Entre Slim Chiboub et l’IVD : l’accord est-il légal ?

 

Alors que le torchon brûle entre le chargé du contentieux de l’Etat et l’Instance Vérité et Dignité, une nouvelle affaire vient mettre de l’huile sur le feu.
Il s’agit de l’accord d’arbitrage et de réconciliation conclu par l’Instance avec Slim Chiboub  dans lequel  le gendre de l’ancien président déchu, propose de transférer son argent gelé en Suisse, 11millions de dinars, à la trésorerie générale de l’Etat, plus précisément à la Caisse de dépôt et de consignation.
Selon l’IVD, cet accord a été conclu en coordination avec le pole judiciaire et financier mais sans une décision du Comité d’arbitrage et de réconciliation. Un comité qui n’existe plus mais qui a été remplacé par le chargé général du contentieux de L’Etat.

 « Un accord illégal »
Le hic c’est que cet accord a été conclu en l’absence du chargé du contentieux de l’Etat. C’est ce qu’affirme Mounir Chedli, conseiller auprès du chargé du contentieux de l’Etat.
Mounir Chedly affirme que des infractions à la loi ont été commises lors de la conclusion de cet accord tout en rappelant qu’en qualité de représentant de l’Etat, le chargé du contentieux avait assisté aux séances d’arbitrage entre l’IVD et Slim Chiboub dans l’attente de la décision l’autorisant à conclure la réconciliation.
Selon le code procédure en vigueur, le chargé du contentieux de l’Etat ne peut pas conclure une réconciliation quand le montant de cette dernière dépasse les 30.000 dinars. « Il est tenu de prendre l’avis de la commission des contentieux qui, malheureusement n’existe pas », précise Mounir Chedly.
Le conseiller ajoute que le code en vigueur ne permet aucun accord avec un demandeur d’arbitrage auprès de l’IVD, précisant que le recouvrement de l’argent gelé à l’étranger relève de la compétence du premier juge d’instruction prés le pole judiciaire et financier en coordination avec le chargé du contentieux de l’Etat et non pas de l’IVD.
Pour le conseiller,  « l’accord conclu et annoncé par l’instance est illégal » tout en appelant l’instance à « respecter la loi ».

« Un accord de principe »
Et c’est le vice-président de l’IVD qui viendra rappeler que Slim Chiboub avait présenté une demande en bonne et due forme en janvier 2016 en vue de bénéficier de la justice transitionnelle.
Plusieurs réunions secrètes ont eu lieu, selon lui, entre le principal intéressé et le chargé du contentieux de l’Etat. Khaled Krichi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, précise que l’accord conclu  avec Chiboub « n’est pas une réconciliation définitive » mais plutôt « un accord de principe » qui permettrait à Chiboub de bénéficier des mécanismes d’arbitrage et de réconciliation et aux deux parties signataires de prendre part à des audiences d’arbitrage qui seraient organisées dans trois mois au siège de l’IVD.

11millions de dinars… pour être libre !!
Pour Haykel Mekki, avocat de l’homme d’affaires concerné par cette affaire, le montant qu’il a été convenu de transférer des banques suisses à la Trésorerie générale de l’Etat tunisien est d’environ 11MD précisant que l’accord conclu entre Chiboub et l’IVD est un accord avec les institutions étatiques tunisiennes dont l’IVD.
« Cet accord est légal et a été conclu avec une instance qui a de larges prérogatives et en coordination avec le juge d’instruction du pole judiciaire qui a demandé au chargé général du contentieux de l’Etat de lui fournir le numéro du compte de la Trésorerie générale pour y transférer l’argent de Chiboub », a-t-il fait savoir.
L’avocat a déclaré que de grands efforts ont été menés auprès de la justice suisse par lui-même, le pole judiciaire et le ministère des domaines de l’Etat.
Haykel Mekki, adoptant la position de l’IVD, a précisé qu’il ne s’agissait pas d’un accord secret mais qu’il a été conclu en coordination avec toutes les parties concernées.
L’avocat a tenu à rappeler, pour conforter ses affirmations, que Slim Chiboub avait dès le premier jour de son emprisonnement, promis de rendre l’argent qu’il possédait à l’étranger et le juge d’instruction du pole judiciare et financier lui avait fait cette proposition  en contrepartie de la signature de sa demande de libération.

Ahmed Souab : une procédure formelle…
Contacté par Hakaek online, Ahmed Souab, ancien président du tribunal administratif, que la question du recouvrement des sommes volées à l’étranger relève en principe de la commission chargée de sa récupération et qui relevait de la banque centrale de Tunisie dissoute par une loi et remplacée par le chargé général du contentieux de l’Etat et personne d’autre.
Selon le juge, la conclusion d’un accord de réconciliation entre Slim Chiboub et l’IVD n’est qu’une procédure formelle qui comporte une anomalie, à savoir que le chargé du contentieux de l’Etat ne représente pas le ministère des domaines de l’Etat mais plutôt l’Etat lui-même.
Ahmed Souab s’est même interrogé sur les voies juridiques sur lesquelles l’IVD s’est appuyée pour annoncer que Chiboub va transférer son argent gelé en Suisse à la trésorerie de l’Etat sans la conclusion d’un accord.
Plus encore, le juge affirme qu’il y a un problème juridique dans la procédure de restitution des  fonds spoliés  sachant que les biens des symboles de l’ancien régime sont confisqués par des décisions protégées.
Plusieurs questions se posent et s’imposent.
L’IVD n’en fait-elle qu’à sa tête et fait-elle  fi de toutes les règles et même de ses propres prérogatives comme l’accusent certaines hautes instances juridiques ? Pourquoi l’instance n’arrête pas d’alimenter la scène avec des polémiques à n’en plus finir et des démentis en série.

Pourquoi, l’instance ne dit pas la vérité, toute la vérité, sur les véritables raisons des litiges qui divisent son bureau directeur ni sur les décisions de justice prises à son encontre, jusqu’ici non respectées, sans être « rappelé à l’ordre » ou démenti ?
S’agit-il d’une de querelles – intestines –  de positionnement au sein du bureau ou de dénonciation de mauvaises gestion ou de diktat de la présidente ?
Il est temps que l’IVD se penche sérieusement sur les 62.073 dossiers qui y ont été déposés et accomplir la mission dont elle a la charge, loin des coups d’éclat et des règlements de comptes dans le strict respect de la loi.

F.B

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