Est-ce possible ?

Elu président de la République par l’Assemblée nationale constituante (ANC), Moncef Marzouki pourrait-il être destitué par ladite institution ? La question n’est plus de l’ordre du théorique. Une motion de destitution, signée par 77  députés, a été déposée au bureau de la présidence de l’ANC. Et ceci suscite de nombreuses interrogations… Analyse.

 

Dans les régimes démocratiques, la séparation des pouvoirs s’accompagne d’un équilibre des pouvoirs. Cette neutralisation réciproque écarte toute velléité de suprématie de l’un sur les autres. «Le projet de motion est un apprentissage de la démocratie. Certains élus la justifient par des éléments valables fondés sur la considération de l’intérêt général. D’un autre côté, pour la première fois dans le monde arabe, un président est appelé à répondre à des questions devant le Parlement. A vrai dire, nous ignorons à ce jour si le Président assistera à la plénière ou pas. Nous n’avons rien décidé puisque nous n’avons pas encore reçu les documents (NDLR/le rapport de l’ANC)», nous a affirmé Ahmed Ouerfelli, le conseiller auprès de la présidence. Avant de poursuivre : « il faut trouver les textes au terme desquels le Président  doit assister à la plénière. Toutefois, dans tous les cas, cela ne va pas changer la donne juridiquement». Cette motion est l’un des fondements de la démocratie. Plusieurs membres de l’ANC l’ont signée, conformément à l’esprit de l’article 13 de l’Organisation  provisoire  des pouvoirs publics (OPPP) relatif au retrait de la confiance au président  de la  République provisoire et sa destitution.

 

Reporter c’est «trainer»

«A mon avis, un élément mérite d’être soulevé. Nous avons entendu des  réactions de l’entourage institutionnel du président de la République laissant entendre que si jamais cette séance ait lieu, lui-même ne s’y présenterait pas et que l’un de ses conseillers ou collaborateurs répondraient aux questions. Je ne suis pas sûr que ce soit l’esprit du texte ni de la procédure. D’autre part, pourquoi cela prend tout ce temps ? Nous ne sommes pas avancés car les procédures ne se déroulent pas d’une manière intelligible», nous a affirmé le professeur Ghazi Ghrairi. Alors que le 6 juin devaient être examinées la loi sur l’immunisation de la révolution et la motion de destitution de Marzouki, le bureau de l’ANC a décidé le même jour de reporter l’examen de la motion (de destitution du président de la République) à une date non encore fixée. Et le casse-tête est réel… Pour la présidence, le «problème» est de ne pas avoir reçu des documents de la part de l’ANC. Selon l’institution du Bardo, la fixation de la date est liée à la réponse de la Présidence. 

 Un suffrage flou

Le flou voire le vide juridique plane. Moncef Marzouki a été élu, le 12 décembre 2011, président de la République par les membres  de  l’ANC avec une majorité de 153 voix (sur 217). Ses prérogatives présidentielles demeurent restreintes au sein de la Troïka. «Le suffrage adopté n’est ni direct ni indirect», nous a précisé le juriste Kais Said. Il existe une différence entre le suffrage universel direct et le suffrage universel indirect. Dans le premier cas, l’électeur donne sa voix «directement» à un candidat alors que dans le deuxième cas, l’électeur choisit «ce qu’on appelle un grand électeur» qui à son tour vote pour un candidat (comme c’est le cas aux États-Unis). De fait, le mandat est qualifié d’interactif, ce qui n’est pas le cas en Tunisie ; les pouvoirs du Président ayant fortement été limités.

 

Les raisons de la colère

Plusieurs motifs, parmi lesquels  la critique de l’opposition par le Président à l’étranger, ont encouragé les députés à signer cette demande.  «Cette procédure repose en fait sur une contestation d’opportunité politique menée par un groupe de députés d’opposition à la suite des déclarations faites par le président de la République à deux reprises à l’étranger à l’endroit de l’opposition. Cette procédure a pris beaucoup de temps. Elle s’est probablement enlisée pour des incertitudes juridiques. Cela s’explique par  la qualité juridique des dispositions d’une part de l’OPPP et d’autre part du règlement intérieur de l’Assemblée», nous a affirmé Ghazi Ghrairi. Déposée le 16 avril 2013 au bureau de l’ANC après avoir atteint le quorum de 77 signatures, la motion de destitution a été adressée au Président Marzouki. Deux députés, Hosni Badri et Chokri Arfaoui se sont désistés par la suite. «Les membres qui ont signé cette motion ont considéré que la confiance est en jeu. Mais si le pourquoi est clair, le comment n’a pas été prévu par le règlement intérieur. La procédure n’est pas claire, c’est pour cette raison que l’assemblée plénière n’a pas encore eu lieu», a conclu Kais Saïd.

 

Chaïmae Bouazzaoui

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