Grira voulait délivrer les Trablesi et tuer Tarhouni !

Nous avons pu obtenir des documents révélant de nouvelles vérités sur ce qui s’est passé le 14 janvier. En effet, Ridha Grira, l’ex-ministre de la Défense,  avait tout fait pour permettre aux Trabelsi de s’évader. Et pour cela,  il avait donné l’ordre au général  Rachid Ammar de tuer le colonel de la Brigade anti-terroriste (BAT), Samir Tarhouni, qui les maintenait en détention.

 

Le matin du 14 janvier, alors qu’il débutait sa journée de travail vers 6 h, Ali Seriati, ancien Directeur de la sécurité présidentielle, avait reçu un sms de la part de Mohamed Ghariani, ex-Secrétaire général du RCD, qui le prévenait qu’une information circulait sur Facebook stipulant qu’environ 5000 personnes allaient marcher sur le palais présidentiel vers 13 h. Le jour même, il recevait aussi une autre information en provenance des renseignements britanniques notifiant que l’un des agents de la garde présidentielle avait l’intention de tuer Ben Ali.

 

«Des policiers cagoulés veulent me tuer»

Tout au long de la journée, la situation dans le pays devenait très critique. Vers midi, Ben Ali téléphone à son ministre de la Défense, Ridha Grira. «Il avait une voix préoccupée et me disait : «Un hélicoptère avec des policiers cagoulés viennent au palais pour me tuer ! C’est quoi cette histoire ?», rapporte Grira dans son témoignage devant le tribunal militaire. «Je lui ai répondu : Monsieur le Président, une chose pareille ne peut pas avoir lieu. Le seul corps qui possède des hélicoptères, c’est l’Armée. Je n’ai donné aucune autorisation de vol à aucun appareil du corps sécuritaire», «Vérifie encore», lui rétorque Ben Ali. Ce qu’il fit, puis le rappelle pour le rassurer, et Ben Ali lui lance : «Alors pourquoi Seriati raconte n’importe quoi ?».

Or, en vérifiant, Grira se rend compte qu’Ali Seriati avait demandé ce matin-là qu’un hélicoptère, à bord duquel se tenait un agent de la garde nationale,  fasse une tournée de contrôle sur le Grand Tunis, afin d’avoir une idée précise sur la situation sécuritaire. Grira exige alors que cet agent soit accompagné par un lieutenant de la sécurité militaire et qu’il soit armé. Il donne ses ordres à Taieb Laâjimi, Chef d’Etat-major de l’Armée de l’air, pour que l’hélicoptère ne s’approche pas de l’espace aérien du Palais de Carthage. «J’ai peur qu’Ali Seriati ordonne à son agent de survoler le palais et d’attaquer Ben Ali», explique Grira à Laâjimi qui rapporte ces paroles devant le tribunal militaire. Il dit aussi avoir été surpris par de telles déclarations de la part de l’ex-ministre de la Défense, sachant qu’il y a une loi claire interdisant à quiconque de survoler le palais présidentiel.

Vers 15 h, Le président déchu décide de décréter l’état de siège, remettant l’entière responsabilité du pays aux mains de l’Armée. Grira le fait remarquer au général Ammar en lui téléphonant : «C’est moi maintenant le seul qui donne les instructions dans ce pays!». L’autre lui répond : «Oui, je sais, Monsieur le ministre».

 

Grira : «Il faut éliminer la BAT !»

Parallèlement, à l’aéroport de Tunis-Carthage, la BAT (Brigade Anti-terroriste) dirigée par Samir Tarhouni, avait déjà pris en otage les Trabelsi. Grira, ayant été informé de la situation de rebellion à l’aéroport, fait tout pour essayer de les libérer. Il téléphone alors au Général Ammar qui était, à ce moment-là, présent dans la salle d’opérations du ministère de l’Intérieur, puisqu’il avait été chargé par Ben Ali de la coordination entre ce ministère et celui de la Défense. Il lui indique que : «Le Président m’a dit que la BAT s’est alliée avec les islamistes et ils ont pris en otage ma famille à l’aéroport. Il demande de les éliminer et de les tuer avec des balles réelles s’il le faut !!!». Surpris, le Général Ammar lui demande de répéter ce qu’il vient de dire et mets le haut-parleur du téléphone portable pour qu’Ahmed Friâa, ministre de l’Intérieur entendre la discussion et Grira de répéter les mêmes ordres. Alors le Général ordonne à ses collaborateurs d’appeler Tarhouni et le colonel Larbi Lakhal, de l’Unité spéciale de la Garde nationale, qui s’est joint à lui. En vain. Il décide de dépêcher Jalel Boudriga, directeur des unités d’intervention de la police, à l’aéroport pour négocier avec eux.

