Le cadre
Le Jebel Serj est un massif calcaire de 1357 mètres d’altitude, situé presque au milieu de la Grande Dorsale, à mi-chemin entre Grombalia et le Jebel Tamsmida à la frontière algéro-tunisienne.
C’est une lame rocheuse de 5 km de large environ sur une vingtaine de long, qu’aucune vallée ne tranche. Elle s’abaisse, au Sud-Ouest, au défilé de «Foum El Afrit» : la bouche du démon et au Nord-Est, au Khanguet El Messreb.
Le sol est constitué de strates calcaires relevées et parfois plissées mais dénudées par l’érosion. Elles forment les marches blanches gigantesques d’un escalier titanesque.
De gros efforts de reboisement en pins d’Alep ont reconstitué en partie, la couverture forestière du Jebel Serj. Les sous-bois et les garrigues sont formés de lentisques, de chênes Kermès, de cistes, de genets, de thym et de romarin, qui résistent tant bien que mal, comme les oliviers sauvages, à la dent des chèvres.
Souvent, on découvre des caroubiers en compagnie de thuya de Berbèrie, mal aimés en ces temps de rentabilité maximum, parce que leur croissance est lente. Pourtant, dans le cadre d’une politique de protection de la biodiversité et de développement durable, ces deux arbres autochtones sont dignes d’intérêt. Le thuya de Berbèrie, seul résineux à repousser à partir de la souche après avoir été coupé, fournit un bois d’excellente qualité, apprécié depuis l’époque carthaginoise et le fruit du caroubier fait actuellement l’objet d’un commerce actif.
Qui pourra découvrir l’origine d’un arbre superbe : l’érable de Montpellier dont une centaine de plants poussent sur le Jebel Serj ? Les fruits du Pin d’Alep : le «Zgougou» et celui d’un «Cade» : genévrier oxycèdre qui fournissent des huiles recherchées : l’huile de Cade et celle de «Zgougou». Ils sont, eux aussi, dignes d’intérêt.
Il est question de créer sur le Jebel Serj une réserve naturelle de près de 3000 ha dans laquelle des mouflons à manchette seraient introduits. Cette décision ne peut-être que bénéfique pour la végétation naturelle, menacée par le surpâturage, ainsi que pour la faune sauvage variée, mais attaquée par un braconnage important quand ce ne sont pas des «mesures administratives» injustifiables, au printemps, telles que des «battues administratives» – pour ne pas les appeler «battues de destruction» ! – visant à abattre des sangliers, des mères allaitantes, surtout. Les marcassins, gros comme des chatons, viennent essayer de téter alors qu’elles sont abandonnées, mortes, au bord de la piste ! Premièrement, dans ce massif, elles ne causent aucun dégât aux cultures. Il n’y a donc aucune raison de les tuer. Deuxièmement, il y’a des décennies qu’on pratique les «battues blanches» en tirant «à blanc». On ne tue pas mais on effraie et éloigne les animaux trop nombreux. Le résultat est atteint !
L’approche
Toutes les routes qui mènent au Jebel Serj, qu’elles viennent de Bargou ou de Siliana au Nord, de Makthar à l’Ouest, d’Oueslatia et de Ksar Lemsa au Sud-Est sont «intéressantes».
Siliana est la région de Zama : la capitale des rois numides, dont Juba, 1er adversaire malheureux de César. Makthar abrite un site antique prestigieux. On peut aussi traverser le plateau de la Kesra, couvert par une forêt splendide, pour aller au Jebel Serj.
Oueslatia et le Jebel Oueslat, qui recèle de très belles peintures rupestres préhistoriques, rappellent les rebellions des Oueslati et leur bannissement en 1762. La citadelle de Ksar Lemsa, l’antique Limisa, évoque les incessantes révoltes berbères contre l’occupation byzantine depuis 533 jusqu’à l’arrivée des conquérants arabes.
