Saisissant l’opportunité de son 40e anniversaire, la Banque de l’Habitat a organisé récemment à Tunis une journée de débat sur le financement de la promotion immobilière en Tunisie.
Les promoteurs immobiliers ont été nombreux à participer et à animer le débat qui a été fructueux et a permis d’aborder les multiples problématiques du secteur : envolée des prix, régression des réalisations, questions relatives au financement. Deux interventions faites par des responsables du secteur ont permis de braquer les projecteurs sur un secteur clé de la vie économique et sociale : le logement des Tunisiens. Quel est l’état des lieux et quelles sont les perspectives de la promotion immobilière dans notre pays ?
Il se construisait durant la décennie écoulée entre 60 et 65.000 logements chaque année, 40.000 en auto-construction et 20 à 25.000 par les promoteurs immobiliers.
L’auto-construction, c’est lorsque le citoyen acquiert un terrain et entreprend la construction, soit par ses propres moyens, soit en confiant à un tâcheron le soin de lui construire un logement, financé par un prêt-logement auprès d’une banque. La Banque de l’Habitat étant spécialisée dans le financement du secteur, que ce soit par le biais de l’épargne constituée par le ménage qui débouche sur un crédit logement, ou encore via le crédit relais destiné aux promoteurs immobiliers.
Les fluctuations de la promotion immobilière
M. Néjib Snoussi, Directeur général du logement au ministère de l’Équipement, a fait un exposé relatif aux activités et à l’évolution du secteur de la promotion immobilière en Tunisie. Il y a 2600 promoteurs immobiliers agréés par le ministère de l’Équipement, mais seulement 30% exercent effectivement le métier.
Il est convenu d’appeler exercice effectif de la profession celui qui a déjà achevé un projet vendu ou en cours de vente et un chantier en cours de construction, mais déjà ouvert à la vente. Les mieux organisés et les plus puissants ont un stock de terrains constitué en vue de projets futurs.
Selon les statistiques du ministère de l’Équipement, la promotion immobilière a réalisé en 2010, 14.200 logements, ce qui constitue une bonne performance même si la part du lion revient au Grand-Tunis avec plus de 60% de l’ensemble du pays. Il y a lieu de constater l’existence d’un autre déséquilibre flagrant, celui de la promotion immobilière qui ne s’intéresse qu’aux logements de haut standing et aux logements économiques, alors que le logement social, soumis à des coûts étriqués et souffrant de la pénurie et du coût élevé des terrains semble négligé.
Effondrement du rythme en 2011
Le rythme des constructions de logements par les promoteurs immobiliers s’effondre en 2011 suite aux évènements sécuritaires et aux troubles sociaux qui ont suivi le déclenchement de la Révolution. C’est ainsi qu’en 2011, 6000 logements seulement ont été construits, soit 40% du chiffre enregistré en 2010 : chantiers désertés par les ouvriers, difficultés de financement bancaires, pénurie de matériaux de construction, désaffection de la clientèle.
En 2012 et 2013, le rythme des réalisations de programmes immobiliers reprend quelque peu de sa vigueur sans dépasser les 60% des 14.200 logements construits en 2010, soit 8670 en 2012 et 8460 en 2013. À cela plusieurs motifs peuvent être invoqués. La flambée des prix du logement, la conjoncture d’insécurité, le climat politique peu serein et un climat social perturbé qui règnent dans le pays ainsi que les difficultés des financements pour les logements de standing.
Rappelons que si le Grand-Tunis concentre 62% des logements construits, les deux gouvernorats de Bizerte et Nabeul réunis ne concentrent que 16% de l’ensemble du pays, alors que les trois gouvernorats de Sousse, Monastir et Sfax attirent 19% des réalisations des programmes immobiliers.
Il y a lieu de constater que les villes de l’intérieur, même les chefs-lieux de gouvernorat, n’attirent pas les investisseurs, ces derniers invoquant le manque de demandeurs. Ainsi Gabès, Gafsa, Kasserine, Le Kef, Jendouba, Sidi Bouzid sont presque privés de promotion immobilière.
Quel partenariat entrela BH et les promoteurs ?
La BH contribue de façon fondamentale au financement des promoteurs immobiliers en Tunisie. C’est ainsi que durant la période allant de 1989 à 2013, le montant total des crédits qui leur ont été accordés a atteint 3625 millions de dinars. Cela a permis de construire 108.000 logements, chiffre qui se passe de commentaire.
Selon le PDG de la banque, M. Ahmed Regiba, de nouvelles mesures viennent d’être prises en faveur de la promotion immobilière et sont mises en application, elles sont de nature à instaurer un véritable partenariat actif entre la BH et la profession.
C’est ainsi que la BH a décidé de créer une direction spécialisée dans la prise en charge, la gestion et le suivi de tous les dossiers de promotion immobilière et de consacrer une partie de ses crédits aux promoteurs immobiliers. Cette direction aura également un rôle d’étude, de conseil, d’orientation et d’assistance aux promoteurs afin de répondre à leurs préoccupations et de faciliter la résolution de leurs problèmes dans un délai raisonnable.
Il a été décidé également de prendre plusieurs dispositions qui vont faciliter la réalisation des projets immobiliers : réduction des documents à remettre pour la constitution des dossiers de crédits notamment les documents techniques, le raccourcissement du délai d’étude des dossiers de crédits, la possibilité de financer la réalisation du projet lors de la demande du crédit relatif à l’acquisition du terrain et la poursuite de la politique de décentralisation au niveau régional pour ce qui est des choix techniques afin de réduire les délais d’études des dossiers.
Admettre un taux de tolérance de 20% au lieu de 10% seulement lorsqu’il s’agit d’un dépassement des coûts entre les prévisions, lors de la présentation du projet par le promoteur et les estimations faites de la part de la direction technique de la banque. Le déblocage de la première tranche du crédit peut se faire avant même l’hypothèque, tandis que les décomptes peuvent être réglés dès leur présentation en attendant les contrôles techniques.
Le PDG de la banque a confirmé que la BH ne cessera pas de soutenir les activités de la promotion immobilière entreprises aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger, dont celle de se rapprocher des Tunisiens résidents à l’étranger désireux d’acquérir des logements en Tunisie.
Les doléances multiples des promoteurs
M. Fahmi Chaâbane, président de la Chambre nationale UTICA des promoteurs immobiliers, set intervenu pour dénoncer les multiples difficultés que rencontrent les promoteurs dans l’exercice de leur profession.
Lenteur des procédures administratives, notamment les permis de bâtir et les raccordements de fluides, ainsi que la hausse vertigineuse des prix des matériaux de construction, en plus de la rareté de la main-d’œuvre qualifiée et de la flambée du coût de la main-d’œuvre.
Il faut reconnaître que les promoteurs immobiliers, au cours des vingt dernières années, ont transformé le paysage urbain de plusieurs villes et de certains quartiers résidentiels et d’affaires de la capitale comme les Berges du Lac, Ennasr, El Manar, le centre urbain Nord, Montplaisir…
Les promoteurs immobiliers accomplissent des efforts pour être au service des Tunisiens résidents à l’étranger et pour répondre à leurs besoins en matière d’acquisition de logements par une politique de promotion et de proximité.
Cela renforce leur attachement à la mère patrie. Il faut dire que le secteur de la promotion immobilière constitue une locomotive pour l’économie nationale et dynamise plusieurs activités industrielles et artisanales.
Ridha Lahmar