Entre-temps, Grira n’arrête pas d’appeler le Général Ammar pour faire pression afin que ce dernier attaque la BAT et libère les otages : «Elimine-les! Ces gens à l’aéroport, il faut les tuer !». Le général répond : «Ne vous inquiétez pas ! Je vais me débrouiller ! Je sais comment agir ! Ces gens-là sont armés et s’il devait y avoir une confrontation avec les militaires, il y a un grand risque que beaucoup de victimes tombent. L’aéroport est plein de monde !».

L’ex-ministre de la Défense n’est vraiment pas convaincu. Il essaie une autre voie, en ordonnant l’envoi de quatre hélicoptères vers Bizerte pour ramener des agents des forces spéciales de l’Armée de terre, vers l’Aouina, dans le but d’attaquer la BAT. Ces hélicoptères atterrissent à l’aéroport de l’Aouina, au moment même où arrive à la base militaire le cortège présidentiel pour prendre l’avion et quitter le pays.

 

«Ali Seriati est en train de comploter !»

Ben Ali croit à une opération terroriste visant à le tuer. Il téléphone à l’ex-ministre de la Défense, lequel appelle Laâjimi, Chef d’état-major de l’armée de l’air, vers 16 h 53, pour lui ordonner de faire atterrir tous les avions. On l’informe alors que le cortège présidentiel a contourné le salon d’honneur et est allé directement au garage où est garé l’avion présidentiel. On lui communique aussi l’identité des personnes qui sont sur place, à savoir : le président lui-même avec sa femme, son fils, sa fille Halima et son fiancé et Ali Seriati. Grira était donc au courant du départ du cortège présidentiel, contrairement à ses déclarations sur Mosaique Fm où il a dit qu’il ne l’avait su qu’après le décollage de l’avion.

Visiblement, Ben Ali n’avait pas l’intention de partir avec sa famille, mais sous l’influence de Seriati, qui lui rapportait ce qui se passait avec la BAT à l’aéroport Tunis-Carthage, il s’est décidé à les accompagner avec l’idée de revenir le lendemain, ou la nuit même. Dès que l’avion décolle, on informe Ridha Grira, qui demande qu’on suive l’avion à l’aide du radar pour connaitre sa direction.

Après le départ du président Ben Ali, Seriati reste dans le salon d’honneur avec pour mission d’attendre l’arrivée de Ghazoua et son mari, Slim Zarrouk et leurs enfants pour les faire partir sur un avion militaire à Djerba. Pour cela, il demande au chef d’état-major de l’armée de l’air la mise à disposition d’un Hercule C130.

Ce dernier informe son supérieur, Grira, qui donne son accord. Mais quelques minutes plus tard, le ministre rappelle pour demander «Mais que fait encore Seriati ici, pourquoi ne s’est-il pas envolé avec Ben Ali ?». Ensuite, il ordonne Laâjimi de l’arrêter : «Demande à un responsable qui soit accompagné d’un agent armé d’arrêter Seriati et de lui enlever son arme et son téléphone portable.

Mais que cela soit fait, quand les agents de la sécurité présidentielle seront partis, afin d’éviter un bain de sang !» Puis il ajoute : «Ali Seriati est en train de comploter !» Laâjimi exécute les ordres et charge Elyes Mankbi, colonel de l’armée de l’air, de s’occuper de cette opération. Ce qu’il fit vers 18 h 15. Seriati n’oppose pas de résistance. Ghazoua et son mari, étaient présents. Apeuré,  Slim Zarrouk demande à repartir chez lui. Grira donne son accord pour qu’on l’accompagne jusqu’à la porte de l’aéroport d’El Aouina.