A l’extrémité Sud-Ouest du Jebel, on peut découvrir le site antique d’Agger dont parle El Bekri : «arrivé à Adjer, passe vite : il y a des lions qui déchirent, des pierres qui coupent et des vents qui emportent» ! Quelques kilomètres plus loin, sur la route de Siliana, au défilé de Foum El Afrit, les vestiges bien conservés d’un pont romain subsistent au bord de l’Oued Jilf. Il est au cœur d’une légende antique.
La promenade
Après avoir traversé Ksar Lemsa, on emprunte une petite route qui longe le Jebel. On s’arrête au pied d’un talweg situé à 11 km environ d’Ouslatia. Puis, on escalade la pente, le matériel rangé dans des sacs à dos, jusqu’à l’ouverture de «la grotte de la mine», située à 950 mètres d’altitude environ.
La grotte s’appelle ainsi, car elle a été découverte au début du XXème siècle lors du creusement d’une galerie de prospection minière.
Depuis lors et surtout à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, la grotte a été visitée à de très nombreuses reprises.
On pénètre dans le système de cavités par des galeries d’origine minière. La «Grande salle» constitue le rendez-vous à partir duquel on peut aller découvrir les différentes parties de la grotte.
La visite ne présente pas de difficultés majeures, ne demande pas non plus d’aptitudes physiques spéciales, mais les «non-spécialistes» doivent être accompagnés par des guides compétents, disposant d’un matériel fiable et être bien assurés. Ainsi, la visite sera une succession d’émerveillements.
Pensez que la «Grande Salle» mesure 80 mètres de large sur 200 mètres de long environ : près de 2 terrains de football accolés !
Par un puits de 150 mètres de profondeur, on accède à la «Petite salle» qui contient des concrétions magnifiques. De là, on va à la «salle du Président Bourguiba» nommée ainsi en raison de ses dimensions exceptionnelles. C’est peut-être la plus grande cavité de l’Afrique ! Les concrétions qu’elle renferme sont d’une beauté fantastique ! On les voit «s’illuminer» les unes après les autres à la lumière des lampes.
Une longue galerie montante permet de se rendre à la «salle de la Paix». Le visiteur ne dispose plus de superlatifs pour qualifier les «excentriques» qui étincellent sous le feu des projecteurs, les «colonnes» et les «draperies» d’un blanc laiteux ou parfois ocrées. Dans le silence et l’obscurité, on est au cœur de la Terre, dans le ventre du Jebel Serj.
En 2003, une équipe tuniso-belge a exploré une grande «cheminée». Le record tunisien de profondeur a été atteint à -305 mètres. Une exploration future permettra, peut-être, de toucher et / ou de dépasser le record africain de l’ordre de -600 mètres !
Au retour à la surface du sol, la lumière paraît éblouissante, même en fin d’après-midi.
Un grand projet d’aménagement a été conçu en vue de faire de la «grotte de la mine», un objectif touristique. Il devra être réalisé par des spécialistes qui devront tenir compte du degré d’hygrométrie, de la puissance de l’éclairage, de l’aménagement du parcours des visiteurs et certainement de leur nombre dans la grotte par unité de temps.
La moindre négligence peut entraîner la destruction définitive – pensons aux problèmes que connaît la célèbre grotte de Lascaux ! – de ce joyau souterrain tunisien, unique dans le pays, à notre connaissance.
La spéléologie en Tunisie
Malgré l’existence de très belles grottes, la spéléologie tunisienne est très jeune. La Fédération Nationale n’a que quelques années. Elle n’a donc pas eu le temps de se doter de tous les éléments nécessaires à un fonctionnement normal. En particulier, beaucoup d’amateurs étrangers et tunisiens hésitent à pratiquer ce sport parce qu’ils se demandent jusqu’à quel point, en cas de danger, ils bénéficieraient d’une bonne assurance ainsi que de l’assistance d’un groupe de sauveteurs compétents.