, instaurer un régime démocratique. 

En outre, il importe de signaler que la singularité de ce colloque, par rapport à la vaste littérature disponible sur Bourguiba est qu’il met l’accent sur ce personnage historique d’un point de vue communicationnel. Bourguiba, autrement dit, a été souvent perçu comme un stratège, un animal politique, un leader charismatique, un  fondateur de l’État etc., mais jamais en tant qu’homme gouvernant le pays par la communication. Ainsi, les journées du 2 et 3 août ont explicité davantage ce personnage en mettant en relief cinq postures permettant d’identifier le Bourguiba-communicateur.

Voir la suite :

2ème partie :Bourguiba, le journaliste et l’écrivain

3ème partie :Bourguiba, l’orateur et le pédagogue

4ème partie: Bourguiba, le chef d’État

5ème partie :Bourguiba, le père de la nation

 

Mohamed Ali Elhaou

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