Le début de la semaine écoulée a été marqué par l’annonce des visites effectuées la veille et l’avant-veille, auprès du Président Bouteflika, par les chefs des partis Ennahdha et Nidaa Tounes. Si la visite de Rached Ghannouchi en Algérie s’explique par sa participation au 5e Congrès du parti Ennahdha algérien, celle de Béji Caïed Essebsi paraît plus étonnante. A-t-il voulu savoir sur quoi a porté la rencontre de la veille ? Cela paraît peu diplomatique et à la limite, un peu déplacé… Ou a-t-il été appelé par Bouteflika, désireux de se faire une idée plus précise de la situation sécuritaire en Tunisie en écoutant deux “sons de cloche” qui peuvent différer ? C’est ce que je préfèrerais croire… En tout cas, ces visites si rapprochées font parler les milieux politiques tunisiens et certains quotidiens locaux n’hésitent pas à y soupçonner “une manœuvre dilatoire par des arrangements sous la table” entre ceux qu’ils baptisent “les deux cheikhs.”
En attendant, le dialogue national (DN) s’enlise de plus en plus, de nouveaux noms de chefs du gouvernement sont proposés par l’opposition et notamment Abdelkrim Zbidi et Chawki Tebib tandis qu’Ennahdha s’accroche à Ahmed Mestiri.
Chez certains participants au DN, et certainement avec l’aval d’Ennahdha — qui craint le changement — l’idée fait son chemin d’un “gouvernement d’union nationale” à la place du “gouvernement formé de personnalités indépendantes” que préconise le Quartet. On peut remarquer qu’il s’agit surtout de chefs de petits partis ou d’hommes d’affaires qui voient là une occasion de se mettre en valeur. Ce serait aussi une solution de facilité, car même si le chef du gouvernement est une personnalité neutre, les ministres appartiendront obligatoirement — du moins en partie — à des partis politiques dont ils seront obligés de suivre les consignes et les tiraillements ne permettront pas au gouvernement d’être efficace. Cela au moment où la menace djihadiste se fait le plus en plus précise à l’intérieur du pays (Sousse, Monastir…) et aux frontières, surtout au sud avec une Libye qui retombe dans le désordre et les règlements de comptes. Je pense qu’il est temps pour l’UGTT de “taper du poing sur la table” et pour Houcine Abbasi de mettre en application sa menace de présenter lui-même, au nom du Quartet, la personnalité idoine pour diriger un gouvernement et des ministres neutres, car un soi-disant “gouvernement d’union nationale signifierait l’arrêt de mort du Front du salut, le Front populaire s’y oppose de toutes ses forces, avec une grande partie des partis qui se sont jusqu’à présent ralliés à Nidaa Tounes parce qu’ils ont eu confiance en Béji Caïed Essebsi”
J’en étais là de mes réflexions, en ce midi du samedi 23 novembre, quand la nouvelle est tombée d’un communiqué d’Ennahdha qui déclare que le parti de Rached Ghannouchi “exprime son attachement à l’initiative du Quartet comme unique cadre du dialogue nationale” et précise que “les rencontres fraternelles entre Rached Ghannouchi et Béji Caïed Essebsi s’inscrivent dans le cadre du dialogue national”. Cela paraît mettre fin à toutes les autres supputations… Espérons que le Conseil de la Choura ne s’y opposera pas, ce ne serait pas la première fois !
* Et l’ANC, que fait-elle ? En l’absence de la moitié de l’opposition et d’Ettakatol, les députés présents s’intéressent au problème des amendements introduits par eux dans le règlement intérieur et que les “retirés” et Ettakatol ont refusé. C’est une alternance de promesses de les retirer et de refus du CPR (toujours à la pointe du combat contre les démocrates) qui tient à les conserver, mais il semble qu’Ennahdha y soit prête, “pour parvenir à un accord et faire réussir le DN” et les opposants “retirés” se disent prêts à retourner sous la coupole pour que ce retrait ait lieu en séance plénière. On en est là à ce jour…
Ah ! J’allais oublier que le problème de la torture (pas si nouveau que ça !), agite beaucoup les travées de l’Assemblée. Les démocrates ont toujours milité contre la torture dans les prisons et les commissariats, mais il semblerait que ce qui a mis ce problème au goût du jour ce sont les plaintes portées par des familles de djihadistes arrêtés au cours des récents actes de terrorisme à travers la République et soumis à des interrogatoires sévères pour obtenir des renseignements sur leurs complices. Certes les actes véritables de torture doivent être sanctionnés, mais on peut aussi comprendre la colère et le désir d’agir en connaissance de cause de la part des forces de l’ordre qui ont vu leurs camarades abattus, voire égorgés, comme au djebel Chaambi, et qui sont directement menacées à leur domicile ou l’école de leurs enfants.
