« Ephémère Festival » ou l’émergence du festival 2.0*

« Ephémère festival » se présente comme un festival cherchant à concilier musique électronique et happening.1 Un concept pour le moins déconcertant, alors bien évidemment la première surprise passée, il nous semblait intéressant de nous plonger dans ce festival se voulant différent : concept fumeux ou vraie innovation ?

Deux journées de musique électronique combinée à des prestations artistiques… on a vu pire comme programme. Hic, tout d’abord, il est à noter que le festival démarre avec un retard de deux heures : 18h au lieu de 16h. Point positif, les agents de la sécurité sont souriants et courtois… ce qui peut paraitre étonnant, voire déconcertant au tout début, vu qu’honnêtement nous sommes peu habitués en Tunisie à avoir un encadrement de cette qualité.

Exigence musicale

Pour utiliser la métaphore vinicole, on peut dire que le cru de ce « Ephémère » festival est une, première, bonne cuvée. Comme vous le lirez un peu partout, ce festival a livré beaucoup de musique, des sets de haute volée, les prestations de Dixon, Sonja Moonear et Tale of us survolant cette line up remarquable. Côté Tunisiens, Aly Mrabet et Zinga sortent du lot.

Mais nous avons surtout voulu nous pencher sur l’autre versant du « Ephémère festival » : ceux qui sont moins sous les lumières, les artistes qui participent à la caution culture du festival, et les bénévoles qui s’agitent avec passion dans les coulisses pour que nous puissions profiter d’une ambiance bon enfant.

Pour illustrer notre propos sur la programmation artistique du festival, nous sommes allés à la rencontre de Wafa Ben Romdhane alias WAF et Houwaida Hedfi pour leur projection vidéo/Arts visuels « Les Fleurs du mal ». La première s’occupe des images, la deuxième du son. Bien évidemment, le renvoi au recueil de Charles Baudelaire est évident, nous avons pu profiter de quelques minutes de répit pour nous poser et discuter avec elles de leur présence au « Ephémère festival » : synthèse de l’interview.

Wafa Ben Romdhane a été inspirée par de nombreux artistes vidéos, à l’instar de Bill viola. Après avoir obtenu un diplôme de l’école des Beaux Arts de Tunis, elle démarre sa carrière dans le journalisme en assurant notamment le mapping. Elle a par la suite collaboré avec le label bruxellois Antivij spécialisé dans les arts visuels… C’est à Barcelone que des amis lui parlent du « Ephémère festival », Wafa suit son instinct et offre ses services à la direction du festival qui lui a donné carte blanche pour sa réalisation mêlant effets visuels hypnotisant et vers magnifiquement  oppressants du poète maudit.

A peine le temps de finir son sandwich, Houwaida nous rejoint, c’est elle qui assure l’accompagnement sonore de la projection. Adepte des percussions/Batteries, elle insiste sur le fait que la vidéo inspire la musique et non l’inverse. « J’aime surtout utiliser mes propres sons que j’enregistre, mixe et réutilise par la suite ! »

Wafa la regarde, sourit et se demande s’ils arriveront, suite à un problème technique, à projeter leur vidéo… rassurez-vous elles y arriveront.

Et  le bénévolat dans tout ça ?

Bénévole venant du Maroc, rencontrée dans les couloirs de l’hôtel La Playa, Yasmine Cherradi est donc marocaine. Bénévole parmi les bénévoles, elle m’explique avoir contacté Ahmed Loubiri, l’un des organisateurs du « Ephémère festival ». 

C’est d’ailleurs ce que l’on remarque tout de suite lorsque l’on entre à la Playa. Loin de l’ambiance guindée, blasée et souvent, soporifique de certains sets de DJ durant la saison estivale… l’ambiance est détendue, bon enfant… Les bénévoles présents, des jeunes souriants et motivés y sont, sans doute pour beaucoup.

Quand elle a contacté Ahmed, Yasmine a voulu voir, observer et, pourquoi pas, s’inspirer de l’expérience tunisienne de ce festival. Pour elle, « Ephémère » est une occasion d’apprendre les rouages du métier, de rencontrer des gens, d’enrichir son réseau et de s’amuser aussi, elle qui rêve de se lancer dans l’évènementiel après avoir fait des études en ingénierie informatique. Quand je lui demande si le Maroc dispose d’une politique culturelle efficiente, elle me répond que les investisseurs préfèrent les terrains agricoles, l’industrie, les hôtels… comme en Tunisie donc.

Ce dont rêve Yasmine c’est de créer une sorte de Tomorrowland2 maghrébin… « En Tunisie, j’ai vraiment le sentiment que vous êtes davantage ouvert aux nouveautés musicales, plus curieux… ». Elle évoque alors l’échec d’évènements similaires organisés au Maroc, par manque de moyens, d’encouragements, de volonté…

A titre d’exemple, Yasmine explique qu’elle avait tout fait pour pouvoir proposer des packagings pour les Marocains avec avion/hôtel/billets… mais à deux semaines de l’évènement, elle n’avait encore rien reçu. Pourtant, selon elle, le tourisme culturel est le meilleur moyen d’attirer davantage de touristes et de les sortir des clubs disséminés sur les côtes. Et puis, elle reste convaincue que ce tourisme pourrait faire travailler tant de jeunes dans des régions reculées mais dotées de paysages à couper le souffle notamment dans la zone d’Agadir.

En voyant le succès des deux journées d’ « Ephémère », elle aimerait, avant un éventuel Tomorrowland maghrébin, exporter le concept au Maroc.

En guise de bilan

Bien évidemment, la piste de danse principale de même que le(s)bar(s) étaient les endroits les plus « visités » par les festivaliers. Et alors ?

Ce périlleux mais néanmoins excitant mélange entre art et musique prendra du temps et plusieurs sessions pour parvenir à une parfaite alchimie. Sans doute, faudrait-il concevoir davantage de happening participatif mettant le festivalier au cœur d’un processus créatif en gestation.

Une sorte plénitude visuelle, sonore et sensorielle… telle semble être la voie que souhaite atteindre l’« Ephémère » qui, on l’espère, n’aura d’Ephémère que le nom…

 

Farouk Bahri

*« Ephémère festival » les 12/13 août de 16h à 4h du matin.

Notes

1- Forme de spectacle qui suppose la participation des spectateurs et qui cherche à faire atteindre à ceux-ci un moment d’entière liberté et de création artistique spontanée.

2- Le plus important festival annuel de musique électronique au mois de juillet en Belgique.

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