«L’Appel de Tunisie» Une lueur d’espoir enfin ?


S’il y a quelqu’un qui a profité de la situation alarmante de la semaine dernière, c’est bien, Béji Caid Essebsi dont l’annonce de son parti, samedi 16 juin, arrivait à pic pour redonner espoir à une large partie de la population, terrorisée par le péril salafiste.

Un palais des congrès plein comme un œuf, un dispositif extraordinaire de sécurité à l’entrée et des gens venus de tout bord, soutenir «Si El Béji».

Ceux qui n’ont pas pu accéder à la salle, sont restés quand même dans le hall et à l’extérieur et on essayé de suivre le discours sur écran géant.

 

L’allure d’un sauveur de la nation

Attente, enthousiasme et une vibration extraordinaire se sentaient dans l’air. La tension monte et arrive à son comble quand Caid Essebsi  fait son apparition. On le clame, on applaudi. Certains ont même les larmes aux yeux. Ce bonhomme prend l’allure d’un sauveur de la Nation, le gardien du temple du projet moderniste. Bref : l’incarnation vivante de Bourguiba qui était dans les esprits à ce moment-là.

Humble et égal à lui même, il commence son discours en rappelant les évènements désolants que venait de vivre la Tunisie et leur implication sur l’économie du pays. Puis, il accuse le gouvernement de vouloir manipuler le peuple, en jouant sur la fibre sensible de «l’atteinte au sacré». Il le critique aussi sur sa gestion générale de la deuxième phase transitionnelle en considérant que la Troika s’est installée dans un régime parlementaire normal, oubliant les spécificités de la situation. Résultat : elle n’arrêtait pas d’accumuler les erreurs : le partage des portefeuilles ministériels sur une base partisane, la déviation de l’attention de la Constituante vers d’autres centres d’intérêt, les nominations partisanes dans les administrations et les tentatives de mettre la main sur les médias, la justice et l’UGTT. Béji est arrivé finalement à la conclusion qu’il y a aujourd’hui une crise de confiance dans ce gouvernement, ce qui a empêché de trouver des solutions à la situation de crise. 

 

Légitimité électorale /légitimité consensuelle

Mais le point culminant sur lequel il a beaucoup insisté, c’est la fin de la légitimité électorale de la Constituante, le 23 octobre prochain. Après cette date, la légitimité sera alors consensuelle. Une annonce qui a été reçue avec beaucoup d’agressivité de la part de Mustapha Ben Jâafar, président de la Constituante, qui avait pourtant fixé la même date pour la fin de la rédaction de la Constitution. Ce dernier a estimé que la déclaration de Béji «est dangereuse et elle menace la sécurité du pays», en soulignant que «l’opposition exploite à chaque fois, les difficultés du gouvernement pour proposer un gouvernement de salut national».

En posant la question de la légitimité, Essebsi a attiré l’attention sur un problème procédural. Si l’on considère le décret-loi n°35 du 10 mai 2011 relatif à l’élection d’une Assemblée constituante dont la durée est fixée à une année, et si l’on y ajoute, le document d’engagement moral, signé  le 15-9-2011 par onze partis dont deux de la Troika qui limite le temps d‘activité de la Constituante à une année, l’annonce de Béji trouve donc toute sa justification.

Ce rappel à l’ordre est loin de plaire au gouvernement qui y voit une tentative de lui couper l’herbe sous le pied. C’est ce qui explique la riposte violente de certains responsables de la Troika. Ils organisent déjà la contre attaque. Leur argument favorable est que ce parti baptisé «l’Appel de Tunisie» est formé par des ex-Rcidistes contre-révolutionnaires. Un argument qu’ils comptent exploiter pour faire passer un projet de loi, à la Constituante, interdisant de vie politique les ex responsables du RCD durant toute la  période Ben Ali. Le message est clair : il vise Caid Essebssi en personne qui jusqu’en 2001 était membre du bureau politique du RCD.

 

La Troika a raison d’avoir peur

Une chose est sûre, c’est qu’Ennadha et ses deux alliés sentent vraiment le danger de ce parti qui se veut «populaire, démocratique et ouvert à tous les Tunisiens». Ce qui augmente encore leur peur, c’est l’appui implicite de l’UGTT au projet. Nous l’avons vu dans l’initiative lancée par Houcine Abbassi, Secrétaire général de la Centrale syndicale, qui va pratiquement dans le même sens que celle de Béji, à savoir insister sur le caractère civil de l’Etat, la préservation des acquis de la modernité et la nécessité d’ouvrir un dialogue national. L’existance d’une personnalité comme Taieb Baccouche, ancien syndicaliste et pièce maîtresse de l’Appel de Tunisie, ne peut que renforcer le lien entre le parti d’Essebsi et l’UGTT. 

On ne sait pas encore quelle est la stratégie de ce nouveau-né politique, mais Baccouche avait déclaré lors de la conférence de presse de samedi 16 juin, que le parti fera pression sur le gouvernement pour adopter un agenda clair pour les prochaines élections.

Peut-on déjà parler d’un début de rééquilibre de la scène politique ?

Il est peut-être tôt d’y répondre. Mais l’espoir renait.

Hanène Zbiss

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