Entre local et universel

Des spectacles, de la danse, de la musique et des ateliers de formation sur l’art théâtral : la traditionnelle manifestation théâtrale «24 heures non-stop» s’est déroulée au Kef du 25 à 27 mars. Reportage.

Mardi25 mars, le festival démarrait avec un débat sur le thème «Le théâtre et le public» avec la participation de Mohamed Mediouni, Moncef Souissi, Sami Nasri et Sadek Mejni au Centre national des arts dramatiques et scéniques du Kef. Les participants annoncés, Taoufik Jebali et Nabil Mihoubet, n’étaient pas présents lors du débat. Le Centre national des arts dramatiques et scéniques était l’organisateur du festival pour cette 13e édition comme c’est le cas depuis sa création.

Selon Mohamed Mediouni, «la nature du théâtre est la présence réelle de l’acteur et du spectateur ici et maintenant». Mais comment définir un spectateur ? «On doit faire référence à la sociologie : l’acteur émet et le spectateur reçoit», explique-t-il. Selon Moncef Souissi, fondateur de la troupe régionale du théâtre du Kef «on ne peut pas parler du théâtre que lorsqu’il y a un public qui a choisi d’y assister», a-t-il précisé.

Avec une trentaine de pièces de théâtre et plus de 24 heures de spectacle, le festival «24 heures de théâtre» est toujours l’occasion de voir une grande variété de genres théâtraux en différents lieux de la ville du Kef et ses alentours. Pour la première fois depuis la Révolution, les pièces se sont déroulées non-stop pendant toute la nuit du mercredi 26 mars à 22 h jusqu’au jeudi 27 mars à 10 h 30. Malheureusement et à la différence des années précédentes, le festival de cette année ne présentait pas d’œuvres en avant-première. Certains acteurs du Kef craignent donc que le festival perde de sa valeur. Visiblement, il n’y avait pas beaucoup de spectateurs extérieurs au monde artistique. De plus, certains évènements sont venus déstabiliser le festival. En effet, mercredi soir le festival a été la cible de cocktails Molotov jetés dans le jardin du Centre national des arts dramatiques et scéniques du Kef. Personne n’a été blessé et le festival a pu se poursuivre. Les auteurs de l’attaque n’ont pas été appréhendés et nombreux ceux qui ont pensé à la piste extrémiste.

Un rituel qui s’enracine. Nonobstant ces circonstances, le festival a présenté des œuvres de qualité. Le spectacle chorégraphique et musical de Nawel Skandrani «Ila hadden mè…», «Eau Secours !», était sur scène le mardi soir. Avec une équipe de danse contemporaine internationale, Nawel Skandrani racontait  l’eau et les conflits concernant cette source de vie, notamment en Palestine.

La production du Centre, «El Nssour», (Les soldats de la lune) racontait l’histoire d’une famille vivant à Gafsa lorsque la ville était attaquée, dans les années 80,  par des groupes armées tunisiens venant de Libye, déclenchant une riposte armée. L’humour était bien présent  malgré  le caractère grave de la thématique. Le show Sufi «MBITET» («Les Hommes du Kef») a attiré beaucoup de spectateurs dans le complexe culturel jeudi soir. En parallèle, des gens dansaient dans le Centre national, sur la musique d’Abdrahman Chikhaoui, musicien et chanteur du patrimoine keffois.

Le programme avait également prévu des ateliers, comme «La mémoire du corps et le chant de l’absence», animés par des encadreurs italiens, Anna Dora et Nicola Piazola. Pendant cinq jours, ils ont travaillé avec une douzaine d’acteurs tunisiens sur la sensibilité du corps et de la voix et à l’improvisation sur scène.

Les productions de théâtre étaient aussi présentées dans plusieurs espaces autour du Centre, dont le complexe culturel Sahbi Mosrati, la maison de la culture de Jerissa, une prison ainsi qu’une maison de retraite. La manière dont les personnes âgées ont réagi aux  histoires et à la musique racontées et jouée par Jbebli Mondher, Basma Yousfi et Kamel Jbeli était particulièrement émouvante. Tous étaient attentifs, ils ont suivi le suspense, les visages empreints de fascination. Ils ont assisté au spectacle, absorbés par le récit.

Il n’est pas possible pour une seule personne de voir tous les spectacles au cours des 24 heures, car plusieurs se déroulent en même temps. «Mais c’est le principe, c’est notre spécificité. Tout festival a besoin d’une spécificité», note Imed Mediouni, directeur du festival. Les spectacles étrangers provenaient de France, d’Italie, de Libye et d’Égypte. Le collectif du Théâtre des Crescite, en France, a présenté la pièce «Mon Royaume pour un Cheval», qui associait les talents et les envies d’artistes engagés dans une dynamique de théâtre exigeant et politique, soucieux de réconcilier les intelligences.

Une équipe du Théâtre national présentait l’art du Cirque dans la médina et dans le jardin du Centre. Y avaient pris part des artistes, des clowns et un cracheur de feu. Le Centre des Arts dramatiques et scéniques a honoré des figures du monde du théâtre comme Mohamed Mediouni, Ali Khmin, Abdellatif Khainedine et Sadek Mejni.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, des spectateurs sont restés fidèles au poste jusqu’à trois heures du matin, malgré le froid. Ils ont pu assister, entre autres, à un travail artistique se situant entre la poésie et la musique, ainsi qu’à une production tunisienne « En Attendant Godot », d’après Beckett, proposée par Buffalo art Production ou encore à « Antigone »  d’après Sophocle, réalisé par Abdelkader Ben Said. Le lendemain, en présence d’enfants et de familles, le Centre avait organisé un grand spectacle de clôture en présence du ministre de la Culture, avec au programme de la musique et des intermèdes théâtraux.

Sarah Kanning

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