Ennahdha et la présidentielle: Les dessous d’un non-choix

 

 

Il y a quelques mois, le vice-président d’Ennahdha, Abdel Fateh Mourou, annonçait que le mouvement devait quitter le pouvoir. Quelque temps après, le gouvernement démissionnait au profit d’un gouvernement de technocrates et, trois ans après sa victoire écrasante de 2011, Ennahdha perdait sa première place. Avant les élections législatives, le mouvement a annoncé qu’il ne présenterait pas de candidat à la présidentielle, mais qu’il en soutiendrait un candidat consensuel. Aujourd’hui, il se décide pour la neutralité… Il est clair qu’Ennahdha a changé de stratégie, quelles  sont les dessous de ce non-choix ?

 

Le discours consensuel, après avoir dans un premier temps divisé les Tunisiens entre musulmans et ennemis de l’Islam, ou pour le moins laïcs, a été un changement radical dans la ligne de communication et des stratégies d’Ennahdha. Tout en élargissant la carte des éventuelles alliances en annonçant qu’il soutiendrait un candidat externe au mouvement, il s’est montré le seul grand parti en Tunisie à ne pas afficher d’ambition pour la présidentielle. Accusé depuis trois ans de vouloir transformer le « modèle de » société tunisien », Ennahdha s’est montré sous un autre jour durant sa campagne électorale avec la présence de femmes non voilées et de jeunes gens « branchés ».  Le discours identitaire et religieux est désormais remis au second plan au profit d’un discours qui se veut patriotique tunisien.

Ennahdha semble vouloir muer en parti civil à référence religieuse et s’intégrer davantage dans le paysage politique et social tunisien. 

L’ère du changement

Ainsi, après sa démission du gouvernement et la décision de ne pas présenter de candidat à la présidentielle, dont les raisons sont aussi dues à un environnement régional et mondial réfractaire à l’islamisme politique et au mécontentement populaire, Ennahdha a décidé de rester neutre dans la course aux présidentielles. Classé deuxième force politique par les urnes, Ennahdha, tout en sachant qu’il sera à l’aise dans l’opposition et conserve un poids important, laisse la porte ouverte à la participation à un gouvernement d’union nationale. Par ailleurs cette  neutralité affichée lui assure l’éventualité d’une négociation avec Nidaa Tounes dans les meilleures conditions. Se plaçant à égale distance de tous les candidats, la neutralité lui permet aussi de maintenir la porte ouverte à toute collaboration avec n’importe quel candidat accédant au pouvoir exécutif, même si certains assurent que la neutralité n’est en fait qu’une position officielle et qu’officieusement Ennahdha a incité ses électeurs à voter pour Moncef Marzouki. En effet, certains dirigeants de Nidaa Tounes se montrent non seulement méfiants envers la position d’Ennahdha, mais l’expliquent par sa récente fragilité politique. Ainsi Rafâa Ben Achour nous a précisé que «cette décision est l’expression du déchirement interne d’Ennahdha, de sa division et de son désarroi» et Lazhar Akermi de nous déclarer que «cette décision ne sert qu’Ennahdha.»

 

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Par Hajer Ajroudi

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