Endettement des ménages : Comment le bien gérer ?

Le retard pris dans le déblocage des crédits aux particuliers proposés par les Caisses sociales (CNSS et CNRPS) a été expliqué par des responsables par la consultation de la Centrale d’information ou plus exactement le fichier des crédits aux particuliers afin de s’enquérir de la capacité financière du demandeur du prêt. Objectif : éviter les situations de surendettement. Eclairages.

Par Samy Chambeh

Le renouement des Caisses sociales avec la distribution de crédits à leurs affiliés (CNRPS – Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale et CNSS – Caisse nationale de sécurité sociale) annoncé il y a quelques mois a engendré une avalanche de demandes de prêt dont une grande partie a été acceptée. Mais la mise à disposition des fonds aux emprunteurs a pris du retard. Raison invoquée : la consultation de la Centrale d’informations domiciliée à la Banque centrale de Tunisie (BCT) et particulièrement le Fichier des crédits aux particuliers.
En fait, ce fichier recense les informations relatives aux crédits non professionnels ainsi qu’aux facilités de paiement octroyées aux ménages par les commerces et est mis à la disposition des établissements accordant des crédits non professionnels aux particuliers et qui peuvent être des banques, des sociétés de recouvrement, des Caisses de sécurité sociale ou des commerçants qui s’adonnent à la vente à tempérament ou par facilités de paiement.
Tous les organismes précités sont tenus d’alimenter ce fichier ou cette base par des déclarations concernant les nouveaux engagements ou bénéficiaires de crédits ou de facilités de paiement, tout en signalant chaque fois qu’un prêt ou un crédit est totalement remboursé.
L’importance de cette base ou de ce fichier, qui offre une radioscopie des engagements et de l’encours des crédits bancaires et des ventes à tempérament aux particuliers, est plus qu’évidente : consolider la confiance dans les affaires, garantir les transactions et éviter que les ménages ne sombrent dans les méandres du surendettement.
Ainsi, nombre de demandeurs de crédits bancaires ou de prêts auprès des Caisses sociales ou encore d’achats à crédit chez les grandes surfaces ou autres enseignes pourraient voir apposer une fin de non-recevoir. Ce refus est souvent mal compris par les intéressés qui chercheront à le contourner par nombre de moyens.
A commencer par le remboursement par anticipation du crédit bancaire en cours. Cette formule proposée par les agences bancaires permet aux usagers de banque de débloquer une situation financière souvent compromise, en disposant de quelques liquidités, mais en supportant en contrepartie un lourd tribut en matière d’agios, de commissions et autres frais à titre de nouveau prêt.
Ensuite, on pourrait évoquer une sorte de tontine financière qui consiste à ce que des employés de bureau ou des voisins ou encore des personnes ayant des liens de parenté s’engagent à verser une somme déterminée, chaque mois, dans une cagnotte qui sera attribuée à un membre et à tour de rôle.
Autres pistes pratiquées par des particuliers très endettés : brader des articles ménagers achetés par facilités de paiement auprès des grandes surfaces sur les marchés parallèles (Souk Moncef Bey par exemple) en vue de disposer de certaines liquidités pour financer leur mode de vie.
Enfin, il y a le recours ancestral à l’achat à crédit auprès des petits commerces (épicier du quartier, etc.).
A la lumière de la situation financière en termes d’engagement global ou de la somme des encours du ou des crédits et des facilités de paiement qui ont été accordés à l’intéressé et déclarés à la Centrale des crédits aux particuliers, la Banque ou la Caisse de sécurité sociale pourra arrêter le taux d’endettement (ou la part des revenus mensuels qui sera consacrée au remboursement du prêt) du demandeur de crédit ou sa capacité de remboursement.
Sachant que l’endettement des ménages peut porter sur des crédits à la consommation (équipements ménagers, véhicule automobile, etc.) ou prêt à l’habitat (construction, aménagement ou achat de terrain).
Mais voilà, des ménages peuvent être dans l’impossibilité de s’acquitter manifestement des tombées (exigibles ou à échoir) de leurs crédits ou de leurs dettes. On parle alors d’une situation de surendettement.
C’est d’ailleurs pour éviter d’en arriver là, que la règle, qui est peu respectée, édictant que le taux d’endettement du particulier ou du ménage demandeur de crédit ou de la facilité de paiement ne doit pas excéder 40% : en clair le montant des mensualités du crédit ne doit pas dépasser 40% du revenu du demandeur du crédit. Cette procédure, « pénalisante » aux yeux du demandeur du crédit, vise plutôt à le protéger des retombées dévastatrices du surendettement (dégradation des conditions de vie, stress, anxiété et détérioration de l’état de santé, spirale de précarité et de pauvreté).

