Né le 20 mars 1975, Bogdan Mustață est diplômé de l’École de cinéma roumaine en 2001. C’est grâce à son court métrage « Daniela », réalisé pendant ses années d’études et ayant reçu des prix, que l’artiste s’est fait connaître par le grand public. De visite en Tunisie pour assister aux Journées des Arts de la Marionnette de Carthage, le réalisateur roumain a accordé une interview exclusive à Réalités online.
Bogdan Mustață est un nom connu dans le monde de la réalisation, du montage et des écritures cinématographiques, pouvez-vous nous en dire davantage, notamment sur les stations les plus marquantes de votre parcours ?
Mon parcours a commencé à l’université nationale du cinéma et du théâtre de Bucarest où j’ai eu mon diplôme. C’est durant mon parcours universitaire que j’ai eu l’occasion de réaliser des films. J’ai commencé avec des formats 35 mm. Cette pléthore de films a été envoyée à de multiples festivals, outre les festivals estudiantins. Il s’agit notamment du festival de Munich. Et ce fut le commencement. D’ailleurs, je crois que c’est une étape obligée par laquelle passent tous les étudiants du cinéma. C’est à partir de cette étape que j’ai choisi de faire des films à l’étranger. J’ai quitté la Roumanie pour une période. J’ai travaillé dans les spots publicitaires, les séries télévisées, j’ai fait des films, j’ai écrit des scénarios. J’ai vécu une période au Vietnam et à Dubaï. Et au bout de six à sept ans à l’étranger, je suis retourné en Roumanie. Et juste après mon retour en 2007, j’ai réalisé le film qui a remporté l’Ours d’Or à Berlin en 2008. Ce prix m’a facilité les choses et m’a permis d’avoir les fonds nécessaires pour réaliser des films. J’ai eu l’opportunité de réaliser un long métrage, ce qui m’a permis de participer à plusieurs festivals que ce soit au niveau de la production ou de la réalisation. Suite à cette expérience, j’ai décidé de me consacrer au domaine de la recherche audiovisuelle, de la stéréoscopie, ainsi que d’autres techniques relatives au domaine du cinéma. Et ceci a abouti à une thèse de doctorat qui a été validée. Ainsi, c’était un retour à la source. Je suis revenu au point du commencement : l’université ! A présent, j’enseigne et j’occupe le poste de vice-recteur de l’université. Certes, mon travail est essentiellement lié à l’enseignement et aux tâches administratives, mais ma carrière académique ne m’a pas éloigné pour autant du monde cinématographique. Je réalise toujours des films, en général des courts-métrages. D’ailleurs, j’en ai un qui est planifié pour cet été.
Vous avez mentionné qu’à votre retour en Roumanie, l’un de vos films a remporté l’Ours d’Or en 2008 à Berlin. Comment ce prix a-t-il impacté votre carrière ?
Dans ce monde cinématographique, un prix aide beaucoup dans la mesure où il facilite le chemin. Cela ouvre bien des portes, facilite l’accès à des fonds et aide aussi à se faire connaître et à gagner en notoriété aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Alors oui, ce prix m’a grandement facilité mon entrée dans le monde du cinéma. Une récompense aide à avoir confiance en soi et les autres se mettent aussi à vous faire confiance.
Venu de Roumanie pour participer aux « Journées des arts de la marionnette de Carthage », cela traduit-il une passion pour cet art ?
Evidemment que j’apprécie énormément l’art de la marionnette. Mais ma présence ici en Tunisie n’est pas liée spécifiquement à cet art. Je suis ici surtout de par ma position au sein de l’université roumaine qui a, elle-même, une riche et longue histoire dans l’art des marionnettes et nous donnons aussi un spectacle programmé au sein du festival tunisien. Ceci dit, je ne suis pas ici seulement parce que nous donnons ce show, mais aussi parce que je cherche des opportunités de partenariat ainsi que des options et des modalités pour créer des relations avec la Tunisie, les universités d’art tunisiennes, ce qui nous permettra de collaborer, de grandir et de se développer surtout au niveau du département universitaire de l’art de la marionnette. De par ma position de vice-recteur de l’université, il est de mon rôle de chercher des modalités pour renforcer nos collaborations au sein des universités qui sont en Tunisie et ailleurs.
