Le dialogue national qui a eu lieu récemment a porté sur les secteurs très sensibles et particulièrement vitaux pour la santé économique dans notre pays, mais aussi pour l’équilibre des finances publiques, qui sont l’énergie et les mines.
Il a réuni les responsables politiques et administratifs des deux secteurs ainsi que la société civile et les principaux partenaires sociaux qui se sont contentés de faire un diagnostic de la situation que l’on connaissait déjà, un état des lieux qui frise la catastrophe, agrémenté il faut dire par un inventaire des actions et des projets en cours. En fait, le dialogue n’a pas eu lieu car il aurait supposé la préparation et la présentation de programmes, de projets et d’actions à engager, avec des choix à faire entre différentes hypothèses et des objectifs à atteindre à court et à moyen termes.
Cela impliquait un véritable débat national sur les réformes structurelles à engager par le gouvernement, mais qui n’a pas eu lieu, dans la mesure où les partenaires sociaux devraient apporter leur caution et leur soutien, ce qui n’était pas assurément acquis dans l’état actuel des choses. D’où le communiqué rédigé et publié par le gouvernement à la hâte, dix jours après, pour essayer de sauver la mise.
Les annonces faites lors du dialogue national portent sur la sécurité énergétique, la rationalisation de la consommation électrique, ainsi que sur l’amélioration de la gouvernance du secteur.
Certaines actions et mesures annoncées méritent de faire l’objet d’incontournables réflexions et commentaires. C’est qu’avant de se fixer un objectif ambitieux d’auto-suffisance énergétique à moyen terme, le gouvernement devrait trouver des solutions efficaces pour maintenir en activité en Tunisie les compagnies étrangères qui détiennent des permis et qui sont tentées de partir, faire revenir celles qui sont parties et en attirer d’autres, car seul l’investissement extérieur sous ses diverses formes permet de développer la production énergétique.
En outre, cette mobilisation implique de renverser la vapeur en apportant des solutions efficaces aux obstacles qui ont provoqué la désaffection vis-à-vis du site Tunisie. Ce qui n’est pas encore le cas. En effet, trois facteurs majeurs ont découragé et désintéressé les grandes compagnies d’investir en Tunisie, que ce soit à titre d’exploration ou même d’exploitation des gisements découverts. D’abord, les suspicions de corruption et de fraude, notamment lors de la campagne récurrente de “winou el pétrole” qui a diabolisé aussi bien l’administration qui supervise le secteur que les compagnies étrangères qui opèrent.
Ensuite, la multiplicité des perturbations sociales et revendications salariales à répétition du personnel travaillant sur site, en plus des sit-in des chercheurs d’emplois qui ont empêché le déroulement normal de la production des puits de pétrole.
Enfin, les tracasseries administratives et les lenteurs procédurales avec les interventions de la Commission énergie de l’ARP avant approbation des permis.
Il s’agit entre autres initiatives urgentes et prioritaires de réviser le code des hydrocarbures afin d’en faire un instrument attractif pour les investisseurs extérieurs, notamment pour ce qui est des aspects relatifs à la fiscalité et aux modalités d’association avec l’ETAP dans la phase exploitation.Il y a lieu également de mettre au point des procédures relatives à la bonne gouvernance dans l’octroi des permis de prospection, introduire souplesse et célérité dans les formalités administratives, ainsi que l’approbation par l’ARP de l’octroi des permis. Le communiqué prévoit la réorganisation et le renforcement des moyens matériels et des ressources humaines de l’ETAP pour en faire une grande compagnie opérationnelle habilitée à réaliser elle-même l’exploitation des gisements d’hydrocarbures. Or, l’ETAP assume une responsabilité majeure actuellement. C’est un catalyseur vis-à-vis des investissements extérieurs dans le secteur des hydrocarbures, mais aussi un accompagnateur, un contrôleur et un partenaire. Nanti de pareils attributs, comment pourrait-il être demain un concurrent ? On ne peut, en effet, être juge et partie.
Le secteur est fortement capitalistique, il implique des investissements gigantesques dont nous sommes malencontreusement démunis ! Les mesures annoncées et destinées à alléger la lourde facture énergétique supportée par les plus déshérités, même si elles sont pertinentes, seront coûteuses pour le budget de l’Etat. En fait, ces mesures arborent une forte coloration électoraliste, vu les circonstances. Autrement, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de les prendre et de les annoncer quatre mois avant les échéances électorales ?
Rappelons qu’il s’agit de l’allocation d’une subvention de 50 millions de dinars aux ménages démunis pour les aider d’une part à payer une partie des factures STEG, impayées et d’autre part, augmenter de 50% la subvention destinée à l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures des maisons.
Le communiqué du gouvernement évoque quelques mesures disparates destinées à changer la “donne” dans le bassin minier de Gafsa telles que l’intégration de l’agriculture et de l’industrie dans la diversification de la base économique de la région. De même le transfert des laveries hors des zones résidentielles ou encore la réinjection d’une partie des revenus des phosphates dans le développement de la région.
Des hypothèses vagues sans études ni articulation, alors qu’il faudrait en fait un véritable plan de développement pour toute la région avec des objectifs concrets, des projets identifiés, des investissements précis, des financements acquis et un calendrier de réalisation. Cela implique un consensus avec tous les intéressés, ce qui n’est pas le cas. Cependant, il faudrait mettre à l’actif du gouvernement actuel les progrès rapides relatifs au dossier des énergies renouvelables qui a permis au bout de deux ans d’efforts de mettre le “train de l’énergie solaire” sur les rails avec le lancement de plusieurs projets photovoltaïques, que ce soit les projets publics promus par la STEG ou ceux financés par les investisseurs privés sous forme de concessions.
Le gouvernement n’a de solution efficace ni pour calmer la soif des revendications sociales et instaurer la paix sociale parmi la population, ni pour générer un climat de confiance parmi les acteurs économiques, favorable à la relance de l’investissement.
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