C’est un Habib Essid mûri et plus combatif que de coutume que nous avons remarqué mercredi soir sur la chaîne TV privée Attessia. Une entrevue attendue, aux allures d’une « revanche » à prendre et d’un discours d’adieu . Le Chef du gouvernement a été interrogé sur les sujets brûlants de l’actualité , mais ce que l’on peut retenir, entre-autres, c’est l’esprit patriotique de l’homme.
Une communication soignée
Ce qui sautait aux yeux, c’était la posture de Habib Essid. Très critiqué sur son manque de maîtrise de la communication, le Chef du gouvernement semble avoir bien préparé son interview avec ses conseillers. Un point positif, qui intervient tout de même un peu tard, sachant qu’il s’apprête à quitter le pouvoir.
Relation avec le Président de la République
Nombreuses étaient les questions qui ont été posées à Habib Essid au sujet de ses relations avec le Président de la République, ainsi que les liens avec les partis politiques. Malgré les apparences et la diplomatie du discours, Habib Essid n’a pas manqué de tacler, indirectement, ceux qui ont souhaité lui faire la peau, en particulier le Président de la République lui-même. Le Chef du gouvernement a critiqué, toujours avec diplomatie, la rapidité avec laquelle l’initiative de la formation d’un gouvernement d’union nationale a été faite.
Même s’il assure qu’il entretient de bonnes relations avecBeji Caïd Essebsi, Habib Essid a usé de ses prérogatives constitutionnelles pour contre-attaquer l’initiative du Chef de l’État. Le refus de démissionner et le passage par l’ARP en sont la preuve tangible. « Non, il ne s’agit pas d’une manière de s’accrocher au pouvoir« , avait-il assuré. Essid est resté fidèle à l’image d’un homme intègre et entièrement investi au service de l’État. Le refus de démissionner et le passage par l’ARP constituent un message fort adressé à ses prédateurs, leur rappelant que la loi est au-dessus de tout, et que malgré les magouilles et les entourloupettes politiques, il tiendra bon jusqu’à son départ définitif du Palais de la Kasbah.
Le patriotisme du Chef du gouvernement était manifeste, c’est indiscutable. Malgré ces points positifs, le tunisien est resté sur sa faim sur les sujets qui le tiennent le plus à cœur, à savoir l’économie du pays et la sécurité. Certes, Habib Essid, a tenu à rassurer mais il n’a rien apporté de nouveau par rapport à ce qui a d’ores et déjà été dit.
Quoiqu’il en soit, Habib Essid aura prouvé – ou voulu le faire – qu’il était parmi les responsables politiques les moins mauvais et les plus intègres que le pays ait connu depuis le fin du régime de Ben Ali le 14 janvier 2011. Reste, désormais, à savoir qui lui succédera. Les bruits des couloirs évoquent plusieurs noms, dont des ministres de l’actuel gouvernement. Certains souhaitent le retour d’un Chef du gouvernement issu d’un parti politique. D’autres, optent encore pour un technocrate. Les premiers diront qu’il est important pour un Chef de gouvernement d’être appuyé par son parti politique pour pouvoir faire des choix décisifs pour le pays. Les second, quant à eux, s’accrochent, bec et ongles, à l’apolitisme du premier chef de l’exécutif, pour que ce dernier puisse travailler indépendamment de son appartenance politique, sans qu’il ait à faire à des pressions comme ce fut le cas pour Habib Essid depuis sa nomination en 2015…
Mohamed Fakhreddine Khlissa