En ces temps de fortes turbulences que connaît la Tunisie, confrontée à une grave crise économique, sociale et sécuritaire, l’antienne des membres du gouvernement Chahed est que les Tunisiens doivent regagner confiance, nourrir de l’espoir, apprendre à rêver et accepter de faire des sacrifices. Cela donne l’impression que le discours du gouvernement a quelque peu changé, au niveau du contenu et de la forme, même si les Tunisiens ont pris le pli de tout dénigrer et, parfois, de broyer du noir.
Si ce discours offusque et perturbe certains, il a l’avantage d’être direct, clair et un peu plus percutent. Faut-il avoir peur de la vérité, alors qu’on n’a eu de cesse de la demander à cor et à cri depuis plus de cinq ans aux gouvernements successifs ? Affirmer que le pays affronte de grandes difficultés économiques et sociales, appeler les Tunisiens à reprendre le travail, à s’impliquer davantage pour sauver le pays du pire, s’engager à appliquer la loi, à apporter des réponses aux jeunes diplômés qui désespèrent d’intégrer la vie active, aux régions intérieures qui manquent parfois de tout devraient interpeller et susciter des réactions positives.
En effet, il y a un coût à payer à tout et il serait hasardeux de se voiler la face et de nier cette évidence. Si le pays risque aujourd’hui la banqueroute et que les grandes entreprises font face à des difficultés qui menacent leur existence même, c’est parce qu’on n’a pas su prendre les mesures qu’il faut et savoir raison garder pour arrêter les dégâts et donner une chance au pays de rebondir.
Si tout le monde assume la responsabilité de cette descente aux enfers, il nous revient de faire l’effort requis pour remettre le pays à flot et de consentir les sacrifices nécessaires pour épargner le pays de bien de tourments et d’imprévisibles développements.
Restaurer la confiance et reprendre espoir peuvent être des pistes de sortie de crise, à condition de prendre conscience de la réalité complexe que vit le pays, de tenir les engagements pris et d’éviter la fuite en avant, première cause de toutes nos difficultés.
La publication récente du rapport du forum économique mondial 2016-2017 sur la compétitivité mondiale nous a réveillés abruptement, provoquant de lancinants questionnements. En effet, seuls des pays en guerre pourraient connaitre le même sort de la Tunisie en perdant, en l’espace de cinq ans, 63 places et en voyant tous les indicateurs de mesure de la compétitivité virer au rouge.Cette dégringolade infernale n’est pas venue ex nihilo, loin s’en faut. Depuis 2011, libérée, la Tunisie a tourné le dos au travail, et tous les critères qui peuvent concourir à la performance ont été tournés en dérision. Ce qui est paradoxal, c’est qu’au nom de la liberté et de la démocratie, acteurs politiques et partenaires sociaux ont fait perdre au dialogue toutes ses vertus et au compromis tout son sens, fragilisant une démocratie naissante et un pays dépourvu de ressources, par un acharnement revendicatif sans fin. Si la Tunisie se trouve aujourd’hui le dernier de la classe dans le monde, en Afrique et au Maghreb en matière de compétitivité, c’est parce qu’on n’a pas su comprendre que le recours systématique à la grève, comme moyen de pression, est contreproductif, que le laxisme dans l’administration et le manque de transparence au niveau des procédures sont préjudiciables à l’entreprise et à l’initiative et que l’inadaptation du système bancaire est un frein à l’investissement et à la création de richesses. Que faire pour tirer les bons enseignements et arrêter les dégâts, tel est la question qu’on se pose aujourd’hui avec insistance.
Enfin, les derniers développements enregistrés au sein du parti Nidaa Tounes, grand vainqueur des élections de 2014, prouvent que la crise que connaît ce parti depuis maintenant un an et demi est la cause directe de l’exacerbation des problèmes politiques que connaît le pays. Certains se sont lassés de se demander qui peut sauver Nidaa Tounes de lui-même, pour conclure que la Tunisie en est tristement malade des luttes intestines qui sont en train de le miner et d’accentuer son effritement. N’étant plus capable d’assumer ses missions essentielles d’encadrement et de soutien au gouvernement ou à l’action parlementaire, ce parti en crise de leadership et dont les cadres ne ratent aucune occasion pour étaler leur linge sale au grand jour, est devenu l’ombre de lui-même. En déconfiture, Nidaa Tounes, auquel les électeurs ont accordé leur confiance pour éviter une polarisation de la vie politique et donner une chance à une alternance pacifique au pouvoir, donne l’impression, par l’aveuglement de son élite, qu’il ne fait que préparer le lit à ses adversaires les plus acharnés pour le mettre définitivement au banc de la vie politique.