L’ouverture de la 49e édition du Festival International de Carthage avec les Chœurs de l’Armée rouge était spectaculaire. Un show d’une heure et demie où se mêlait danse, chansons classiques et modernes, opéra et chants militaires. Du pur plaisir pour un public remplissant pratiquement tous les gradins du Théâtre romain de Carthage !
Normalement, art et discipline militaire ne font pas bon ménage, mais en ce soir du 12 juillet 2013 nous avons eu la preuve du contraire. 95 artistes étaient réunis sur scène, entre chanteurs, danseurs et musiciens, pour interpréter plusieurs répertoires, avec une aisance et une maîtrise extraordinaires.
Le Chœur en tenue militaire, dirigé par le Général Victor Eliseev, n’a cessé de nous surprendre tout au long de la soirée.
Début sobre et classique avec l’hymne national russe suivi du tunisien, interprété par Sofiène Zaidi. Mais au grand étonnement de l’audience, le chœur a chanté des passages en arabe, ce qui a enflammé la foule, debout dans un moment solennel. Du côté de la scène comme des gradins, une complicité extraordinaire s’est créée entre public et artistes.
Passage ensuite à un premier tableau de danse, toujours en habit militaire, rappelant la Russie bolchévique des années 20 et 30. Petit à petit se succédaient les scènes avec variation des tenues. On s’éloignait progressivement de l’ambiance militaire pour mettre en valeur le patrimoine culturel russe. Les danseurs excellaient dans leurs pas, avec une légèreté et une fluidité de mouvements qui étaient époustouflantes, sous le regard veillant et confiant du Général.
Arrivaient ensuite d’autres membres du chœur pour interpréter tantôt de l’opéra, tantôt du folklore, tantôt de la chanson moderne ! De quoi semer chez le public une grande confusion: fallait-il considérer ces chanteurs comme des artistes ou des hommes de l’armée ? Un vrai paradoxe !
«Sex Bomb» en tenue militaire !
Et l’audience n’était pas à bout de ses surprises, car des éléments du chœur ont joué de petites scènes comiques, prouvant qu’ils ont le sens de l’humour. Mais le comble a été atteint avec l’interprétation de la chanson pop «Sex Bomb» de Tom Jones et la gestuelle provocatrice qui allait avec. C’était phénoménal !
D’un répertoire musical à un autre, le chœur a démontré une aisance extraordinaire à interpréter les différents registres musicaux en plusieurs langues (italien, français, russe et même arabe.)
Le public était conquis. Jamais il n’avait été aussi généreusement servi en un seul spectacle ! Cela dénote une ouverture sur le répertoire mondial et une inscription dans l’époque actuelle pour un chœur né en 1939 ! Du chemin a été parcouru par cet ensemble créé par le ministère de l’Intérieur russe dans le but de «servir le pays et de remonter le morale des troupes». Dirigé au début par Alexandre Vassilivitch, puis par l’actuel Général, Victor Eliseev, depuis 1985, le Chœur s’est fait une réputation mondiale en donnant plus de 7000 spectacles, devant plus de 20 millions de spectateurs. Il a pu même se produire devant le Pape Jean Paul II et a assuré l’ouverture des Jeux Olympiques d’été de 1980 à Moscou. Un des secrets de sa réussite est la modernisation constante de son répertoire, lui permettant de toucher un public plus large.
Son passage à Tunis restera sûrement dans les annales du Festival International de Carthage.
Hanène Zbiss