Le surendettement, une fuite en avant !
Lorsque la personne surendettée est en panne de solutions après avoir tout tenté —renoncer à certaines dépenses, chercher à négocier une entente avec ses créanciers (rééchelonnement : modification des mensualités de remboursement en montant ou en délai en fonction du budget actuel)— et n’arrive pas à faire face à ses dettes ou est convaincue qu’elle ne pourra pas y faire face, elle devrait trouver un organisme médiateur qu’elle pourrait saisir pour l’aider à résoudre son problème de surendettement et enrayer les pressions psychologiques et financières.
Il importe, en effet, d’avoir en Tunisie une structure qui puisse résoudre à l’amiable les cas de surendettement afin de décongestionner nos tribunaux (qui croulent déjà sous le volume colossal des instructions en cours) d’une partie de telles affaires, tout en préservant la confiance qui reste un facteur de base dans le développement des transactions économiques.
En clair, cet organisme qui fera office de « médiateur de dettes », sera la planche de salut de cette frange, devenue pratiquement exclue du système bancaire et financier (à la lumière des extraits de la Base des crédits aux particuliers qui recense les engagements bancaires des usagers de banque) ou livrée à elle-même ou encore sous la menace de pratiques abusives du secteur financier informel, telles que le recours aux prêteurs sur gage ou à des intérêts d’enfer ou d’usure.
En s’inspirant des expériences sous d’autres cieux, telle la Commission de surendettement des particuliers, dépendant de l’Institut d’émission qui, lorsqu’elle est saisie par le particulier surendetté – après avoir constitué un dossier détaillant la texture de ses dettes et de ses créanciers – examinera sa requête et pourra, selon les cas, lui obtenir un rééchelonnement – étalement du remboursement, voire l’effacement d’une partie ou de la totalité de ses dettes.
Cette Commission, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et pour arrêter une situation financière aussi fidèle que possible du surendetté, pourrait auditionner l’initiateur du dossier de surendettement, sur sa demande, comme elle peut exiger tout complément d’informations ou document auprès des tiers (banques et établissements financiers, sociétés de recouvrement, Caisses de sécurité sociale, commerces s’adonnant à la vente par facilités de paiement, administrations publiques, Fichier des crédits aux particuliers, Fichier central des chèques impayés, ministère des Affaires sociales (pour diligenter une enquête sociale sur les conditions du débiteur), etc.
Reste que pour garantir l’efficacité du fichier ou de la base des crédits des particuliers, il faudrait que les déclarants veillent à la mise à jour régulière des données, non seulement en enregistrant les entrées mais surtout, en déclarant les remboursements et les mains levées en rapport avec les crédits échus ou remboursés. Enfin, si les banques soumises à la tutelle de la BCT consentent à alimenter ce fichier, il n’en est pas de même pour la plupart des commerces s’adonnant à la vente par facilité de paiement, ce qui ne permet pas d’arrêter avec précision l’ensemble des engagements financiers ni d’estimer au plus juste la capacité de remboursement du particulier demandeur du crédit ou de son taux d’endettement.

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