Avant de faire une analyse du tissu économique tunisien, il importe d’avoir une meilleure appréciation sur l’environnement de l’entrepreneuriat en Tunisie et du climat des affaires.
Pour M Sadok Bejja, Directeur général de la promotion des PME au ministère de l’Industrie, « la vie d’un projet ou d’une entreprise ressemble à la vie d’un être humain ». Dans son processus vital l’homme comme l’entreprise passent par des événements et des situations qui pourraient changer le parcours de son existence. Il est important de comprendre cette similitude pour comprendre l’importance du parcours de l’entreprise. L’homme,par exemple,est amené à passer par des périodes de déficience de santé, il peut tomber malade et avoir un simple rhume par exemple. S’il ne se prend pas en charge et ne se soigne pas, ce petit rhume peut devenir une déficience respiratoire et même une pneumonie qui peut mener au décès.
Dans son cycle économique, l’entreprise connait le même cheminement, Pour réussir et parvenir à contourner les éventuels obstacles, la PME a besoin de deux fondamentaux pour sa pérennité et son évolution. Il s’agit des gestionnaires de la PME et de l’environnement dans lequel elle évolue. En même temps, deux partenaires importants doivent accompagner cette PME. Il s’agit des bailleurs de fonds et de l’Administration.Le bailleur de fonds, c’est un commerçant d’argent, quand il prête des fonds à l’entreprise, son objectif est la réalisation de gains. Résultat : si l’entreprise gagne, la banque gagne, le contraire est vrai pour les deux. En même temps, s’il coupe les vivres à l’entreprise celle-ci peut disparaitre. La nature des rapports entre ces deux partenaires est très interactive. Le partenariat gagnant-gagnant et la meilleure des relations qui peuvent se construire entre l’entreprise et le bailleur de fonds.
Le deuxième partenaire est l’Administration qui est responsable de l’environnement des affaires et du climat de l’investissement où cette entreprise opère. Son apport est très significatif pour l’entreprise que ce soit en matière d’infrastructure ou de législation. Cette dernière déterminera la nature du climat des affaires et la nature de la relation qu’aura cette PME avec ses semblables. Si les textes législatifs et les procédures administratives sont clairs, souples et transparents, la PME opérera ainsi dans un climat d’affaires favorable qui lui permettra d’évoluer et d’être plus compétitive sur le marché international. A cet effet, une entreprise prospère et pérenne produira de la richesse pour le pays, consolidera les efforts du gouvernement dans la création d’emplois et créera, en même temps, de la valeur ajoutée. Grace à ce concours, elle renflouera les caisses de l’Etat à travers la fiscalité et les impôts. Le jour où la relation de l’entreprise avec ces deux partenaires devient ambiguë, ou l’une des deux conditions font défaut, c’est la dérive. Cela montre que l’entreprise n’est pas un objet figé, mais une structure dynamique qui évolue, influence et peut être influencée.
Les difficultés que peuvent confronter les PME tunisiennes ?
La PME tunisienne est par essence une entreprise fragile. Trois raisons essentielles expliquent ce constat. La première, c’est que l’entreprise tunisienne est à la base surendettée. En effet, selon M. Bejja, la structure de financement de l’entreprise tunisienne est déséquilibrée dès le départ, c’est-à-dire, dès la création du projet. Cela trouve son explication dans la faiblesse de l’épargne nationale. D’ailleurs, le taux d’épargne ne dépasse pas les 16% du PIB. A quelques exceptions près, les familles tunisiennes,appartenant en majorité à la classe moyenne, n’épargnent plus. A l’évidence, la bonne volonté et les bonnes idées de projets existent mais ce qui fait cruellement défaut, c’est le financement. Au départ de tout projet, un autofinancement est requis, or la plupart de nos entrepreneurs ne trouvent pas assez de fonds propres pour lancer leurs projets, d’où le recours à l’endettement. S’il est considérable, il pèse lourd sur l’évolution de l’entreprise. La deuxième raison pour laquelle la PME tunisienne est fragile, est le modèle de développement dans lequel celle-ci évolue. Notre pays, dès son indépendance n’a pas misé sur des secteurs à forte valeur ajoutée. Une grande partie du tissu productif opère dans la sous-traitance qui a concouru à la création d’emplois mais il est resté le segment le moins rentable de l’économie.
La troisième raison qui a rendu notre PME fragile est le climat des affaires qui a longtemps lésé l’entreprise. Ce climat a beaucoup favorisé la corruption et l’abus de pouvoir de la part de l’Administration. Cela étant dit, M. Sadok Bejja affirme que malgré cela, l’entreprise tunisienne a réalisé des performances et ce jusqu’à fin 2008.
En 2009, la crise financière internationale a touché de plein fouet le marché européen et par ricochet les entreprises tunisiennes notamment dans les secteurs du tourisme, du textile et des composants automobiles. Fin 2010, quand l’entreprise commençait à reprendre son souffle, elle a été rattrapée par la Révolution. La PME tunisienne a donc subi d’autres effets collatéraux causés par les opérations de pillage, de perturbation du processus de production et des revendications sociales.
Le rôle de l’Administration
L’Administration tunisienne a continué à soutenir l’entreprise afin que ces difficultés conjoncturelles ne se transforment en difficultés structurelles. Elle a pris des mesures de soutien dont la prise en charge partielle ou totale des cotisations sociales, de consolidations des dettes et le report des payements des fiscs au titre de l’année 2011. Cela a permis de préserver les fondamentaux du tissu économique tunisien et éviter l’effondrement de notre économie. Même si environ 100 entreprises ont mis la clef sous le paillasson au cours de cette période, le nombre des entreprises étrangères implantées en Tunisie qui ont quitté le pays est resté dérisoire. L’année 2015 devrait être l’année de la relance et des réformes économiques. La PME tunisienne demeure fragile et n’arrive pas jusque-là à reprendre son rythme normal de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a mis en place un fonds de restructuration d’un montant de 100 millions de dinars pour les entreprises qui souffrent de difficultés conjoncturelles. Ce fonds est dédié aux entreprises notamment dans les régions qui peinent à reprendre leurs activités normalement.
Les mesures urgentes au profit des PME
Le gouvernement vient de mettre en place une batterie de mesures dont l’objectif est de venir en aide aux PME. Même si elles restent encore imprécises, elles consistent notamment à :
– Améliorer le rythme de l’investissement et l’encadrement des PME
– Entamer la concrétisation du programme de réformes financières des PME qui souffrent de difficultés financières conjoncturelles à travers l’intervention de la Caisse de consolidation des PME (50 PME sont concernées par cette mesure pour les 100 premiers jours)
– Exécuter un nouveau programme d’accélération de la création de PME. Près de 600 projets approuvés par l’agence de promotion de l’industrie dans 10 gouvernorats sont concernés.
– Créer une cellule nationale au niveau du ministère de l’Industrie de l’énergie et des mines pour l’encadrement de près de 300 PME dans le cadre d’un programme SOS PME.
– Consolider la compétitivité de l’entreprise et impulser l’innovation et le progrès technologique
– Accélérer l’octroi de subventions dans le cadre du programme de mise à niveau pour 120 entreprises et améliorer l’apport du programme de développement de la compétitivité et l’intégration des marchés
– Concrétiser 6 nouveaux programmes d’un coût de 30 millions de dinars. Ces programmes se proposent la création de deux Clusters.
– Consolider 4 technopôles : Sousse, Gabes, Bizerte, El Fejja de Monastir.
Réaliser le programme d’intégration du secteur du textile et habillement dans la chaine de valeur mondiale.
N.J