Avez-vous entendu parler du POF ? C’est le Parti de l’ouverture et de la fidélité (à qui ?), un groupuscule dirigé par l’homme d’affaires et député Bahri Jlassi. La presse de ces jours-ci (à savoir Assabah El Ousboui, Business news et La Presse) a soulevé une curieuse affaire de “nomadisme parlementaire” à l’ANC. Je me suis souvenu que Bahri Jlassi n’est pas connu pour l’importance de son parti (minime en effet), mais il avait été épinglé par Sihem Badi pour avoir appelé sur la chaîne TV Tounisna au mariage des fillettes de 13 ans (je l’avais relevé dans le n°1400 de Réalités). C’était au temps heureux où la ministre de la Femme s’élevait contre la multiplication des jardins d’enfants islamiques… où en est-on depuis ?
Revenons à l’ANC : Bahri Jlassi accuse plusieurs autres députés — appartenant probablement à Al Aridha (courant El Mahabba )— d’avoir reçu “des sommes d’argent et des voitures” pour migrer vers son parti et sans doute installer des permanences à travers la République et d’avoir revendu des locaux et conservé l’argent et les voitures sans avoir rempli leur contrat. El Mahabba aurait porté plainte à son tour contre Bahri Jlassi pour diffamation. Ambiance à l’Assemblée, qui est obligée d’ajouter ce problème à ceux du pays… En tout cas, cela donne des indications sur la neutralité de certains de ceux à qui l’on a confié la charge redoutable d’établir les lois dont dépend l’avenir du pays et des générations futures. Espérons que les prochaines élections permettront l’émergence de députés plus fiables !
Et pendant ce temps-là, Raouf Ayadi appelle au dialogue avec Ansar Al Chariaa, ignorant superbement que cette association de malfaiteurs a été qualifiée comme “terroriste” par le chef du gouvernement !
Raouf Bahri
Pensées
Nous avons toujours affirmé que de tout temps et en tous lieux la politique n’a jamais été propre. Mais aujourd’hui et chez nous la chose publique est devenue dégoutante, dégoulinante de saleté, de fiel, de mauvaise foi, de manœuvres sournoises et de violences traitresses. Nos politiciens agissent et se comportent comme des maquignons malhonnêtes dans un marché aux bestiaux, au lieu d’agir en véritables commis de la nation et de l’État. La cause de tout cela est le bannissement de la raison et la perte de la notion d’État et la victime en est toujours et encore le malheureux peuple, qu’ils prétendent défendre et assurer le bien-être. Combien on en est loin. Nombreux sont les membres de la Constituante qui, élus sur la liste d’un parti avec force promesses mirobolantes, ont trahi sans vergogne les électeurs qui leur ont fait confiance en se déplaçant pour se retrouver sur la liste d’un autre parti. La coupole est devenue un champ de sables mouvants. L’intérêt de la nation et du peuple, mal compris, sont les moteurs de cette agitation effrénée qui cherche le profit immédiat pour la personne, ou le clan. Les membres de la constituante, ont oublié la mission pour laquelle ils ont été élus pour se muer en législateur immuable, au nom d’une légitimité à laquelle on ne voit plus aucun fondement. Parler aujourd’hui de politique, ou d’une politique en Tunisie est décevant, voire déprimant, aussi parlerons-nous d’autres choses qui peuvent intéresser les déchets humains que nous sommes.
I. La conscience nait de la peur, la peur de disparaître, l’amour, lui, nait de l’instinct de conservation que suscite cette peur. Dans l’amour filial le géniteur voit son prolongement dans le généré et dans l’amour parental, l’enfant cherche protection et sécurité auprès du géniteur, ce qui rend l’humain totalement possessif, cela est inscrit dans ses gènes.
Et le plaisir alors ? C’est la jubilation extrême d’avoir réussi l’éjection de la semence qui a assure la postérité pour l’un et d’avoir servi de réceptacle accueillant pour l’autre, c’est pourquoi ce plaisir n’a pas d’égal sur Terre : mais l’humain, toujours enclin au mal et à la recherche de plus de plaisir, a dévoyé cet acte ancestral sublime. Ce qui fait que plus la relation est tarabiscotée, plus le plaisir est intense ; il est même parvenu par une simulation de l’acte en solitaire à recréer ce plaisir.
II. L’évolution du cerveau humain, ajoutée aux contraintes et aux pressions du vécu au quotidien, font que l’on n’a plus nécessairement besoin du corps de l’autre, on a plutôt besoin de sa présence, de son regard, de sa voix, de son sourire, de ses éclats de rire et d’une empathie réciproque qu’établit une amitié sincère qui traverse les années. Mais l’empathie est-elle un sentiment noble, sincère et véridique ? Certes non. C’est la forme la plus évoluée et la plus sournoise de la possession de l’autre qui, enveloppé dans un nuage d’éther, pâmé et croyant faire acte volontaire, se laisse choir pieds et poings liés dans les bras du convoitant. Que ne ferait-on pas pour posséder l’autre ?
III. Le maquillage sert à cacher les défauts, nombreuses — comme ma femme — n’en ont vraiment pas besoin. Peut-être un peu de rose aux lèvres et un bleu léger aux paupières, cela leur donne des airs de reines, mais rien ne vaut le naturel, car on trouve toujours quelque chose d’avenant et d’agréable au visage de la personne aimée et, à quelques exceptions près, tout un chacun finit par trouver chaussure à son pied, il n’y donc pas lieu de s’inquiéter.
Jamel Eddine Bouachba