Quelques semaines après sa libération, l’ancien directeur de la brigade de protection des avions à l’aéroport de Tunis-Carthage, Abdlekrim Laabidi est sorti de son silence et a accordé une interview à Réalités Online dans laquelle il révèle des données exclusives sur la période qu’il a passé derrière les barreaux, son implication dans l’affaire du martyr Mohamed Brahmi, la police parallèle, sa relation avec le mouvement Ennahdha, les barons de la contrebandes …
Abdlekrim Laabidi, est un sécuritaire âgé de 49 ans, marié et père de 3 enfants. Je suis professeur d’éducation physique de formation. J’ai obtenu plusieurs diplômes nationaux et internationaux. J’ai intégré le ministère de l’intérieur en 1989. J’ai occupé plusieurs postes au sein de ce ministère durant près de 27 ans. J’ai travaillé au sein de 50 services. Je suis spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et j’ai dirigé des sessions de formation dans ce domaine.
D’après plusieurs sources, Abdlekrim Laabidi a été suspendu de ses fonctions au sein du ministère de l’intérieur à plusieurs reprises pour ses appartenances politiques ?
« Je n’ai jamais été limogé »
« J’ai exercé mes fonctions au sein du ministère de l’intérieur pendant plus de 25 ans sans aucune suspension. Certaines parties ont évoqué même mon limogeage à l’ère de Ben Ali pour mon appartenance au mouvement Ennahdha. Elles sont allées jusqu’à dire que j’ai été réintégré au sein du ministère après la chute de Ben Ali et le retour des islamistes au pouvoir. Or ce n’est pas vrai. Ces informations n’ont aucun fondement. Je n’ai jamais été limogé. Je ne me suis jamais absenté illégalement de mon travail et je dispose de pas mal de documents officiels qui confirment mes propos.
D’après plusieurs sources, après la révolution, vous avez monté les échelons de façon très rapide et vous avez été promu de manière douteuse ?
Ces informations n’ont rien à voir avec la réalité. J’ai été promu et j’ai monté les échelons pendant 25 ans comme tous les cadres et les employés du ministère de l’Intérieur. Ma dernière promotion date de 2013 soit à l’ère du gouvernement Mehdi Jomaa. J’ai été donc promu, suite à une décision ministérielle, avec 990 autres cadres sécuritaires.
On dit que certaines parties politiques dont notamment Ennahdha avaient été derrière votre nomination à la tête de l’équipe de protection des avions à l’aéroport de Tunis-Carthage ?
Jamais. Je n’ai jamais entretenu ni de loin ni de près des relations avec des dirigeants du mouvement Ennahdha ni avec un quelconque autre parti politique. Ils ont toujours voulu me coller cela. Ils ont même dit que j’ai effectué le pèlerinage du Hajj après le retour d’Ennahdha, or ce n’est pas vrai. J’ai effectué ce pilier de l’Islam en 2002, soit à l’ère de Ben Ali. Par ailleurs, il est impossible de nommer quelqu’un à la tète de cette brigade sans qu’il soit compétent et ayant de l’expertise dans ce domaine. Moi, J’ai été nommé à ce poste grâce à mon expérience . J’ai été spécialisé dans le domaine des renseignements et de la lutte contre le terrorisme pendant plusieurs années.
Pourquoi vous avez été muté de l’aéroport ?
J’ai été muté de l’aéroport de Tunis Carthage abusivement à l’ère du gouvernement d’Ali Laarayedh. J’ai été muté suite à une série d’exploits à cet aéroport. Nous avons mis en échec, moi et d’autres sécuritaires et douaniers, plusieurs opérations de contrebande et de blanchiment d’argent notamment après la révolution. Les intérêts de certaines parties, dont des hommes d’affaires corrompus et des barons de la contrebande, ont été donc affectés. Ces parties ont mené une campagne de dénigrement de grande envergure à mon encontre. Une série de rumeurs ont été lancées en 2012 sur les réseaux sociaux et dans certains médias, partant de l’affaire de la police parallèle, en passant par ma nomination douteuse et terminer avec ma présumée appartenance au mouvement Ennahdha. Cette campagne a fini par ma mutation abusive« .
« Mon innocence a été prouvée »
Parlez nous de votre implication dans l’affaire du martyr Mohamed Brahmi ?
J’ai passé plus de 16 mois derrière les barreaux à cause d’un règlement de comptes personnel. Depuis 2012, exactement depuis la série d’exploits à l’aéroport, plusieurs parties ont essayé, à plusieurs reprises, de me faire tomber à genoux en lançant une série d’accusations et de rumeurs à mon encontre. Auparavant, ils ont essayé en vain de m’impliquer dans l’affaire du martyr Chokri Belaid.
En 2014, j’ai reçu une convocation de la brigade de lutte contre le terrorisme d’El Gorjani. Un témoin oculaire, un voisin avec lequel je n’ai été pas en bons termes, avait assuré, aux policiers, m’avoir aperçu en compagnie du terroriste Abdelhakim Belhaj à bord d’une voiture Peugeot 406 quelques jours avant les événements de Raouad. Après une confrontation avec le témoin, ce dernier a avoué que certaines personnalités lui ont demandé de faire ce témoignage. Après des investigations, il s’est avéré que ce témoin entretenait des relations avec les membres du syndicat de l’aéroport de Tunis Carthage. Ces derniers, l’ont donc forcé à faire ces déclarations aux policiers afin de m’impliquer dans une affaire dont je suis tout à fait innocent.
Vous voulez dire qu’un faux témoignage était derrière toute cette affaire ?
Les investigations et les enquêtes ont prouvé que le terroriste Abdlehakim Belhaj n’était pas en Tunisie en 2013. Les enquêtes ont révélé également qu’aucune voiture de marque 406 n’a été utilisée lors de l’assassinat du martyr Mohamed Brahmi. Les analyses ADN qui ont été effectuées sur une voiture 406 que j’ai emprunté à un ami en 2011 n’ont pas prouvé ni ma présence ni la présence d’un présumé terroriste.
Mon livre sur le terrorisme sortira bientôt
D’après plusieurs parties, dont notamment le Front Populaire, des partis politiques étaient derrière votre libération ?
Je n’ai été libéré pour les beaux yeux de personne. Mon innocence est aujourd’hui confirmée. La justice n’a trouvé aucune trace prouvant mon implication dans une telle affaire. Si je suis aujourd’hui libre c’est uniquement grâce à mon innocence et ma patience. Le voisin qui a témoigné contre moi est allé voir les dirigeants du Front Populaire pour leur demander quoi faire après ma libération. Il cherche à être protégé par le Front Populaire. Voilà une preuve. Sinon pourquoi chercher la protection si on n’est pas fautif ?
Comment vous avez passé toute cette période derrière les barreaux? Comment étaient les conditions de votre détention ?
Pendant toute cette période, je n’ai jamais été mal traité. Tout le monde me respectait. J’ai fais preuve de patience et j’étais toujours certain que la vérité allait être un jour révélée et que justice allait être rendue. J’ai beaucoup appris de mon expérience derrière les barreaux notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Et d’ailleurs, mon livre sur ce phénomène intitulé « L’industrie du terrorisme » sortira très bientôt. J’ai passé des mois et des mois à travailler sur cet ouvrage.