Entreprises publiques: Les réformes sont-elles possibles ?

La situation des entreprises publiques déjà difficile avant le 14 janvier 2011 n’a fait que se dégrader de façon sensible depuis quatre ans, faute de solutions courageuses et douloureuses à la fois pour assurer leur sauvetage.

Plus le temps passe et plus il sera impossible de les sauvegarder, compte tenu du coût exorbitant qui sera nécessaire mais que la collectivité nationale ne sera plus en mesure d’assumer.

En effet, l’impression qui se dégage de ce dossier, c’est que les problèmes sont connus par le gouvernement mais celui-ci n’ose pas mettre en place les réformes structurelles qui s’imposent, faute de consensus sur ces réformes du côté des syndicats des travailleurs d’une part, mais aussi du côté de l’Assemblée des Représentants du Peuple qui vote les lois.

D’abord, comment se présente le diagnostic ? Il faut tout d’abord reconnaître que le secteur public dans notre pays, malgré la vague déferlante des privatisations des années 90 et 2000 (entreprises industrielles et touristiques), reste important.

Notamment dans les secteurs stratégiques comme l’énergie et le transport, mais aussi les secteurs concurrentiels comme l’industrie et les services.

On compte plus de 95 entreprises publiques ayant une certaine envergure. Parmi lesquelles, les 28 entreprises les plus importantes accusent un défi de l’ordre de 3,5 milliards de dinars à fin 2014. L’emploi serait de l’ordre de 200.000 salariés

Les entreprises de transport totalisent à elles seules un déficit de 1,4 milliard de dinars. C’est dire combien la tâche est lourde sur le plan financier à lui seul pour redresser la barre. Ce déficit continue à se creuser au cours de l’année 2015.

Pour ce qui est des causes qui sont à l’origine de cette situation, il s’agit de défaillances en matière de gouvernance qui ont engendré des recrutements massifs, donc des sureffectifs coûteux, outre les erreurs en matière de décisions stratégiques, les laisser-faire et laisser-aller, liés au domaine de l’Etat.

Il faut dire que souvent l’Etat impose des tarifs bas, en dessous du prix de revient, ou encore maintient une sous-capitalisation de l’entreprise qui impacte ses équilibres financiers et engendre un surendettement bancaire qui se répercute de façon négative sur le bilan de l’entreprise.

A titre d’exemple, dans le secteur industriel, ce n’est un secret pour personne, que les sociétés El Fouladh (sidérurgie) la STIP (pneumatiques),la STIR (raffinerie de pétrole), la SNTC (cellulose) et la SOTUPALFA (papier), La CPG (phosphates) et le Groupe chimique connaissent des déficits. Dans le secteur du transport : TRANSTU, SNCFT, TUNISAIR et SNTRI, CTN également.

Il est inutile de citer des chiffres qui varient de 15 MD à 400 MD par entreprise, quels sont les choix possibles ?

Certaines faillites peuvent être prononcées avec bien sûr la fermeture et certainement beaucoup de dommages financiers et sociaux. Mais comment assurer la fonction publique qui incombe à l’Etat par la suite ?

Il y a aussi les replâtrages provisoires qui n’arrangent rien : des expédients qui coûtent cher mais « ne tiennent pas la route », c’est ce qui a été fait jusqu’ici.

Il y a une sorte de pudeur de la part du gouvernement pour envisager de véritables réformes, faire front face aux difficultés pour sauvegarder certains acquis sociaux mais aussi un patrimoine économique national.

Il y a une lenteur réelle dans la prise des décisions, ensuite il y a encore plus d’hésitations avant de les mettre en application. C’est le cas de la réforme des banques publiques pour lesquelles le « full audit » est prêt depuis plus d’un an, mais dans la pratique, les différentes solutions retenues tardent a être mises en pratique.

Les solutions envisagées pour sortir de l’impasse d’une façon globale portent sur les registres suivants, mais ne sont pas des recettes passe-partout, elles doivent être étudiées et appliquées sur mesure, en fonction de chaque entreprise.

Il s’agit du registre humain et social, du volet financier, du registre technique mais aussi du statut même de l’entreprise : publique, privée ou mixte ?

Il s’agit de mettre au point une stratégie à moyen terme dans le cadre du plan quinquennal de développement 2015-2020 après avoir mis en place un nouveau modèle de développement pour le pays, jouissant d’un large consensus entre les forces vives de la nation. Il y a d’abord des sureffectifs à licencier pour réajuster le niveau de la masse salariale avec les possibilités des entreprises. Certes avec un dédommagement adéquat.

Les syndicats se proposent de négocier de pied ferme pour préserver les droits des salariés, il faut dire que les recrutements massifs après le 14 janvier 2011 ont été faits de façon anarchique et injustifiée. Ensuite, un assainissement financier s’impose comportant un rééchelonnement des dettes avec les banques, conformément aux possibilités financières des entreprises en l’objet, pour que les échéances soient respectées.

L’Etat et les banques pourront prendre en charge une partie des dettes pour soulager un tant soit peu l’échéancier des entreprises. La recapitalisation par l’Etat est nécessaire mais elle a ses limites car le Budget de l’Etat est exigu et le déficit est flagrant. L’Etat doit injecter des fonds dans le capital pour certains secteurs stratégiques afin de rester majoritaire.

La privatisation partielle ou totale à travers la Bourse s’impose, si nous voulons changer la gouvernance des entreprises publiques pour une meilleure pertinence des décisions et la prise en compte de la rentabilité financière de l’entreprise.

La participation d’un partenaire stratégique est une nécessité dans certains cas spécifiques comme El Fouladh, la STIP ou encore la Cellulose. Cependant une majorité de députés ainsi que la Centrale syndicale s’y opposera de façon ferme et sur le principe même.

Alors comment faire même si l’Etat conserve la majorité du capital ?

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