Les relations entre l’Algérie et la France stagnent encore dans la même zone de turbulences, avec des répercussions économiques potentiellement lourdes. Selon Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF), les entreprises françaises pourraient perdre jusqu’à 5 milliards d’euros d’exportations si la crise diplomatique actuelle venait à dégénérer.
Une escalade aux conséquences économiques immédiates
La tension est montée d’un cran après l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien, suivie de mesures réciproques : Alger a expulsé 12 diplomates français, Paris a rappelé son ambassadeur et renvoyé 12 représentants algériens. Une crispation d’autant plus inquiétante qu’elle intervient à peine deux semaines après l’appel téléphonique du 31 mars entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, censé apaiser les relations.
« Si l’Algérie se fâche réellement, c’est cinq milliards d’exportations françaises qu’on perd instantanément. Est-ce qu’on a les moyens ? », s’interroge Michel Bisac, installé en Algérie depuis 19 ans. En 2024, les échanges commerciaux entre les deux pays s’élevaient à 11,1 milliards d’euros, dont 4,8 milliards d’exportations françaises (produits agroalimentaires, pharmaceutiques, équipements) et 6,3 milliards d’importations algériennes (principalement des hydrocarbures).
Dans un communiqué, la CCIAF déplore cette « escalade relevant de la politique politicienne » et appelle à préserver les liens économiques, « qui sous-tendent des liens humains et sociaux ». L’organisation patronale algérienne (CREA) a, quant à elle, annulé une visite prévue en France, y compris une rencontre avec le Medef initialement programmée le 9 mai.
Quel avenir pour le partenariat économique ?
L’annulation a été engendrée par un incident: Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur français CMA CGM, s’est vu déconseiller par Paris un déplacement à Alger pour finaliser un projet d’investissement négocié depuis près d’un an. « Il est paradoxal que les autorités françaises, qui se plaignent de la faible participation de leurs entreprises aux appels d’offres en Algérie, entravent elles-mêmes des initiatives privées », dénonce le CREA.
Malgré les tensions, la CCIAF reste mobilisée pour « pérenniser les partenariats » et éviter une rupture dommageable aux deux économies. Mais dans l’immédiat, l’incertitude plane. Les entreprises françaises, nombreuses en Algérie, redoutent des représailles commerciales ou administratives.
Une question demeure : les considérations politiques l’emporteront-elles sur les réalités économiques ?