 

Un C130 pour transporter les Trabelsi à Djerba

Peu après, il téléphone de nouveau à Laâjimi pour lui intimer l’ordre d’envoyer un mini bus pour ramener «un groupe de civils» qui se trouve dans le salon d’honneur de l’aéroport Tunis-Carthage et le transférer à celui de l’aéroport de l’Aouina. Le lieutenant Zied Oueslati sera chargé de l’opération et il est rejoint plus tard par le colonel, Elyès Mankbi. Ce dernier téléphone de nouveau à Laâjimi pour l’informer que le groupe de civils est constitué réellement des Trabelsi et des Ben Ali.

Quelque temps après, Grira appelle Laâjimi, comme il en témoigne lui-même, et lui demande de mettre à disposition de ce groupe un avion militaire C130 pour les emmener à Djerba. Mais ce dernier refuse en lui répondant : «On ne peut pas utiliser un avion C130 pour transporter des civils de la famille Trabelsi. On va dire après qu’on les a aidé à fuir le pays à bord d’un avion militaire ! Ce sont des civils, on ne peut pas faire cela Monsieur le ministre !». Grira insiste, mais finit par se résigner.

Vers 20 h,  le groupe est ramené au salon d’honneur d’El Aouina par un minibus. Mais au passage, devant le garage de l’avion présidentiel, il y avait de nombreux militaires des forces spéciales et d’autres de la base aérienne, qui surveillaient un groupe de 9 civils appartenant à la famille Trabelsi. Ces derniers avaient auparavant reçu des promesses faites par Ali Seriati de pourvoir partir à Djerba à bord d’un avion militaire.  Le colonel Elyès Mankbi s’est chargé de regrouper tout le monde au salon d’honneur. Nous n’avons pas d’informations sur ce qui s’est passé après.

Mais Laâgimi déclare dans son témoignage, que le colonel Elyès Mankbi l’avait appelé vers 2H pour l’informer que l’avion privé de Belhassen Trabelsi avait atterri à l’aéroport Tunis-Carthage, venant de France, et qu’on le ravitaillait en kérosène. Cet appareil serait-il venu prendre les Trabelsi en otage à l’Aouina ? Possible.

 

Echec de l’opération d’évasion

Toutefois, Mankbi fait avorter ce plan puisqu’il décide, avec tous les responsables de l’aviation et de la sécurité des frontières d’empêcher l’appareil de décoller.

Vers 6 h 15, le samedi15 janvier 2011, arrive l’avion présidentiel, ayant emmené Ben Ali en Arabie Saoudite. Elyès Mankbi se dirige vers le garage présidentiel en compagnie de hauts officiers, où il le réceptionne, fait état de ses équipements, puis le scelle.

Grira nie intégralement tout cela et va même jusqu’à dire qu’il n’avait reçu qu’un seul appel de la part de Ben Ali. Or, l’analyse par une entreprise américaine “Satcom direct” des données de la boîte noire du TS-100 (l’avion de Ben Ali) confirme qu’il avait reçu quatre appels : le premier à 18 h 46 min 27 s, le deuxième à 19 h 46 min 27 s, le troisième à 20 h 56 min 17 s et le quatrième à 21 h 25 min 9 s. L’ex-ministre de la Défense persiste et signe en disant : «vos appareils sont défaillants».

Sans entrer encore dans les détails on peut conclure qu’il y avait réellement, et depuis le début, l’intention de faire évader les Trabelsi en voulant impliquer l’armée qui était prête à suivre ce scénario, si ce n’était le courage de certains membres. Néanmoins, on ne sait toujours pas de la part de qui : Samir Tarhouni et Larbi Lakhal, recevaient les ordres pour maintenir les Trabelsi en otages, ni pourquoi ils avaient insisté pour faire inviter la télévision tunisienne afin de filmer leur remise aux mains à l’Armée.

Des soupçons tournent autour de Seriati lui-même, lequel aurait mis en place un plan pour prendre le pouvoir. C’est ce qui explique peut-être ce qu’a dit Grira au Général Ammar quand il l’a informé de l’arrestation de Seriati : «Il (Seriati) veut le beurre et l’argent du beurre !». Mais une chose est sûre : il n’était pas le seul dans cette logique. Le geste de Sami Sik Salem, directeur à la sûreté présidentielle, d’appeler Ghannouchi, Mbazâa et Kallel pour appliquer l’art 56 de la Constitution, a barré la route à tout le monde…

 

 

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