Enquête 2015 : quand l’INS manipule les données statistiques

L’INS a cru bon nous fournir une bonne nouvelle avant la fin de l’année 2016, en nous révélant le 30 décembre les résultats de l’enquête sur le budget, la consommation et le niveau de vie des tunisiens en 2015. L’intérêt de l’enquête en question provient de la diffusion pour la première fois, depuis 2010, de données qui se réfèrent au niveau de vie des tunisiens, à la structure de leurs dépenses et, particulièrement, à la pauvreté dans le pays.
Le couac, réside dans le fait que l’INS a cru bon nous faire avaler des couleuvres en nous présentant des données manipulées sur 2010 afin de montrer qu’au cours des six derniers années le taux de pauvreté au plan national a reculé significativement de pas moins de 5 points. Etonnant, lorsqu’on connait les problèmes que le pays a affronté durant cette période au cours de laquelle la croissance n’était pas au rendez-vous, l’investissement atone, les créations d’emploi très faibles et les conditions de vie des tunisiens notamment dans les régions intérieures n’ont fait que se détériorer. Étonnant, également au regard du changement des chiffres sans que les responsables de l’INS ne daignent présenter une explication convaincante qui permet de mieux comprendre les manipulations statistiques opérées. On parle de manipulation statistique, parce que, justement, avant la date du 30 décembre 2016, le taux officiel de pauvreté en Tunisie était estimé à 15,5%. Un taux qui figure bien dans la dernière enquête de l’INS sur la consommation et les conditions de vie des tunisiens (2010), dans les différents rapports internationaux (de la BAD, de la Banque Mondiale, des Nations Unies…) et dont le changement brusque interpelle à plus d’un titre.
Un taux qui figure en bonne place dans le projet du plan 2016-2020, qui prend 2010 comme année de référence et qui fixe les stratégies et les programmes pour contenir ce phénomène qui inquiète au plus au haut niveau de l’Etat et dont on n’arrive pas à lui trouver un remède miracle.

Crédibilité écorchée
Cela pose invariablement la lancinante question de la pertinence des données statistiques produites par l’INS dont tout le monde réclame la neutralité et l’indépendance pour qu’il s’acquitte de ses missions et de fournir aux décideurs, aux chercheurs et également aux tunisiens des données fiables, vérifiables qui peuvent être une base sérieuse pour élaborer des politiques, mener des études ou tirer des enseignements.
Si dans le cas d’espèce l’INS a changé de méthodologie dans la mesure de la pauvreté pour la deuxième fois consécutive, quelle crédibilité peut-on donner aux enquêtes précédentes de 2010, 2005 et 2000 ? Quel crédit peut-on accorder à des rapports publiés par des instances traitant la problématique de la pauvreté dans le pays et qui ont servi pour élaborer des stratégies et des programmes spécifiques pour contenir ce mal ?
Par quelle baguette magique, le taux de pauvreté de 2010 qui était estimé à 15,5%  a grimpé de cinq points pour devenir 20,5% ?  Quelle méthode dynamique d’actualisation des lignes de pauvreté pourrait-elle aboutir à ce genre de résultat ? De même quelle méthode statistique communément admise sur le plan international pourrait-elle déboucher sur un recul de 5 points du taux de la pauvreté entre 2010 et 2015, période où tout le monde consent du contraire.
Ce qui dérange le plus, c’est l’insouciance du ministère du développement, de l’investissement et de la coopération internationale, qui a donné le feu vert à la publication de données dont la qualité scientifique n’est pas au-dessus de tout soupçon.
Plus grave, à travers les médias, peu alertes et prenant les choses avec une éternelle légèreté, l’INS a voulu nous faire avaler une contre vérité en voulant démontrer que dans un pays en grave crise économique et sociale (tous les indicateurs sont disponibles) on a réussi à faire un saut spectaculaire en matière de recul de la pauvreté.

M.B.B

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