Entre pacte social et pacte d’investissement

Par Ridha Lahmar

 

Il a été question depuis des semaines d’élaborer et de conclure un pacte d’investissement d’un côté et un pacte social de l’autre. Le pacte d’investissement se passerait entre le gouvernement et le secteur privé, notamment l’UTICA, tandis que le pacte social serait à signer par les trois partenaires sociaux à savoir le gouvernement, l’UTICA et l’UGTT.

Cependant, malgré la multiplication des réunions de concertations entre les uns et les autres, on ne voit rien venir alors que le temps presse et que les mois qui nous séparent de la fin de l’année, échéance du gouvernement Mehdi Jomâa, sont comptés.

Il faut rappeler que la situation socioéconomique du pays est alarmante au plus haut point avec une loi de Finances complémentaire pour 2014 non encore prête, un budget de l’État auquel il manque 13 milliards de dinars de ressources, une inflation entre 5,5 et 6% par an, un chômage élevé et stationnaire et un taux de croissance lent du PIB de 2,6% en 2013. La marge de manœuvre du gouvernement est donc très étroite malgré la ferme volonté et même la détermination de sortir le pays de l’impasse dans laquelle il se trouve et les bonnes dispositions de soutien de la part de nos partenaires extérieurs.

C’est pourquoi il est fondamental dans cette conjoncture critique d’améliorer le climat de l’investissement pour redynamiser l’économie d’une part et apaiser le climat social d’autre part.

En tout état de cause, l’État doit assumer un rôle d’arbitre, de catalyseur et de régulateur.

L’idée de pacte d’investissement a germé dans les esprits, suite au dîner-débat du chef du gouvernement, entouré de certains ministres avec une vingtaine de patrons de groupes de société appartenant à l’UTICA. Sollicités par M. Mehdi Jomâa pour investir et s’investir dans la promotion et le financement de nouveaux projets économiques, notamment dans les régions défavorisées de l’intérieur du pays, les investisseurs privés soulèvent à juste titre plusieurs objections. Insécurité et terrorisme, perturbations sociales et salariales multiples, réticences des banques pour accorder des crédits, intransigeance de l’administration fiscale, manque d’incitations et qualité médiocre des infrastructures, ampleur sans précédent de la contrebande et du commerce parallèle, coût élevé de la logistique.

Les chefs d’entreprises ne sont pas opposés par principe à l’investissement et sont disposés à prendre des risques raisonnables et calculés, mais demandent en contrepartie au gouvernement d’assumer son rôle de régulateur du marché, d’assurer le respect de la loi et de la réglementation, d’empêcher les abus et demandent à ce que les conditions minimales de la concurrence loyale et saine soient garanties. Et de leur côté, les douanes et les services de contrôle doivent assumer leurs responsabilités et leurs devoirs.

La conclusion de ce pacte devient une urgence absolue, car c’est l’investissement privé qui engendre la création d’emplois, la promotion des exportations, l’impulsion de la valeur et celle de la croissance du PIB.

Alors que le pacte social a pour objet d’assurer la stabilité et la paix sociale, non seulement dans les entreprises, mais aussi dans les villes et dans les campagnes.

En effet, la multiplicité des mouvements sociaux a pour cause principale le chômage élevé notamment dans les régions défavorisées, mais aussi le taux élevé de l’inflation qui sévit dans le pays et qui a engendré la dégradation du niveau de vie et du pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes.

L’UGTT ne peut pas calmer ses troupes et apaiser leurs revendications salariales si le gouvernement n’arrive pas à s’engager sur la baisse du coût de la vie et sur le maintien de la compensation des denrées de base, nécessaires à la survie des catégories de la population à bas salaires.

De leur côté, les chefs d’entreprises ne peuvent créer des emplois massifs si les salariés provoquent des grèves sauvages et des sit-in à répétition, parfois pour des motifs marginaux.

Il y a lieu de constater que la compétitivité des entreprises économiques tunisiennes a beaucoup baissé depuis trois ans et que la productivité du travail a connu une régression sensible depuis le déclenchement de la Révolution.

Les salariés doivent de nouveau être porteurs de la valeur travail, une culture à pratiquer sans modération.

Le gouvernement de “compétences neutres” de Mehdi Jomâa doit comprendre que rien de positif ne peut se faire dans notre pays sans la motivation et la mobilisation des forces vives de l’administration, notamment les cadres supérieurs dans les ministères à Tunis et dans les sièges des gouvernorats.

Sinon comment justifier que les projets de développement restent dans les cartons et sur les étagères alors que les financements sont souvent disponibles et que le chômage bat son plein dans les régions défavorisées et que les infrastructures de base font défaut ? Plutôt que de conclure deux pactes il faudrait se mettre d’accord sur un seul pacte national qui ferait l’unanimité.

 

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