
De gauche à Droite, Leila Chettaoui, députée d’Al Horra, Mbarka Brahmi, député du Front Populaire, Sleh Bergaoui, député d’Al Horra, et Rabha Ben Hsine, députée d’Al Horra.
« Instaurer une coopération sécuritaire entre la Tunisie et la Syrie pour défendre la sécurité de la Tunisie », tel était le mot d’ordre de la conférence de presse de Machrou3 Tounes, organisée à Tunis ce lundi 14 août, par la délégation parlementaire qui s’est dernièrement rendue en Syrie et au Liban. La conférence devait apporter, selon le communiqué du parti, de nouveaux éléments d’informations sur les réseaux d’acheminement des jeunes vers la Syrie pour le Djihad. Mais finalement, de nombreuses interrogations orbitent encore autour de ce dossier. Les quatre députés présents, Leila Chettaoui, Rabha Ben Hassine, Slah Bergaoui (Al-Horra), et Mbaraka Brahmi (Front Populaire), ont fourni un compte rendu de leur déplacement, tout en revenant, notamment, sur la situation sur le terrain.
Des récits peu crédibles des prisonniers tunisiens
« Nous avons rencontré le président Bachar Al-Assad, le président du parlement syrien et le ministre des Affaires Étrangères, ainsi que le président de l’Assemblée libanaise et le vice-secrétaire général du Hezbollah », commence par souligner le député Slah Bergaoui, qui affirme que ces responsables ont souligné l’importance d’avoir de bonnes relations avec la Tunisie.
La délégation parlementaire a aussi rencontré 4 terroristes tunisiens – sur les 44 emprisonnés – selon le même député, mais aucun d’entre-eux n’a fourni d’éléments d’informations crédibles sur son arrivée sur le sol syrien. « L’un d’entre-eux affirme avoir tout assuré lui-même pour pouvoir voyager », raconte le député.
Il considère, d’autre part, que les conditions politiques sont réunies pour la reprise des relations diplomatiques avec la Syrie. « Il faut instaurer une coopération sécuritaire pour dévoiler la vérité sur les réseaux d’acheminement des jeunes vers les foyers de tension. Les responsables syriens ont eux-mêmes affirmé que s’il y avait des responsables tunisiens pour travailler avec eux, ils auraient obtenu de meilleurs résultats », explique encore Slah Bergaoui.
« Les départs de délégations parlementaires cesseront lorsque les relations entre les deux pays seront rétablies »
De son côté, la députée du FP, Mbarka Brahmi, déclare que plusieurs parties tunisiennes ont tenté d’entraver le déplacement de la délégation parlementaire en la diabolisant. « Notre visite était d’ordre éthique, compte tenu des violences subies par le peuple syrien depuis 7 ans », assure-t-elle.
Alep est en ruine, selon Mbarka Brahmi. « Que l’on dise ce que l’on veut de Bachar Al-Assad, il est parvenu à résister à la violence depuis 7 ans. L’État, l’armée et le peuple syrien ont résisté », déclare-t-elle. Elle évoque, par la suite, le dossier des 44 jeunes tunisiens emprisonnés en Syrie. « Le Chef de l’État tunisien a promis de se pencher sur le dossier suite à la première rencontre avec la délégation parlementaire de mars dernier. Or, dernièrement, Bachar Al-Assad assure qu’il n’y a eu aucune coopération sécuritaire entre les deux pays », souligne-t-elle, et de poursuivre : « nous n’avons pas parlé au nom de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), encore moins au nom du gouvernement. Personne ne nous a envoyé, hormis notre devoir national. Les départs de délégations parlementaires cesseront lorsque les relations entre les deux pays seront rétablies ».
Cette initiative parlementaire a suscité des interrogations de la part des journalistes qui l’ont qualifiée « de manque de confiance » dans les institutions de l’État – le ministère des Affaires Étrangères et la présidence de la République -. « Nous croyons en nos institutions et c’est pour cette raison que nous avons organisé le déplacement », réplique la députée Rabha Ben Hassine, qui ajoute que la situation en Syrie est, certes, grave, mais qu’elle s’est améliorée. « Nous ne voulons pas promouvoir tel ou tel gouvernement, mais défendre la sécurité de la Tunisie », renchérit-elle, soutenue par son collègue Slah Bergaoui.
Des terroristes en route vers le désert séparant le Mali de la Libye
Leila Chettaoui, pour sa part, a abordé la question sécuritaire avec un peu plus de détails. « Certains jeunes tunisiens, ayant tenté de rejoindre la Tunisie pour fuir la Syrie, ont été assassinés. Des groupes terroristes sont postés aux frontières séparant la Turquie de la Syrie pour guetter ces éléments. Ceux qui sont restés sont des extrémistes », explique-t-elle.
La députée poursuit en affirmant que le front Al-Nosra a été totalement vaincu, et c’est Daech qui a pris la relève à présent. « L’État syrien travaille sur une réconciliation avec les jeunes ayant choisi de se dresser contre lui avec les armes. Certains jeunes ont fini par rejoindre l’armée syrienne. D’autres informations affirment que des combattants de nationalités étrangères se dirigeront vers le désert entre la Libye et le Mali », ajoute Leila Chettaoui.
Acheminement des jeunes : « plus de 150 vols de Syphax Airlines »
Pour concrétiser la coopération tuniso-syrienne, la députée considère vital la création d’une commission mixte, composée de sécuritaires syriens et tunisiens. L’un des jeunes rencontrés par la délégation parlementaire déclare, selon Leila Chettaoui, qu’il était un berger qui ne disposait même pas de sa CIN. « En seulement trois semaines, tout a été réglé et il était parti en Syrie, et à l’aéroport, la voie était libre car on n’interrogeait personne sur les motifs du voyage. Un autre jeune avait été recruté par un extrémiste syrien qui avait sillonné les mosquées tunisiennes jusqu’à la fin de l’année 2013. Il avait fui le pays de crainte d’être démasqué », explique-t-elle encore.
De ce fait, selon la députée, une enquête administrative globale s’impose pour définir les responsabilités. Elle affirme aussi que plusieurs informations confirment que la compagnie Syphax Airlines a transporté plusieurs jeunes. « La compagnie doit fournir toutes les données sur tous les voyages organisés vers l’aéroport international de Sabiha-Gökçen – Turquie -, d’autant plus que les vols de retour étaient presque vides. Où sont passés les jeunes qui étaient à bord au départ ? », s’interroge-t-elle, précisant que dans chaque vol – plus de 150 au total-, près de 80 jeunes ne revenaient pas en Tunisie.