Seriez-vous donc tenté par un projet cinématographique en Tunisie, après votre passage parmi nous ? Envisagez-vous des collaborations académiques ou artistiques entre la Roumanie et la Tunisie aussi bien dans le domaine du cinéma, du théâtre qu’éventuellement dans l’art de la marionnette ?
Justement, ma présence ici dépasse ma personne et n’est donc pas personnelle. Certes, j’aurais vraiment aimé pouvoir créer un projet cinématographique en Tunisie, mais il ne s’agit pas de la première raison de ma présence ici. Ma présence relève plutôt d’une collaboration entre universités. Il s’agit d’une sorte de mission qui vise à développer un partenariat aussi bien au niveau académique qu’artistique et cinématographique.
Comme il s’agit de votre première visite en Tunisie, comment évaluez-vous ce passage parmi nous ?
Il s’agit effectivement de ma première visite ici et hélas il s’agit d’un court séjour. Je suis arrivé mardi et je dois repartir en Roumanie vendredi pour assister samedi à l’anniversaire de mes filles. Mais même s’il s’agit de ma première visite, je connais bien l’histoire de la Tunisie et je suis spécialement passionné par les richesses ancestrales tunisiennes, le patrimoine historique, archéologique et culturel tellement riche, qui m’attirent beaucoup.
Si l’on aborde le cinéma roumain. Ce dernier a acquis une reconnaissance internationale au cours de ces dernières années. Comment expliquer ce bond en avant ?
C’est une question très pertinente, mais pour être honnête, je dois dire que je ne sais pas comment expliquer les raisons de ce succès. Mais d’après l’histoire, il y a eu certains producteurs qui sont devenus très célèbres sauf qu’ils sont partis. Par la suite, d’autres producteurs sont arrivés sur la scène et sont devenus aussi très connus. Mais comment, je ne sais pas trop à vrai dire. Cependant, je pense que l’enseignement a joué un rôle très important dans ce succès. Je ne dis pas cela parce que je porte la casquette d’universitaire et je ne dis pas non plus qu’absolument tous les producteurs et réalisateurs célèbres sont diplômés de l’université national d’art et de cinéma de Bucarest, mais nombre très important d’entre eux le sont justement. Nous avons continuellement une promotion de jeunes diplômés qui sont immédiatement intégrés dans l’industrie du cinéma, ce qui a créé un environnement cinématographique dynamique. Toutefois, en dépit du grand nombre de nos diplômés, notre industrie cinématographique n’est pas immense. Mais dois-je aussi mentionner que ce n’est pas seulement une question de production et de réalisation. Nous avons aussi une grande école d’acteurs qui essaye de préserver une tradition cinématographique que nous avons à l’Europe de l’Est depuis les années 60 et 70, 80 et 90. Ces traditions sont partagées aussi par les écoles d’acteurs en Pologne et en République tchèque. Cela dit, je crois que par moments, il faut innover dans ce type d’industrie. Parce que je pense que les récepteurs ont fini par se lasser, exigeant une nouvelle vague roumaine fraîche. Du coup, en ce qui me concerne, j’encourage beaucoup les nouvelles expériences, les recherches, ainsi que les producteurs et les acteurs qui sont impliqués dans notre société et dans notre histoire. Nous verrons ce que nos nouveaux producteurs vont offrir. Et je suis optimiste pace que je vois chez mes étudiants cette tendance d’innovation.
Pour le mot de la fin, qu’avez-vous retenu de votre visite en Tunisie ?
En parlant hier à mon épouse et à mes enfants, je leur ai envoyé plein de photos que j’ai prises. Et la première chose que j’ai dite à ma femme, c’est que mes enfants voudront sûrement venir ici. Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai déjà vécu à l’étranger et la première chose qui me touche lorsque je suis dans un pays étranger, c’est l’odeur. Ici en Tunisie, ce qui m’a d’emblée marqué, c’est que même s’il ne fait pas chaud, ça sent chaleureux. Il y a une sorte d’odeur marine salée qui envahit l’atmosphère et il s’agit d’une très agréable sensation. L’odeur est très importante, c’est comme une marque spécifique qui caractérise chaque pays de façon très particulière. A présent, je connais l’odeur de la Tunisie, je m’en suis imprégné et je ne l’oublierai jamais. Une odeur que je voudrai de nouveau ressentir…
Interview conduite par Abir CHEMLI