Dès l’annonce de sa formation, tout le monde était persuadé qu’il n’y aura pas de surprises à l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) lors du vote de confiance du gouvernement Essid.
Malgré quelques couacs, la manifestation de colère des députés Ksila et Kotti, beaucoup plus déçus par leur mise à l’écart de la liste gouvernementale que par une quelconque question de principes, le nouveau gouvernement a obtenu une majorité plus que confortable (plus de 81% des votants présents). Sur les 204 élus présents, 166 ont voté pour cette équipe qui a dû être remaniée après une première mouture très critiquée, 30 contre et huit députés se sont abstenus.
Ce vote massif, résultat logique des tractations laborieuses qui ont permis d’établir une liste gouvernementale où sont représentées cinq formations politiques et où Nidaa Tounes et Ennahdha représentent à eux seuls 155 sièges.
Même si l’entrée d’Ennahdha dans le nouveau gouvernement, avec un ministère et trois secrétariats d’Etat, a créé des frictions et un certain étalage du linge sale au sein de Nidaa Tounes, la majorité des élus de ce parti étaient confiants, estimant que le gouvernement va passer et affirmant qu’ : il ne peut pas y avoir un gouvernement sans la participation d’Ennahdha.
Dans les rangs de la gauche et aussi du CPR (qui a quatre élus), l’accord entre Ennahdha et Nidaa Tounès, jugé contre nature, voire une trahison, a récolté, comme prévu, un vote négatif et par des prédictions de chute certaine dans un proche avenir.
Ce qui a surpris, en revanche, c’est la qualité du programme présenté par le nouveau Chef de gouvernement, laissant tout le monde sur sa faim. Alors qu’on s’attendait à l’annonce d’un programme d’étape cohérent, comportant des réformes, des orientations et des mesures audacieuses, on a eu droit à une déclaration d’intentions, à des « mesurettes » et à quelques engagements.
Les axes du programme Essid
Au plan politique, M. Essid a tenu à rassurer, affirmant que la Tunisie a « rompu définitivement avec le despotisme et l’autoritarisme».
A l’évidence, dans le contexte particulier que connait le pays, la priorité sera accordée à la lutte contre le terrorisme, « condition essentielle, a-t-il martelé, pour protéger le processus démocratique, la protection de la société et le renforcement de la confiance en le présent et le futur du pays»
Ce fléau qui s’est traduit, depuis 2011, par la floraison de groupes djihadistes responsables de la mort de dizaines de militaires, d’agents de la sécurité et de la Garde nationale et de deux figures politiques de la gauche tunisienne. Ce gouvernement s’activera surtout à concrétiser une grande promesse électorale consistant à dévoiler toute la vérité sur les assassinats de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi.
Outre l’instauration de la sécurité, le gouvernement Essid se doit d’activer le processus d’adoption de la loi antiterroriste, en suspens depuis maintenant plus de quatre mois. Pour cette raison, précise le Chef de gouvernement, « Nous continuerons à doter les forces de sécurité et l’Armée d’équipements adéquats pour renforcer leurs capacités opérationnelles et leur efficacité ».
Des engagements clairs ont été pris pour préserver, voire renforcer la liberté d’expression, le respect de la Constitution et la mise en place des institutions constitutionnelles.
Il en sera , dans ce contexte, de la mise en place de la Cour constitutionnelle et à la garantie du droit à un procès équitable. Il en sera de même pour la modernisation de l’Administration, qui ne doit pas être un obstacle mais un instrument d’impulsion et de promotion. L’autre déclaration d’intention annoncée, sans pour autant fixer ses contours, se réfère à la nécessité impérieuse de réformer les systèmes d’éducation et d’enseignement, qui présentent des signes de faiblesse de plus en plus inquiétants.
Sur le plan économique, outre l’élaboration, en l’espace de trois mois, d’une loi de Finances complémentaire, M. Essid a annoncé l’élaboration d’un nouveau code d’investissement afin de donner une plus grande visibilité aux opérateurs et mettre un terme à l’attentisme et, surtout, un retour à la planification. Ce dernier aspect est d’autant plus impérieux que depuis quatre ans, les différents gouvernements successifs ont géré au plus pressé en l’absence d’un cadre qui fixe les orientations générales et les priorités.
M. Essid a annoncé le démarrage effectif de l’élaboration du projet de plan quinquennal qui se fera sur la base des résultats d’une large consultation. Concomitamment, une conférence internationale sera organisée, au cours du dernier trimestre 2015, pour présenter aux institutions de financement, la première version de ce plan, notamment, les grands projets.
L’impératif de célérité
Un signal a été néanmoins adressé au secteur agricole qui souffre de problèmes structurels chroniques. Un geste au profit de 42.500 petits agriculteurs en défaut de paiement de leurs dettes. L’Etat a manifesté sa disposition à effacer l’ardoise pour les agriculteurs dont le montant du crédit ne dépasse pas les 2.000 dinars.
Sur le plan social, un engagement a été pris pour l’amélioration du pouvoir d’achat du citoyen. Pour infléchir le trend ascendant de l’inflation, des mesures pourraient être envisagées, à l’instar du gel des prix jugés trop élevés et ce en vertu de la règlementation en vigueur. Dans ce sillage, un « système informatique pour le suivi des prix des produits frais sera mis en place en coordination avec les ministères et les groupements sectoriels concernés.
Incontestablement, la mesure qui revêt une symbolique particulière, c’est sans doute la promesse d’augmenter les allocations mensuelles servies aux familles nécessiteuses de 120 à 150 dinars par mois au profit de 230 mille familles et ce, à partir du mois d’avril 2014.
Enfin, le nouveau gouvernement sera jugé sur son efficacité et sur la célérité avec laquelle il va traiter les problématiques en suspens. Chaque ministre aura 10 jours à partir du jour de sa prise de fonctions pour présenter son plan de travail. Des commissions seront formées et chargées de suivre plusieurs secteurs qui exigent des mesures immédiates. Plus de cent vingt mesures devraient être concrétisées en cent jours est un engagement ambitieux. Il sera certes difficile mais pas impossible à réaliser, à condition que les mesures qui seront arrêtées concordent parfaitement avec les attentes les plus pressantes des Tunisiens.
Les pour et les contre
Les détails du vote de confiance au gouvernement Essid, du jeudi 5 février 2015 à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), ont été sans surprises. En obtenant 166 voix favorables, 30 contre et 8 abstentions, ce gouvernement dispose d’une marge de manœuvre respectable.
Si les partis qui ont formé une coalition avec Nidaa Tounes ont voté massivement pour ce gouvernement, une petite surprise a été enregistrée au sein des élus de Nidaa, avec un seul vote négatif, celui de Sahbi Ben Frej, quatre abstentions respectivement de Abderraouf El May, Khemais Ksila, Khaoula Ben Aïcha et Abdelaziz Kotti et deux qui n’ont pas voté, à savoir Saïd Aïdi et Lazhar Akremi.
Détails du vote
Nidaa Tounes (86 élus) : 79 Pour, 4 Abstentions, 1 Contre, 2 n’ont pas voté,
Ennahdha (69 élus) : 58 Pour, 3 Abstentions, 0 Contre, 8 n’ont pas voté,
Union Patriotique Libre (UPL) (16 élus) : 16 Pour,
Front populaire (15 élus) : 14 Contre, 1 n’a pas voté,
Bloc social-démocrate (9 élus) : 3 Pour, 1 Abstention, 5 Contre,
Afek Tounes (8 élus) : 7 Pour, 1 n’a pas voté.
N’appartiennent pas à un bloc (14 élus) : 4 Pour, 10 Contre.
N.O