Par Mohamed Ben Naceur
Le projet de la nouvelle constitution soumis au référendum le 25 juillet prochain a été publié au JORT et le peuple tunisien est appelé à se prononcer par un « oui » ou par un « non ». La société tunisienne semble être divisée entre ceux qui soutiennent le projet de la nouvelle constitution, ceux qui sont contre, ceux qui appellent au boycott, et enfin ceux qui considèrent qu’une nouvelle constitution est le dernier de leurs soucis. Ô combien sont nombreux ces derniers ! Et ils ont probablement raison de penser ainsi, car au final, ils ont la certitude que ni la nouvelle constitution, ni l’ancienne d’ailleurs, ne va changer leur calvaire quotidien, et encore moins le changement de la date de la révolution, le 17 décembre au lieu du 14 janvier.
Beaucoup de Tunisiens ont cru, à tort, que la nouvelle constitution va les sortir de la misère, que les chômeurs vont décrocher des emplois et que les plus pauvres vont pouvoir bénéficier d’une vie meilleure. Rien de tout cela, car le monde économique ne fonctionne pas ainsi. Nous analysons dans ce qui suit quelques articles du projet de la nouvelle constitution qui ont un lien avec la sphère économique
Dans l’ensemble, le projet de la nouvelle constitution indique que nos responsables continuent à croire que nous vivons dans un monde figé identique à celui des années 60 et 70. Rappelons que durant cette période, le budget de l’Etat se situait autour de 7-8 milliards de dinars, dont la moitié était couverte par la rente pétrolière. Ceci doit nous rappeler que le monde a changé, la manière de voir les choses aussi, et nous devons nous projeter vers un monde encore plus moderne et plus sophistiqué que celui d’aujourd’hui. Malheureusement, on nous rappelle encore que la Tunisie appartient au grand Maghreb, bien qu’avec la globalisation et la mondialisation, les notions de géographie et de frontières sont devenues plus floues et seront probablement complètement éliminées dans quelques dizaines d’années. Pis encore, le débat sur l’identité nationale est encore revenu sur la table. Une perte de temps sans fin. Bien entendu, ce ne sont pas les seuls articles qui dénotent un aspect rétrograde. Bien d’autres donnent l’impression que nous continuons de vivre dans un environnement autre que celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. De nombreux articles n’ont aucune incidence juridique pratique et on se demande à quoi ils peuvent servir.
Et l’image de la Tunisie ?
Alors que les projecteurs des grandes puissances mondiales sont braqués sur cette jeune démocratie tunisienne, depuis vendredi dernier, la Tunisie fait la Une des grands journaux et des magazines. Bien entendu, c’est l’opposition qui occupe la scène pour dénoncer un retour à la dictature, mais au final, c’est l’image de la Tunisie qui est complètement ternie. Nous ne bénéficions plus d’aucun crédit de confiance auprès de nos partenaires. De toute manière, le projet de la nouvelle constitution souligne que la Tunisie ne peut faire partie d’aucun axe géopolitique. C’est assez curieux quand on sait très bien que la diplomatie est là pour uniquement défendre les intérêts du pays, quitte à traiter avec le diable. Une diplomatie neutre, c’est une diplomatie inutile. Il n’y a dans ce cas plus aucun intérêt à avoir des ambassadeurs. Des consuls feraient largement l’affaire et cela nous ferait de plus réaliser des économies.
Le droit au travail
L’une des aberrations du projet de la nouvelle constitution est d’inscrire le droit au travail. Nous n’arrêtons pas de dire que l’emploi est le résultat d’une politique d’investissement et de croissance. S’il paraît bien de dire que l’Etat garantit un travail pour chaque citoyen et citoyenne, cela est simplement impossible, même aux Etats-Unis. L’article concernant la création d’entreprise est complètement incompréhensible tant la relation entre encourager et soutenir les entreprises et les activités culturelles est ambiguë. Il faudrait probablement un spécialiste pour comprendre cela.
Des autorisations encore et toujours
La Tunisie, communément nommée pays des interminables autorisations, inscrit cette fois-ci dans la nouvelle constitution que les richesses naturelles appartiennent au peuple et qu’il faut passer par les deux chambres pour être autorisé à exploiter une quelconque richesse naturelle. A ce sujet, nous tenons à rappeler que depuis 2014, lorsque nous avons eu le génie d’inscrire que les autorisations d’exploration pétrolière passent par le Parlement, la production pétrolière a baissé pour atteindre actuellement 28 000 barils/jour soit l’équivalent du plus petit champ pétrolier en Libye. Pis encore, l’un des articles du projet de la nouvelle constitution insiste sur le partage des richesses nationales à part égale pour tous les citoyens. Autrement dit, si cette constitution passe, chaque citoyen aura sa part de pétrole, de sel etc.
Le Conseil supérieur de l’éducation
Cette nouvelle instance dont personne ne connaît le rôle pose des interrogations. Va-t-elle se substituer au ministère de l’Education ou sera-t-elle simplement une nouvelle institution pour les retraités comme la Cour constitutionnelle ? On aurait aimé avoir un Conseil supérieur de la jeunesse et qu’il soit représenté par des jeunes. Cela aurait certainement un sens avec les aspirations de la jeunesse tunisienne et répondrait à l’un des défis de la révolution.
D’une manière générale, et peu importe les résultats du référendum du 25 juillet, la Tunisie court un grand risque d’une nouvelle période agitée et marquée par des manifestations incontrôlables. Le risque de dérapage est bien réel et nous devons tous éviter qu’un tel scénario se produise. Nous devons nous unir et trouver une solution de sortie de crise consensuelle, car les positions conflictuelles ne peuvent produire que des perdants.